Et si on vous parlait de nos coups de coeur littéraires de ces derniers mois ? Notre appétit littéraire a été plus que rassasié avec de très belles publications, ces derniers mois. Il ne manquait plus que le temps de s’y consacrer. Nous vous avons sélectionné quatre livres qu’il ne faut pas rater. Deux romans, un essai et un recueil de poésie, histoire de plaire à chacun.e.
Karim Kattan : Le palais aux deux collines (Éditions Elyzad)
Faysal est un trentenaire palestinien qui vit à Paris. Un jour, il reçoit un faire-part annonçant le décès d’une tante, Rita. Bizarrement il n’a pas de souvenir d’elle. Pourtant, il décide de retourner dans son village natal de Palestine, Jabalayn (Les deux collines, en français) pour assister aux funérailles. Il quitte donc son compagnon pour retrouver le village de son enfance, le palais de sa famille, son histoire et ses racines.
Pour son premier roman, Karim Kattan nous transporte complètement, tant dans les lieux que l’histoire. Le palais aux deux colline est un récit poétique à la fois douloureux et rempli d’amour. L’auteur nous bouleverse par son récit et sa plume. Le lecteur se retrouve pris entre les songes et la réalité, il doute de sa propre santé mentale, comme le protagoniste. Le palais aux deux collines parle de Palestine, d’exil, de famille, d’occupation, de luttes, de deuil, de regrets, et d’espoir. Ça sent l’abricot et l’amandier en fleur, mais aussi le brûlé et la mort. C’est beau et puissant. Un roman à ne pas rater.
Nadia Hathroubi-Safsaf : Frères de l’ombre (Éditions Zelige)
Issa, tirailleur héroïque de la Première guerre mondiale attend dans sa cellule de Fort de Douaumont d’être fusillé « pour l’exemple » comme d’autres soldats indigènes, en 1917. Il pense à son épouse et à son fils qu’il n’a pas eu le temps de voir naître, laissés derrière lui au Sénégal. Plus tard, en 1939, Ousmane, son fils s’engage également dans les tirailleurs pour élucider le mystère sur la mort de son père. Il découvre l’horreur de la Seconde guerre mondiale, le massacre de Chasselay, la résistance du Vercors, et la vérité sur son père. En 2007, Djibril, cherche son grand-père Ousmane, disparu. À 86 ans, il n’a jamais raconté son passé, ni celui de son père à ses proches. Djibril ne s’en est d’ailleurs jamais préoccupé, mais la recherche de son grand-père va l’emmener sur les traces de son histoire familiale.
Passionnée de la Seconde guerre mondiale et de la transmission de l’Histoire, Nadia Hathroubi-Safsaf raconte une saga sur trois générations d’hommes sénégalais de 1917 à nos jours.Pensé comme une réponse à Nicolas Sarkozy et son tristement célèbre discours de Dakar de 2007, le roman Frères de l’ombre revient sur l’histoire oubliée des tirailleurs sénégalais, et leurs sacrifices au nom de « la mère patrie ». La journaliste Nadia Hathroubi-Safsaf continue son travail de transmission de l’histoire et des mémoires oubliées en France, avec son deuxième roman, sorti en mars 2020, après le premier, Ce sont nos frères et leurs enfants sont leurs enfants, sorti en 2016.
On tremble en découvrant les destins d’Issa, et d’Ousmane. On vibre avec Djibril qui renoue avec son histoire, à travers celle de son grand-père. Et on a hâte de les retrouver dans un prochain tome à paraître prochainement.
Jennifer Padjemi : Féminismes & pop culture (Éditions Stock)
On avait beau le savoir, ça fait quand même du bien de le relire. La pop culture, c’est de la culture. Et surtout, c’est politique et éminemment important. La (non) représentation dans les médias, et dans la pop culture influence la vie des minorités au plus haut point. Avec Féminismes & pop culture, la journaliste Jennifer Padjemi propose un essai riche et dense sur la représentation dans les séries, et films, d’un point de vue féministe. Elle va même plus loin que ce simple postulat et aborde d’autres questions. Les discriminations et oppressions étant toutes liées, l’auteure réserve naturellement une place à la grossophobie, au racisme, à l’homophobie. Réfléchir à l’une sans prendre en considération les autres n’a pas de sens et la journaliste l’a bien compris.
Quelles séries, quels personnages de fiction ont eu un impact majeur dans nos vies, dans la construction de la perception de nos corps, de nos identités ? Jennifer Padjemi y apporte sa réponse. Féminismes & pop culture aide à nous déculpabiliser de s’intéresser à ce pan de la culture. Avec un énorme travail de recherches et d’analyses, il nous a même donné envie de (re)voir certaines séries, qu’on avait juré de ne jamais aimer, comme Grey’s Anatomy… À binge-read !
Nawel Ben Kraïem : J’abrite un secret (Éditions Bruno Doucey)
Vous avez appris à connaître Nawel Ben Kraïem, la musicienne et chanteuse sur Dialna. Vous allez maintenant découvrir Nawel Ben Kraïem la poète. Dans son dernier interview chez nous, elle nous parlait déjà de son rapport quasi naturel à la poésie. Elle a donc concrétisé cet intérêt avec la sortie de son premier recueil J’abrite un secret. À l’image de sa musique, engagé, hybride, plein d’émotion, l’ouvrage questionne les/ses identités, aborde les révolutions arabes, ou la condition de femme. Pensé comme un « itinéraire » qui démarrerait au premier regard d’un enfant, qui prendrait conscience au fur et à mesure du monde qui l’entoure, J’abrite un secret relie l’intime au politique, par étapes, pour conclure sur une note de « poésie sociale », comme l’indique l’auteure elle-même.
La musicienne s’essaye à la poésie, cet « art cousin » de la chanson, plus libre dans sa construction. Elle se livre plus, profite de la ryhmique particulière, de la construction moins formelle pour poser sur le papier une certaine intimité, comme une délivrance. Elle y décortique les mots, joue avec, se les réapproprie. Même si la poésie ne vous paraît pas comme le plus accessible des styles littéraires, Nawel Ben Kraïem réuissit à nous y inviter naturellement, et à nous la rendre limpide et indispensable.