Un livre d’un genre nouveau est sorti début octobre 2018. Un livre à mi-chemin entre histoire et art, qui recense et classe par thème, les différentes présences de figures noires dans la peinture européenne depuis la Renaissance, intitulé Noir entre peinture et histoire, aux éditions Omniscience.
Les deux auteurs, Grégoire Fauconnier et Naïl Ver-Ndoye, sont tous deux professeurs d’histoire (l’un agrégé et l’autre certifié), passionnés d’art, mais aussi de questions sociales liées à la représentation. Ils portent ce projet depuis de nombreuses années et arrivent finalement au bout de leur travaux de recherche avec la sortie de livre.
Dialna est allée à la rencontre de ces deux jeunes professeurs, amis de longue date, depuis leurs études d’histoire à la fac de Nanterre. Ils nous parlent de leur démarche de vulgarisation de l’art et de représentation. Entre engagement et bonne humeur, ils déconstruisent de nombreuses idées toutes faites. C’est maintenant sur Dialna !
Dialna : Comment a débuté ce projet ? Qui en a eu l’idée ?
Naïl Ver-Ndoye : Tout a commencé lors d’une visite dans un musée à Rennes, il y a quelques années. Sur plusieurs toiles, j’ai aperçu des personnages noirs. Je me suis posé plusieurs questions : « Qui étaient ils? Que représentaient ils? », et je n’avais aucune réponse. J’y ai pensé toute la nuit. Je voulais savoir qui ils étaient en tant que sujets, et pas en tant qu’objets. Je voulais connaitre leurs vies. Qui ils et elles étaient, est ce qu’ils et elles avaient leurs vies en France, etc .. Ne pas avoir ce Noir en sujet me posait problème. J’ai essayé de faire des recherches, j’ai repensé au Radeau de la méduse, j‘ai repensé à La mort de Sardanapale, à pleins de tableaux connus, et je me suis demandé « mais en fait, qui sont tous ces Noirs ? » , toujours sans réponse. J’ai donc appelé mon vieil ami, Grégoire (Fauconnier), pour lui parler de mon idée de livre.
Grégoire Fauconnier : Quand Naïl m’a parlé du projet, j’étais loin de m’imaginer qu’il y avait des Noirs dans la peinture. Oui, il y avait quelques tableaux hyper connus. Pour moi, les quelques personnages noirs qui y figuraient étaient là juste pour représenter la diversité du monde. Je ne pensais pas que des Noirs avaient été représentés pour eux-mêmes. Je n’étais pas un amateur d’art aussi passionné et averti que Naïl. Grâce au projet, je m’y suis familiarisé. Le projet de recenser ces figures noires dans les tableaux m’a séduit tout de suite. J’ai toujours été intéressé par les questions liées à la diversité, l’altérité.
Au fur et à mesure de nos recherches, nous sommes tombés sur des personnages assez extraordinaires. Je n’aurais même pas pu imaginer leur existence. J’étais un peu la personne lambda qui ne s’était jamais posée cette question.
D : Pourtant en France, il n’y a pas d’études spécifiques sur les questions noires. Est-ce un désintérêt du public ou des institutions ?
NVN : Je ne pense pas que le public se désintéresse de ça, au contraire. La réponse de quasiment tous les éditeurs qu’on a contactés était que ce n’était pas un “sujet français”, que c’était une vision anglo-saxonne de l’histoire et que on ne faisait pas ça ici. On nous a même conseillé d’aller se faire éditer dans un pays anglo-saxon, et que peut-être on nous traduirait ici après. Pourtant, on parle de peintres européens. Ça fait partie de notre histoire. Leur réponse était choquante. Je suis européen pas américain. C’est une vision européenne de l’Histoire. Lors de nos recherches, on a vite réalisé que les rares ouvrage à aborder les question de la condition des Noirs étaient en anglais. Il n’y a rien en français.
