On continue d’explorer la musique Amazigh moderne sur Dialna, avec cette semaine le remix du sublime Nettat du groupe Jubantouja, accompagné du rappeur Iguidr, tous marocains et chleuhs.
Jubantouja est un groupe de musique alternative, de la région d’Azilal. Il mélange la musique amazigh traditionnelle de la région au rock et au folk, avec beaucoup de finesse. La culture riche du Haut Atlas les inspire fortement, et leur musique s’imprègne d’une certaine forme de nostalgie poétique amazigh.
Ayoub Nabil, le leader et chanteur du groupe trouve sa force créatrice aussi dans les paysages majestueux et montagneux de sa terre natale. Le rapport à la terre et à la musique est indissociable de sa personne pour ce fils d’agriculteurs et de musiciens. Son père avait un groupe de musique, et lui a enseigné la musique ahouach des Rwayes alors qu’il était enfant. À l’adolescence il découvre également le Rock et le Blues. Cela pousse le jeune homme à ouvrir son horizon musical pour mieux revenir à sa culture natale. Il en créera une musique hybride, sublime et sincère, dans laquelle il exprime son amour pour son identité amazigh.
En 2016, après plusieurs créations, le groupe Jubantouja se forme à Azilal, là où la famille d’Ayoub avait déménagé pour lui permettre de poursuivre ses études dans le secondaire. Le nom du groupe est un hommage au roi amazigh Juba (Youba, aussi proche de son diminutif Youb), et au mot amazigh Ntouja qui signifie colline.
Chanter en langue amazigh se fait le plus naturellement pour le jeune homme, et les chansons originales et reprises du groupe rencontrent rapidement un franc succès dans toute la région du Souss pour commencer … Ce n’est que le début.
Le morceau Nettat (Elle) parle de la femme et de sa place dans la société marocaine en général et surtout amazigh. Ayoub Nabil explique dans une interview que « dans la culture amazigh, la femme gère toute la maison, et c’est elle qui possède la clé du grenier ». Dans la chanson et le clip, l’artiste a cherché à valoriser les femmes imazighen et à donner des images différentes des représentations habituelles. Il y raconte à demi mot une histoire d’amour amazighe…
Cela fait une dizaine d’années qu’Iguidr (« aigle » en langue amazighe) évolue dans la scène rap marocaine. Le jeune homme a très rapidement cherché à valoriser la langue et la culture amzigh à travers sa musique, créant ainsi une volonté d’union des peuples imazighen en Afrique du Nord et ailleurs. En 2021, il fonde avec un ami une agence qui promeut la culture amazighe et ses artistes qui collaborent régulièrement ensemble.
Lui aussi grandit dans une famille où la musique amazighe est importante. Son père est musicien, pourtant il ne l’a jamais poussé à évoluer dans ce milieu. Le rap inspire le jeune homme qui se nomme « Iguidr », l’aigle. « Dans la culture amazighe, l’aigle définit la liberté et ne se limite à aucune frontière », explique-t-il dans une interview. Au delà de la liberté revendiquée, Iguidr veut rétablir la grandeur de la culture amazigh au Maroc et en dehors des frontières. Longtemps moquées, méprisées par le pouvoir mais aussi par une partie de la population arabophone, la culture amazighe, l’histoire de ce peuple natif d’Afrique du Nord connait aujourd’hui un renouveau, une renaissance grâce à ces jeunes artistes qui revendiquent leur identité. Comme Jubantouja, la langue amazigh est au coeur de la musique d’Iguidr qui rappe en chleuh. Mais ce n’est pas tout, cette culture amazigh ancestrale est aussi au coeur du rythme de ses beats.
Il découvre le morceau Nettat du groupe Jubantouja et les contacte pour leur proposer un remix. Il contacte un producteur pour retoucher un peu le morceau et pose un couplet dessus. Le résultat est encore plus puissant que la version originale, déjà très réussie. Le rappeur y rajoute une version plus globale sur les difficultés des femmes imazighen.
Ils tournent dans la foulée un nouveau clip imaginé par Iguidr qui redonne une dimension encore plus collective au projet, insistant sur une transition entre l’ancienne et la nouvelle culture.