Adeolu Osibodu commence sa carrière à un moment dramatique de sa vie. La photographie devient pour lui un outil d’expression personnelle, emprunt de résilience, dépeignant des humeurs et pensées enfouies. Portrait.
Né en 1997, à Lagos au Nigéria, Adeolu Osibodu évolue dans un environnement très religieux. Ses deux parents sont pasteurs. C’est cette éducation spirituelle qui façonnera son style photographique.
C’est avant la vingtaine que le jeune homme commence la photo, dans un contexte douloureux. Il n’a que 19 ans quand il a un grave accident de skateboard, sa passion, qui manque de lui coûter la vie. Alors qu’il se rend à l’université pour passer ses examens, il fait une chute. Le jeune homme perd connaissance et frôle la mort. Il se réveille avec une fracture du fémur, dont il se fait opérer. S’ensuivent cinq longs mois de rééducation. Entièrement immobilisé dans sa chambre, il s’interroge sur son existence. Il fait une crise d’angoisse et prend une photo à ce moment précis avec son téléphone pour garder trace de son état émotionnel.
“J’ai commencé avec mon téléphone portable car je ne voulais pas attendre pour avoir un appareil photo. J’ai fini par en avoir un après un certain temps…”
Les cris et le désespoir sont réels. Adeolu a été traumatisé. A ce moment, il est égaré. Il prend la photo en noir et blanc et la poste sur Flickr. Elle rencontre tout de suite un grand succès, avec un nombre incroyable de « likes » et de témoignages de soutien. La photo servira d’image d’ouverture du site. Il vient de trouver sa réponse. Il sera photographe et par ses images il traduira ce sentiment d’être proche de la mort et de célébrer pleinement la vie.
Photographe autodidacte
Adeolu termine sa convalescence en étudiant la photographie dans sa chambre d’hôpital. Il est obnubilé par la lumière et ingurgite des heures de tutos Photoshop sur Youtube, pour apprendre à travailler ses photos. Cet artiste 100% autodidacte assume de ne pas être un grand technicien. Pourtant quand on voit ses images, la technique est bien là et elle est surtout maîtrisée !
Les années qui suivent seront riches pour Adeolu. Il photographie ses racines de la région de Lagos au Nigéria. Mais la disparition n’est jamais loin puisqu’il réalise une série sur les obsèques de son grand-père, « Losing Amos », dans laquelle, il met en avant les rites, tenues et espaces de son territoire. L’une de ces photos, retenue parmi 77 000 images, lui a valu de remporter l’EyeEm Award. On le voit sauter en l’air, pieds nus, dans un costume de cérémonie hérité de son grand-père décédé. Dans cette photo, il nous montre un autre rapport à la mort, plus léger qu’en Occident.
La grande force d’Adeolu est le noir et blanc, les couleurs ocres et Photoshop, car il veut inviter les gens dans son imagination. Ses images sont à mi-chemin entre le rêve et le cauchemar, la vie et la mort, la réalité et la fiction, la modernité et la tradition.
Résilience et transmission
L’une des obsessions d’Adeolu, ce sont les mains qui incarnent la transmission, la vie d’une personne et la prière, un sujet cher à l’artiste. Il joue beaucoup avec la vitesse de son appareil photo. Le mouvement est important chez lui, car il n’y a pas d’autre moyen d’expression que l’image.
Chaque fois qu’Adeolu montre son travail, les portes du succès s’ouvrent et les contrats pleuvent. Il travaille aussi sur des projets commerciaux et des commande avec des marques ou entreprises soigneusement sélectionnées, comme des magazines prestigieux et les plus belles galeries du monde.
Le pire jour de sa vie a contribué à un changement radical dans sa carrière. Mais il est toujours traumatisé par les skateboards. Il ne peut toujours pas regarder cet objet qui a failli lui coûter la vie.
Il a malgré eu le courage d’avoir la force de continuer à vivre et à créer pour l’une des plus belles séries photographiques du siècle.
« Travaillez, c’est tout. Nourrissez l’œuvre de vos efforts. Comme n’importe quoi d’autre. Vous obtiendrez les résultats. » Prazzle Magazine
Son travail pictural dépeint une conception singulière du temps éphémère et une certaine obsession pour la désintégration. Quoi qu’il en soit, ces images sont imprimées et encadrées pour l’éternité.