GF : Il y a une formule qui m’a vraiment choqué et heurté c’est la réponse d’un éditeur qui disait que le public français n’était pas prêt pour ce genre de livre ! C’est de l’hypocrisie puisqu’on a de toute façon déjà eu des personnes issues de cette diversité dans notre panthéon national, et c’est ce que le livre cherche à démontrer. On a eu des personnages comme Gaston Monnerville qui était quand même le numéro 2 de la République pendant les années 50 (député, sous-secrétaire d’État aux Colonies, président du Conseil de la République de 1947 à 1958, puis du Sénat de 1958 à 1968, ndlr). Il a failli être président, à quelques mois près. Il y a franchement eu une régression depuis. Aujourd’hui, il y a une grande crispation identitaire. On le voit avec les polémiques Zemmour etc, il faudrait masquer toute forme de diversité. Et parallèlement, au niveau de la société, on a une vraie demande.
NVN : Le modèle français voudrait ne pas faire de différence entre tout le monde, mais dans les faits il y a une distinction. C’est là où les faits entérinent le droit peut-être. Notre objectif est de montrer que ces personnages-là ont leur place dans l’histoire de l’Europe.
On a voulu prendre le Noir en tant que sujet, et pas en tant que prétexte. « Qui était il, que faisait-il là ? » (Naïl Ver-Ndoye)
D : Quelle était votre démarche en fait ?
GF : La démarche derrière notre livre est simple, c’est celle de la vulgarisation. En France, quand on parle d’art, on s’adresse à un certain public, c’est élitiste, en terme de contenu, de coût. C’est très compliqué.
NVN: On l’a constaté pendant nos recherches. Il y a des termes assez compliqués, volontairement. Les anecdotes derrière les faits ne sont pas toujours pertinentes. À chaque fois, les textes s’éloignent beaucoup du tableau pour le remettre dans un contexte pictural sur six siècles. Nous on a voulu, au contraire, s’approcher du tableau. Alors, oui à la fin, on tire toujours un peu sur la ficelle pour aller vers une grande histoire, ou une anecdote historique. Mais on reste focalisé sur le tableau. On a voulu prendre le Noir en tant que sujet, et pas en tant que prétexte.« Qui était il, que faisait-il là ? » . On s’est intéressé au discours, à ce qu’il représentait, et pas à son utilité, même s’il y a une partie sur l’objectivation du Noir, dans le thème des scènes de vie.
GF: On l’a pris en tant que sujet et en tant que reflet. On part d’un ou plusieurs personnages, et on essaye d’élargir pour savoir quelle était la situation des Noirs. On a consulté pleins de livres d’art. Souvent on trouvait des textes très consistants, mais qui n’évoquaient qu’à peine le tableau, ou la situation historique. Pour nous l’art, c’est une clé d’entrée pour l’Histoire. Notre formation a influencé notre démarche.
D : Comment s’est passée l’étape de recherches ?
NVN : D’abord on a fait un recensement. On a utilisé internet, avec les recherches assez vastes : “peinture noirs”, “black painting”, etc .. On a écumé toutes les bibliothèques, emprunté tous les livres possibles. On a classé par auteur, par style. On notait tout ce qu’on trouvait. Quand on est arrivé à plus d’un millier de références, on a commencé à se dire qu’il fallait s’organiser, répertorier par thèmes.
Puis, on s’est séparés un mois environ. On a donc essayé d’organiser ce recensement, en faisant des parties, chacun de son côté. On s’est laissé deux à trois semaines et on a vu ce qui coïncidait. On était partis sur 15 thèmes, et puis on a réduit à 10 assez rapidement et c’est resté comme ça jusqu’à la fin. L’intérêt de les regrouper par thème c’est aussi de voir une évolution historique, ou de voir comment ce thème était exploité un peu partout en Europe.
D : L’un des thèmes que vous avez sélectionné est la politique. La présence d’hommes politiques noirs en France et en Europe est encore assez peu étudiée ?
NVN : C’est vrai, peu sont connus. À part peut-être deux ou trois. Il y a Jean Baptiste Belley éventuellement, c’est le premier député noir en France.
