La BD est à l’honneur cette semaine sur Dialna, et par n’importe laquelle, celle d’une femme engagée, forte, féministe, belle, drôle et talentueuse, j’ai nommé la grande Zainab Fasiki !
Née à Fès, en 1994, cette jeune marocaine a fait des études d’ingénieur en mécanique. Passionnée d’art et de dessin, Zainab a su très tôt qu’elle ne se destinerait pas à ce métier. Une fois le diplôme en poche, elle va voir ses parents et leur dit « J’ai fini mes études, je suis ingénieur, j’ai rempli ma part du contrat, maintenant je vais être artiste bédéiste. »
Oh well… Ça n’a pas été évident. Comment peut on laisser une carrière solide et prometteuse, pour un monde nébuleux et incertain ? Mais c’est justement la grande force de Zainab, elle a compris très jeune, que pour vivre sa vie à 100%, il faut sortir de sa zone de confort.
Quand on rencontre Zainab, on est d’abord frappé par sa beauté, elle irradie. Avant de la photographier, je me suis dit cette femme est naturellement photogénique ! Bingo ça n’a pas manqué ! Mais Zainab est bien plus que cela, c’est une personne qui a décidé de vivre sa vie à 200% , en prenant le chemin difficile de la bande dessinée. Elle dessine, non stop. Pour elle, tout est inspiration, surtout le cinéma, en particulier le film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. Quand on lui demande pourquoi ce film ? Elle répond « La palette de couleur est incroyable ! » Remarque de dessinatrice …
Elle diffuse alors ses dessins sur son blog, commence à créer une communauté autour d’elle. La jeune artiste est une pro d’Instragram et du storytelling. Elle partage sa passion pour le dessin et la BD avec le monde entier.
Le 21 aout 2017, tout bascule. Son monde, comme celui de beaucoup de marocain-es, s’effondre de tristesse. Une jeune femme handicapée est agressée sexuellement dans un bus, à Casablanca. Et par dessus le marché, ses agresseurs ont filmé l’horreur, comme si elle était un trophée…
Abasourdie Zainab, dessine l’agression comme si elle criait sa colère à l’aide de sa palette graphique.
« Quand j’ai vu les vidéos, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose. Je n’aime pas dessiner et être en colère en même temps mais là je ne pouvais pas m’en empêcher», explique-t- elle.
Elle lit les dégâts collatéraux provoqués par ce drame, elle est en colère comme nous toutes. Alors qu’elle prenait un taxi pour se déplacer en ville, le chauffeur en question, lui caresse la cheville ! C’est bon ! Zainab pète les plombs, et envoie le chauffeur bouler. En rentrant chez elle, elle décide de publier ce dessin de l’agression qui devait rester sur son disque dur !
C’est la première fois au Maroc qu’une bédéiste dessine et publie en ligne une femme agressée et dévêtue ! Le dessin devient viral, les grandes chaînes en parlent, ainsi que la presse, les blogueurs-ses et les gens sur les réseaux sociaux.
Et bien sûr, certaines personnes étaient choquées de voir une fille sein nue dans la presse. Rapidement Zainab devient la cible des internautes sur les réseaux sociaux ! « Pourquoi tu as montré des seins t’as pas honte, l’Hashouma ». Quand le sage montre les étoiles, les idiots regardent le doigt du sage. Zainab, c’est la sage et les idiots sont « les haters » sur les réseaux sociaux ! Au lieu de s’insurger contre les agressions sexuelles dans l’espace public, on se choque de voir la poitrine d’une victime !
Donnez-lui du plomb, Zainab le transforme en or ! Elle a le don de transformer sa colère en oeuvre d’art, elle se dessine nue, montre des seins, des fesses et se valorise comme une déesse antique. Elle utilise des couleurs vivantes, comme elle. Par la suite, elle va écrire une petite BD, qui s’appelle « HSHOUMA« , la honte en arabe.
Pourquoi c’est toujours aux femmes de porter la honte ? On se fait agresser, honte sur nous, on porte une robe courte, honte sur nous, on parle fort, honte sur nous, on sort avec qui on veut, honte sur nous… Et la liste est longue. Cette BD va lui donner une renommée internationale qui la conduit à donner des conférences sur le thème de « L’ARTIVISIME », mélange d’art, et d’activisme. Elle expose partout dans le monde, participe à des conversations avec d’autres artistes comme Norma Marcos.
Elle est connue et reconnue, en plus d’avoir une identité graphique bien à elle, elle a décidé de ne plus se taire. Elle répond aux interviews en darija, se présente allongée avec un verre de thé, et dénonce le vocabulaire sexiste dans les rues du Maroc. Si vous cliquez sur la vidéo ci-dessous, vous verrez quelle féministe activiste radicale elle est !
Quand on rencontre Zainab, on est sous le charme de son parcours, de son discours, son énergie, sa force et surtout son intelligence. Et c’est une fierté d’avoir des femmes comme elle au sein de notre magazine Dialna.
Suivez la sur Instagram et Facebook 🙂
Photo en Une : ©Nora Noor
[…] Zainab Fasiki, dont on vous avait déjà parlé, s’attaque aujourd’hui à la culture de la « hshouma », dans la société […]