[Documentaire] « A la vie à la mort », une histoire d’amitié 100% marseillaise pour Soprano

Dialna - A la vie à la mort

« A la vie à la mort », c’est expression que l’on utilise quand on se fait le serment de loyauté et de solidarité, et même dans la mort. Ce titre est parfaitement choisi pour ce documentaire de Disney +, sorti en début d’année, sur l’incroyable ascension du rappeur Soprano et de ses 3 amis Djamali, Mateo et Mej. 

Ce documentaire est la preuve que l’on n’arrive jamais à ce niveau de succès seul et que la réussite n’est jamais le fruit du hasard. Quelles sont les probabilités pour que des jeunes comoriens, algériens issus des quartiers nord de Marseille atteignent ce niveau de richesse et de succès ? Sachant qu’en France, il faut 6 générations pour casser le cycle de la pauvreté. Comment Saïd M’Roumbaba aka Soprano ainsi que ses amis Djamali, Matéo et Mej, ont réussi à atteindre leurs objectifs ? lls ont désobéi, travaillés, osés, se sont écoutés, aimés sans réserve et sans filtre.

 

Ce docu-série de 6 épisodes, réalisé par Céline Jallet, Anthony Igoulen et Yoan Zerbit est une véritable leçon de solidarité qui traverse 3 décennies dans une société où l’on consomme tout même les amitiés. Aucun succès n’est valide sans les forces d’un groupe, l’art ne vaut rien si l’aspect business est délaissé. Ce documentaire est un voyage dans le temps via  la planète Marseille.  

Petite présentation du groupe d’amis

Saïd M’Roumbaba aka Soprano, c’est l’artiste de lumière, celui qui a besoin de se mettre en avant pour faire passer des messages au monde. Il est physiquement bâti pour supporter les tournées, les projecteurs et la pression commerciale.  Profondément forgé par une foi musulmane, il prend soin naturellement des siens. Dans le groupe, Saïd c’est la vitrine, celui que l’on met en avant pour l’amour du show. 

Djamali Ahmada : Cet homme est le symbole même de la diplomatie ! En anglais, on appelle ce genre de personnes « Tension Breaker » ! Il affronte le conflit avec un calme olympien et est profondément bienveillant et loyal. Djamali c’est le ciment du groupe, celui qui fédère dans la paix. Si vous avez une personne comme celle-là dans votre vie, prenez en soin, car elles sont rares et précieuses. 

Mateo Ferran : Lui c’est la logique pure du groupe, il chiffre tout : les ventes, le temps, les mouvements, le personnel…Tout est planifié, organisé et négocié. Dans ce groupe, Mateo Ferran va être un véritable complice pour ces camarades, il comprend qu’il bénéficie d’un white passing et qu’il peut négocier avec les requins de cette industrie du disque. En plus de structurer les projets, il fait vraiment office de coach mental. A partir du moment où Mateo se lance dans un projet c’est pour le réussir. Il ne laisse pas de place au hasard. 

Mej Mazari : Certainement le personnage le plus touchant du groupe par son hypersensibilité et son oreille hors pair. Mej est celui qui a une culture musicale exceptionnelle dans le groupe. Il va apporter un univers musical au rappeur Soprano. La vie ne lui a pas fait de cadeau et ces aléas lui donnent une vision très lucide sur la réussite et le monde des arts. Il s’est donné corps et âme au succès du groupe au point de se brûler l’esprit et le corps. Mej, c’est l’écorché vif qui a trouvé des amis pour panser ses blessures émotionnelles. 

Marseille : La ville est un personnage à part entière de la série, que ce soit dans les décors, l’accent, la lumière, l’OM ou les monuments. Marseille est le mercure et le thermomètre de cette série. 

Dialna - A la vie à la mort
A la vie à la mort
(DR)

Soprano, le héros

Saïd M’Roumbaba, né le 14 janvier 1979 à Marseille est un rappeur, chanteur et compositeur français, mais avant d’être l’artiste qu’il est aujourd’hui, Saïd était un gamin des quartier nord, originaire des Comores. Les Comoriens sont une importante communauté à Marseille. Leur nombre est estimé à environ 10% de la population totale de la ville. Ils/elles partagent les mêmes caractéristiques des autres populations immigrées post-coloniales : souvent plus pauvres, musulmanes, venant d’Afrique, composées de familles nombreuses, principalement logées dans les quartiers et cités défavorisés de la ville.

