Quand l’art panse les plaies identitaires et aide à affirmer pleinement une complexité oubliée, cela crée un travail fabuleux à appréhender. C’est le cas de Lynn S.K., photographe d’origine algérienne. Son retour aux sources s’est fait à travers la photographie et l’art visuel. Portrait.
Présenter la photographe, curatrice et conférencière, Lynn S.K. n’est pas simple, tellement son parcours est riche et beau ! Artiste visuelle et photographe d’origine algérienne, elle a fait de son parcours personnel et de son identité multiple la matière première de son œuvre.
A sa naissance en 1987, en Algérie, on l’appelle Selma. Mais à son arrivée en France à 6 ans, elle est renommée Adeline. A 19 ans, elle choisir Lynn comme pseudonyme, pour se réinventer. À travers ses œuvres, elle explore la complexité de ses origines et la redécouverte de son pays de naissance, l’Algérie, qu’elle n’a réellement retrouvée qu’à l’âge adulte.
Un retour aux sources artistiquement incarné
Après des études de cinéma, Lynn a choisi de se tourner vers la photographie. Ce médium lui permet d’explorer des thèmes tels que la sororité, la mémoire enfouie et l’entre-deux géographique, qui sont intrinsèquement liés à sa propre histoire entre la France et l’Algérie. Sa démarche artistique est marquée par une recherche visuelle intense, où chaque image raconte une part de son vécu.
Le point fort de Lynn réside dans le cadre et la composition : rien n’est laissé au hasard dans ses images. On dit qu’un véritable artiste essore ses obsessions. En analysant le travail de Lynn S.K., trois éléments apparaissent de manière récurrente : l’Algérie, les identités multiples et le passé qui hante le présent. Son travail est un acte de guérison, car à travers l’image et l’art de l’auto portrait, elle explore les non-dits et les blessures cachées. Les cris intérieurs des femmes algériennes résonnent dans ses photographies.
Je n’ai pas la prétention de raconter toute l’histoire, mais voilà celle de mes proches, la mienne, et la façon dont tout ça se lie à l’histoire du pays. Lynn S.K. dans Fisheyes Magazine, janvier 2023
Et quant à son travail de portraitiste, on y décèle une part importante de psychologie. Lynn sait saisir la personnalité des gens en un cliché. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’on lui confie la une de roman et des articles de presse (Lola Lafon pour Elle, la couverture de l’album de Philippe Prohom, Un monde pour soi..)
Une œuvre poétique et engagée
Rencontrer cette jeune femme, c’est d’abord se sentir la bienvenue dans son monde. Et dans l’univers ultra concurrentiel de la photographie, c’est plutôt rare. Lynn est une féministe engagée auprès des femmes, et particulièrement de ses sœurs nord-africaines. C’est une ouvreuse de portes : elle vous présente à des galeristes, des photographes, vous donne des idées de photos, et des noms de festivals ! Elle a un CV à faire pâlir n’importe quel artiste de l’hexagone (expositions à la BNF, Atelier Médicis, couvertures de magazines), et pourtant, Lynn casse l’entre-soi bourgeois de la photographie et embarque ses sœurs photographes avec elle vers de nouveaux horizons, notamment avec le collectif 100% DZ et le projet Tilawin.
Elle est également mentor pour le Tilawin Project, une plateforme de mentorat et d’échanges pour femmes photographes vivant en Algérie et issues de la diaspora. Il fallait la voir pendant le confinement organiser et réaliser des zooms pour montrer avec ferveur le travail de ses consœurs photographes algériennes, son enthousiasme était contagieux !