Véritable phénomène dans le monde de la mode des années 90, la canadienne d’origine pakistano-allemande, Yasmeen Ghauri a marqué son époque par sa beauté et son attitude. En réussissant à rentrer dans le club fermé des top models les mieux payés, Yasmeen Ghauri a ouvert les portes à plus de « diversité » dans ce milieu particulier.
La portraitiste que je suis ne sait pas s’il existe de plus beaux traits et une plus belle âme que ceux de Yasmeen Ghauri. Elle a été un role model pour toutes les jeunes filles racisées ayant vécu le début des années folles de la mode, c’est à dire les années 90.
Remontons un peu plus tôt, vers la fin des années 80, à Montréal, au Canada. La jeune Yasmeen Ghauri, travaillait dans un établissement de restauration rapide, pour financer ses études. Issue d’un mariage mixte entre une mère allemande et un père pakistanais, la jeune femme a longtemps souffert du racisme à l’école, et de la difficulté à vivre en paix sa double culture. Elle détestait qu’on la prenne en photo, et aucun garçon ne voulait lui parler, ou la fréquenter, durant son adolescence. Ceux qui ont osé mettre un râteau à Yasmeen s’en mordent encore les doigts aujourd’hui (moi je dis CHEH !).
Son père était un imam très respecté dans sa communauté au Canada, et par son éducation traditionnelle, il lui interdisait de danser en public ou de trop montrer son corps. Yasmeen a d’ailleurs fait son premier pèlerinage à la Mecque à l’âge de 12 ans. Pourtant, sa destinée va la pousser hors de sa zone de confort et sera diamétralement opposée à son éducation.
Un jour, Edward Zaccharia, un coiffeur de mode réputé, repère cette jeune fille de 17 ans dans le fast-food où elle travaille, et lui donne sa carte de visite. « Tu pourrais casser les codes de beauté dans l’industrie de la mode, avec ces beaux traits », lui dit-il. Cette phrase fait tilt dans l’esprit de Yasmeen. Elle pense qu’elle peut vraiment changer la donne et apporter quelque chose de nouveau à ce monde. Aussi simple que cela ? Nope! Il lui fallait d’abord finir ses études, et donc continuer à travailler dans cette chaîne de restaurant, pour ensuite convaincre son père de quitter le cocon familial et de se lancer dans cette nouvelle carrière … Well …
Yasmeen comprend que grâce à ce job, elle pourrait gagner beaucoup d’argent en très peu de temps, et être retraitée avant 35 ans. Belle perspective en vue, qui mérite une bataille d’idées avec le padre. Comme on pouvait s’y attendre, son père n’accepte pas son choix de carrière. La rupture familiale est alors consommée. Elle est condamnée à réussir dans un monde qui n’allait pas l’accueillir à bras ouverts.
Recontextualisons cette décennie qui représentait l’empire des top models et cet univers de la mode qui faisait rêver la terre entière. C’était une industrie raciste qui valorisait sans complexe uniquement les visages européens, comme celui de Claudia Schiffer, en qui on voyait la réincarnation de Brigitte Bardot. La mannequin allemande a d’ailleurs été élue femme la plus chère du monde par le magazine Paris Match en 1992 (laissez-moi rire). On rappelle juste que cette même année 92, Claudia Schiffer ne voulait pas défiler à Paris car selon des propos rapportés par Karl Lagarfeld himself, « il y avait trop d’arabes dans cette ville« . C’est vous dire à quel point le racisme verbale était décomplexé !
Linda Evangelista, Cindy Crawford, Tatjana Patitz et autres Kate Moss avaient aussi des exigences démesurées en termes de tarifs. On valorisait financièrement ces mannequins pour élever l’idée que les traits nordiques, européens étaient le summum de la beauté. C’est comme ça que l’on crée la fascination. La seule femme racisée de cette époque qui tirait son épingle du jeu financier, c’était Naomi Campbell. Mais l’arrivée de Yasmeen va provoquer un tremblement de terre dans ce monde cadenassé qui ne sera pas mesurable sur l’échelle de Richter.