Pourquoi souligner ce pourcentage ? Car le groupe est toujours plus fort que l’individu et quand toute la communauté vous regarde, c’est une pression phénoménale. L’éducation, la bonne réputation et le respect des traditions sont vitales pour appartenir au groupe. Pour le petit Saïd, les cours coraniques sont obligatoires et comme la diva Oum Kalthoum, il va entraîner sa voix et sa prestance scénique sans le savoir, en récitant les textes sacrés. Quand on utilise sa voix pour s’adresser au divin, on ne se met pas en avant, on est là pour toucher le cœur des gens. Pourtant Saïd et ses 3 amis  Djamali, Matéo et Mej, vont casser cette humilité en se produisant sur scène et quand même toucher le coeur des gens dans toute la France. 

Quand Saïd rencontre ces 3 amis Djamali, Mateo et Mej dans les années 90 sur un terrain de basket à Marseille, ils tombent tous les 3 éperdument amoureux d’une culture qui va tout renverser dans leurs vie ;  le hip hop.  Ils vont regarder ensemble, Rapline, Mtv Rap, les match de NBA… Toute cette énergie venue des Etats-Unis va leur ouvrir un horizon nouveau et chacun d’entre eux va trouver sa voie, exploiter son potentiel. Saïd l’artiste, Djamali la diplomatie et les relations humaines, Matéo l’argent et Mej le son. Ils vont conjuguer leurs talents et créer étape par étape leurs destins dans le monde de la musique, mais à quel prix !

Dialna - A la vie à la mort
A la vie à la mort
(DR)

Ce qu’il y a d’intéressant dans ce documentaire, ce qui a rarement été montré à l’écran, c’est la souffrance liée à la loyauté des enfants d’immigrés envers leurs parents, cette charge mentale qu’ils portent en permanence à ne pas décevoir leurs familles. Le documentaire montre à quel point leurs parents ne les lâchent d’une semelle ! Cette omniprésence est suffocante pour pouvoir s’épanouir dans la vie, et pourtant il va falloir désobéir, faire le mur, danser devant le professeur de religion, décevoir ses parents. C’est le prix à payer pour pouvoir toucher le rêve du bout des doigts. Ils vont s’organiser en créant une association, graver leurs CD sur un vieil ordinateur, vendre en mode huslter, organiser des concerts par-ci, par-là. 

Un groupe qui s’écoute

Djamali va être l’oreille du groupe et écouter les humeurs et sentiments de chacun. Sans le savoir, il va être le RH et coach bien-être pour que l’aventure avance. Au début, ils ne savent pas où ils vont, ils avancent jour après jour mais ils ont une confiance aveugle en leurs destins. D’ailleurs ils filment tous les événements de leurs parcours, comme s’ils savaient déjà qu’il fallait documenter chaque instant pour créer des archives. Chaque projet artistique a été réalisé avec la même équipe et chacun tient son rôle.

Et quand la vie frappe fort l’un d’entre eux, ils sont tous à l’écoute de celui qui souffre. Ils écoutent aussi leurs rêves et leurs projets, si l’un d’entre eux à envie d’aller à New York, ils s’organisent pour y aller. Quand Saïd veut remplir le stade Vélodrome, ils l’écoutent et mettent tout en place pour réaliser ce projet titanesque. Quand Mej ne va plus faire la tournée, ils sont tous à l’écoute de son mal-être.

C’est un groupe d’amis qui a su se faire confiance et à contrario parfois savoir faire la sourde oreille, quand des éléments extérieurs freinent l’ambition du quatuor. La confiance en soi, c’est écouter sa voix intérieure qui nous pousse vers notre chemin de vie, cette petite voix qui nous dit que tout est possible quand on ne laisse pas l’extérieur l’étouffer. Cette voix peut devenir une chorale et résonner dans le monde entier. C’est ce qui s’est passé avec ce quatuor, ils n’ont pas éteint leurs envie de vivre cette aventure ensemble et de combler ce besoin humain de se réaliser. 

Un groupe qui a désobéi, qui travaille, qui s’aime

Quand Saïd aka Soprano raconte son concours de danse dans le quartier, on éprouve de la fierté et on ne peut pas s’empêcher de flipper pour lui, en pensant à ce qu’il va affronter en rentrant chez lui. Il a payé cher le prix de son heure de gloire car il a été exclu de l’école coranique. Cependant, il a osé montrer sa vrai personnalité au sein de sa communauté.

