Demain, c’est le 08 Mars, ça ne vous a pas échappé. Depuis quelques jours, vous devez recevoir des mails de promotion toutes aussi honteuses les unes que les autres (coucou Etam), demain, au travail, vous recevrez sûrement une rose (faut pas exagérer) à la cantine, et votre collègue Jean-Mi va vous souhaiter au moins une dizaine de fois « bonne fête hein », avant d’essayer de vous refaire la bise à chaque fois, content de sa blague… Il pense certainement que c’est sa fête à lui..
Oui, c’est le 8 Mars. La « journée internationale de lutte pour les droits des femmes », pas la fête de la femme, ou la journée de la femme. On est censé parler des avancées et/ou régressions dans le domaine de l’égalité des droits, mettre la lumière sur les mouvements féministes et leurs travaux, pas se voir offrir une culotte, une rose, ou un robot ménager. Clairement, pour les cadeaux, on a Noël, Hanoukkah, l’Aïd, voire nos anniversaires (évitez l’electro-ménager quand même).
Cette journée a été mise en place par Clara Zetkin, journaliste et militante allemande pour le droit des femmes. En août 1910, lors de la deuxième Conférence Internationales des femmes socialistes, elle propose la création d’une « Journée Internationale des Femmes » afin de militer pour le droit de vote et l’égalité des sexes. On est loin de la grande fête avec cotillons et confettis, et petites culottes, peut être parce qu’on garde ça pour le jour où on aura réduit le patriarcat en pièces, je sais pas …
Ah, et c’est mieux si la parole est donnée aux femmes ce jour là, plutôt qu’entendre et voir encore et encore les hommes sur le sujet. Oui, je parle de vous, par exemple, qui avez eu la bonne idée de vous prendre en photo portant du rouge à lèvres. Passons sur la réduction de la femme à du maquillage, qui est en soi complètement idiote, mais en quoi vos photos ridicules sensibilisent sur les violences faites aux femmes exactement ? En quoi prendre l’espace médiatique, même ce jour là NOUS rend service ? En quoi vos duck faces barbouillées de rouge à lèvres bas de gamme apportent quoi que ce soit de concret pour les femmes victimes de violences ? Et pourquoi attendre ce jour là pour vouloir ENCORE être au centre de l’attention, alors que ce combat ne vous concerne pas ? Ne vous fatiguez pas à répondre, hein, on vous entend déjà assez TOUS LES JOURS de l’année, c’était purement rhétorique de toute manière …
Quoi de pire qu’une action comme celle là, menée par des hommes, ne montrant que des hommes ? Des médias se disant féministes ou pro féministes qui la soutiennent, car « il faut inclure les hommes dans le féminisme ». Non, nous ne sommes pas obligées d’inclure l’oppresseur dans notre lutte contre son système. On peut éventuellement les inviter à ECOUTER les femmes, à APPRENDRE des témoignages des femmes, à ÉDUQUER leurs congénères mais surtout à NE PAS LA RAMENER et à SE TAIRE sur la lutte en elle-même. Et à laisser tranquille nos rouge à lèvres.
Maintenant qu’on a réglé la question de la place des hommes dans les droits des femmes, on en vient à l’autre gros problème, et il est de taille : Le féminisme blanc. Celui qui veut inclure les hommes dans la lutte, mais qui relaye les femmes racisées au statut de victimes ou de subalternes, voire, pire qui les exclut quand il s’agit des musulmanes voilées, par exemple, ou encore des femmes transgenres. Le féminisme blanc et bourgeois qui utilise les racisées comme ressources pour grossir leurs rangs (mais loin derrière), mais oublie de les soutenir sur le racisme, l’islamophobie, la négrophobie. Le féminisme blanc qui refuse de condamner l’électorat féminin de Trump parce que « on doit se soutenir entre femmes », mais qui bégaye fort au moment de parler du problème de la suprématie blanche dans leurs rangs. Le féminisme blanc qui parle de potentielle victoire du féminisme en cas de victoire de Marine Le Pen à nos élections présidentielles. Celui qui propose aux femmes de lutter contre les inégalités salariales en quittant le travail à 16h34, le 7 novembre, sans penser que les femmes racisées ont malheureusement plus de chances d’être dans la précarité que les femmes blanches, et qu’elles auront donc plus de mal à joindre le mouvement. Celui qui nous efface même de nos luttes, celui qui a fait que de nombreuses femmes racisées ont longtemps pensé que le féminisme était un gros mot, une affaire de blanches, pas pour nous, celui qui refuse de nous voir en refusant de voir les couleurs.
Heureusement de nombreux collectifs intersectionnels apparaissent de plus en plus, conscients qu’il existe une multitude de féminismes, et qu’il est indispensable de prendre en compte le vécu de TOUTES les femmes.
Parmi les projets mis en place cette année, le Festival féministe anti-colonial organisé par le Collectif Non Mixte Racisé.e de l’Université Paris VIII. Deux journées entières de débats, entretiens, projections, le tout bien évidemment en non mixité. Pourquoi la non mixité ? Parce que c’est la suite logique si on parle d’auto-émancipation. Les personnes concernées prennent en main leurs luttes, et en décident pour elles, par elles (ça vous rappelle rien ?).
Comment débattre et mettre en place des moyens de lutte en toute sérénité quand on est sans cesse interrompu(e)s, contredit(e)s, voire attaqué(e)s par des personnes qui ne vivent pas cette oppression ? La non mixité est nécessaire, au moins ponctuellement.
Néanmoins, ça ne plait pas à tout le monde… Hier encore, à quelques heures xu festival, la direction de l’université Paris VIII menaçait tout simplement d’annuler le festival et de leur interdire d’utiliser les locaux de la fac. Le collectif a publié un communiqué sur le sujet sur leur page facebook, et a annoncé ce matin le lancement des débats !
Alors, demain, si on vous dit « bonne fête », répondez leur : « A MORT LE PATRIARCAT ET LA SUPRÉMATIE BLANCHE », minimum (on ne vous dit pas d’utiliser la violence, mais on comprendra si vous le faites).
Le passage sur le féminisme blanc : [insère emoji feu mais pas de smartphone sous la main]
Merci Sana ! Ravie de lire que tu as aimé !