Yasmeen Ghauri commence par tenter des castings pour des agences canadiennes. On la trouve trop « ethnique » pour les marques. Elle quitte alors le Canada pour l’Europe. Première étape : l’Italie, Milan plus exactement, qui l’accueille froidement. Elle ne correspond pas du tout au canon de beauté local. Elle essuie refus sur refus, on trouve son visage anguleux, ses traits trop forts, son teint pas assez clair, ou pas assez foncé. Seconde étape avant la gloire internationale : la capitale de la mode, Paris. Ce n’est toujours pas évident pour Yasmeen, mais elle enchaîne les castings et finit par croiser sur sa route un grand bienfaiteur…
Mon habibi, un bijou d’humanité, j’ai nommé le grand, l’unique Azzedine Alaïa. Il voit en elle un grand potentiel dans sa façon de défiler, cette manière bien à elle de rouler les hanches. Avec les robes du génie, elle va affoler les chroniqueurs modes du New-York Times. Contrairement aux autres créateurs, Azzedine Alaïa va la prendre sous son aile, comme une de ses protégées. En rejoignant l’équipe de cet homme incroyable, elle côtoie Naomi Campbell, Nadège Dubospertus, Veronica Webb, Grace Jones, Farida Khelfa et j’en passe (Azzedine était inclusif avant l’heure).
Une fois dans le crew d’Azzedine, c’est naturellement que le gratin des créateurs de mode s’intéresse à cette belle Brown Girl d’à peine 20 ans. Elle rejoint enfin, le cercle fermé des Top models et défile pour Gianni Versace, Jean Paul Gaultier, Christian Dior, Ungaro, Chanel, Saint Laurent, Valentino et j’en passe… Dans l’histoire de la mode, c’est la première femme d’origine sud asiatique à être « un ange » pour Victoria Secret et à faire des couvertures de magazines comme Vogue Espagne, Allemagne, Royaume Uni, ou encore Elle France. D’ailleurs, pour l’occasion, elle pose pour les plus grands photographes de mode, comme Gilles Bensimon, Patrick de Marchelier et Steven Meisel (le photographe de mode par excellence).
Yasmeen Ghauri cartonne et signe contrats sur contrats, toujours plus juteux. Mais ce qui fait que son parcours reste unique, c’est son humilité. Elle ne donne pas une interview sans remercier son père et l’éducation religieuse qu’il lui a donnée. Pour elle, cela reste la meilleure des défenses dans cet univers impitoyable qu’est la mode. Elle a toujours su se faire respecter grâce à cela.
En imposant ce visage magnifique auprès de grandes marques, elle a aussi bousculé les codes de beauté, tout en pointant du doigt le racisme des castings. Pour elle, ce n’était pas normal d’être la seule « brown girl » dans le milieu. « There are thousands of girls out there who could be doing my job », déclarait-elle alors (« Il y a des milliers de filles qui pourraient faire mon travail »).
Aujourd’hui on voit des défilés de mode réalisés par Virgil Abloh pour Louis Vuitton, ou Rihanna pour Fenty, des créateurs.trices qui exigent des personnes racisées sur le cat walk. Mais à l’époque de Yasmeen Ghauri, à part Yves saint Laurent, Gaultier et Azzedine Alaïa, personne ne voulait voir des gens d’Inde, d’Afrique ou du Moyen-Orient représenter une marque de vêtement ou poser pour des grands photographes ! Yasmeen a défriché le terrain avec brio.
Juste après le défilé d’Yves saint Laurent, en 1996, Yasmeen Ghauri surprend tout le monde et claque définitivement la porte du milieu de la mode, pour se consacrer à son mariage et élever ses deux enfants. Elle ne donnera plus d’interviews, et ne sera sur aucun réseau social. Comme toutes les reines, elle s’est effacée de l’espace médiatique avec élégance : « Si on veut vivre heureux, il faut savoir vivre simplement et on ne peut pas être épanouie quand on attire en permanence l’attention sur soi. »
Yasmeen Ghauri a relevé la tête de millions de femmes à la peau mate, qui n’étaient absolument pas représentées dans l’industrie de la beauté, elle n’a jamais renié ses origines, ni sa religion, et a ouvert la porte à d’autres jeunes femmes d’Afrique du Nord, ou d’Inde, comme Imane Hamman ou Erika Packard : « Ne jamais oublier, qui on est, d’où on vient et où on va ».
Quand j’écoute le célèbre morceau de Prince, The most beautiful girl in the world, je vois immédiatement le visage de Yasmeen. Aujourd’hui encore, personne ne sait pour qui il a écrit cette chanson. Plusieurs noms de belles brunes on été cités, de Mayté Garcia à Daniela Amavia, en passant par Carmen Electra. Mais pour moi ce chef d’oeuvre c’est la personnification du plus beau visage qui soit, celui de Yasmeen Ghauri !
S’il te plait, donne nous de tes nouvelles, lis cet article pour savoir à quel point je t’aime et je t’admire ! Toi qui, à mes yeux, est la plus belle femme du monde, où es-tu ?