Quand Mej scratche toute la nuit sur ses platines au point d’empêcher sa soeur de dormir, on se dit, il vit tellement dans la précarité, va t il oser franchir le pas et être DJ à plein temps pour subvenir aux besoins de sa famille ?

Quand Matéo quitte son job de meilleur vendeur chez Foot Locker on se demande s’il a les ressources nécessaires pour tenir une société…

Malgré les doutes et les pressions de leurs environnement un moment ou un autre, ils ont osé tenter l’aventure artistique et entrepreneuriale. Quand Saïd, Mej et Djamali montent à Paris, ils mettent en avant Matéo l’homme blanc face aux requins de l’industrie du disque, car lui va vraiment oser défendre les morceaux produits par son équipe face à des pontes de  la musique, vraiment pas sympathiques. Oser tenir tête face à tant de pression. Ce groupe de mecs a compris que les bateaux ne sont pas faits pour rester sur le (vieux) port, qu’il faut sortir de sa zone de confort et oser affronter les échecs et les réussites ensemble. N’importe quelle université de business au monde devrait prendre en étude de cas ce groupe d’amis, car ce qu’ils ont réalisé en 30 ans c’est un exploit humain et commerciale. 

La force de travail de ce groupe d’amis est incroyable et cette capacité à produire des sons, des concerts et des événements non-stop est menée par une passion sans limite pour la musique. C’est simple, il transforme un événement  négatif de la vie en son, puis en concert. Quand Saïd apprend la mort soudaine de son meilleur ami Rachid Ait Baha aka Sya (Allah y rahmo), il est ravagé par la douleur et pourtant il enregistre un morceau en son honneur (Roule). Ses amis sont derrière lui pour que le morceau existe sur les ondes de radios, chacun met ses compétences en place pour que le projet existe.

Dialna - A la vie à la mort
A la vie à la mort (DR)

Quand Mateo apprend le decès brutal de sa femme (un des moments les plus touchant de la série), il se plonge corps et âme dans le travail et fait en sorte que Soprano remplisse le Vélodrome à Marseille. Le travail est le ciment du groupe au point de ne plus lever la tête du guidon comme dirait Mej : « On a jamais célébré nos victoires » . Peut être quand on a manqué, on ne veut plus rater aucune occasion que nous offre la vie, surtout quand elle nous arrache les gens que l’on aime. 

Ce qu’il y a de beau dans cette série documentaire, c’est ce lien fort qui unit ces 4 individus. On sent de l’amour et le respect entre chaque membre du groupe. On sent les affinités entre Mej et Saïd uni par l’amour du son et de la création. « Mej je l’aimerai à vie », s’exclame Soprano. On sent l’affection pudique de Matéo pour Djamali « Djamali et Matéo c’est deux faces d’une même pièce l’un ne va pas sans l’autre », déclare Mateo. Avec Djamali il se donne le droit d’être vulnérable. Il y a aussi beaucoup d’affection physique entre ces hommes, une camaraderie méditerranéenne qui fait plaisir à voir et qui casse bien l’image de masculinité toxique qui touche souvent les hommes racisés.

Ce quatuor partage l’amour de la musique, de la scène, de leur ville et de leur famille. Quand Mej embrasse la maman de Soprano sur le front et lui dit « Bonjour tata » c’est simplement beau et réconfortant de se dire que ces valeurs de respect et d’amitié existent. 

L’amour des disparus est aussi central dans ce documentaire car la mort est omniprésente, et à travers ces hommages pour Ibrahim Ali, jeune homme tué par des colleurs d’affiches du Front National en 1995, pour DJ Sya aka Rachid Ait Baar disparu en 2015, l’épouse de Matéo, ou Mr M’Roumbaba décédé en 2020, cette série nous fait bien comprendre qu’il faut prendre soin des gens que l’on aime car la vie est vraiment fragile et temporaire.

Ce groupe a produit ce documentaire, pour retracer leur parcours mais aussi pour envoyer un message fort à leurs disparu.es : « Vous êtes avec nous ».  Le meilleur moyen de rendre hommage à ses morts c’est de vivre pleinement sa vie et Saïd, Djamali, Matéo et Mej l’ont bien compris !

A la vie, à la mort, une histoire d’amitié à l’ancienne qui on l’espère inspirera les plus jeunes à vivre leurs rêves et à ne pas rêver leur vie. 

 

Disney Plus 

Sortie le 15 juin 2022

Production 2022

6 épisodes de 47 minutes 

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