GF : Mais tu ne l’étudies pas vraiment que ce soit au secondaire, ou au supérieur. C’est vraiment par ton intérêt personnel que tu y viens. Il y a aussi l’exemple de Thomas Dumas, le père d’Alexandre Dumas, qui n’est pas une figure politique à proprement parler mais plus une figure militaire. C’est un personnage qui est peu mis en avant. Même le métissage d’Alexandre Dumas a tendance à être gommé quand on parle de lui. Aujourd’hui, peu de gens savent que sa grand-mère était esclave. J’ai également découvert grâce à mes recherches pour le livre, qu’Alexandre Pouchkine avait un arrière grand-père noir. Son histoire est extraordinaire. Il fut acheté enfant par les Russes, et le Tsar, pour montrer qu’il ne faisait pas de différences entre les races, va l’affranchir, en faire son filleul, et lui donner une éducation de noble. Il va même devenir général de l’armée russe. De génération en génération, sa descendance va atteindre un rang élevé dans la société russe de l’époque, jusqu’à arriver à Alexandre Pouchkine, le plus grand poète russe. Il y a des personnages comme ça, dont, finalement, on ignore souvent l’origine africaine.
Mais je trouve ça assez incroyable de se dire qu’au 15ème siècle en Italie, tu avais un prince de Médicis qui vraisemblablement était métis, et potentiellement descendant d’esclaves. (Grégoire Fauconnier)
D : À force de vouloir gommer les différences et de vouloir faire que l’universel soit blanc, on passe à coté de ces histoires, à moins de vraiment pousser les recherches ?
GF : C’est exactement ça. Il y a un autre exemple qui m’a marqué c’est celui d’Alexandre de Médicis. Tu vois très clairement sur les peintures qu’il ressemble à un métis. Il a des cheveux crépus, etc .. Il y a encore des historiens qui disent qu’il n’est pas métis. Alors peut-être qu’ils se fondent sur de véritables arguments, ce n’est pas non plus ma spécialité. Mais je trouve ça assez incroyable de se dire qu’au 15ème siècle en Italie, tu avais un prince de Médicis qui vraisemblablement était métis, et potentiellement descendant d’esclaves. Et ça aussi c’est une découverte du livre, pour ma part. Dans une bonne partie de l’Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal), il y avait une grande population noire.
NVN : Et ce n’était pas que des esclaves. Au 17e siècle, 10% de la population de Lisbonne était noire. Il y avait des artisans, des commerçants, etc .. Il y a même une toile qui représente une scène de vie à Lisbonne justement. On y voit des gens qui dansent ensemble, un Noir avec une Blanche. Il y a des musiciens noirs, il y a même un chevalier noir !
GF : Autre personnage exceptionnel, c’est Badin, conseiller du roi de Suède. On est au 18ème siècle. C’est un homme riche. Il y a une super représentation de Badin dans le livre. On voit le côté malicieux et très intelligent du personnage, qui est devant un jeu d’échecs. C’est symbolique de sa position au sein de la cour de Suède : distribuer les rôles, manigancer pour défendre sa place.
NVN : Ça tranche avec les représentations du Noir esclave. Même si bien sûr, elles existent et sont fondées. Malgré tout, ça fait du bien de voir cela. La réalité ce n’est pas que des liens de domination. Il y en a eu, je ne vais pas les nier, bien entendu. On vit encore aujourd’hui les conséquences de ces liens. Mais il y a eu également des situations où ils étaient pratiquement d’égal à égal. En tout cas, parfois, le Noir était considéré comme un être humain. On a des scènes d’amour, des scènes de danse, d’entrelacement. Voire même des scènes de guerre où le Noir est mis en avant tout comme les autres, comme combattant. C’est important.
GF : Ça casse complètement les représentations qu’on avait. J’étais un béotien en la matière, Naïl connaissait un peu mieux les sujets des Noirs et de la peinture que moi. Mais j’avoue que mes représentations aujourd’hui sont complètement différentes de celles que j’avais avant de commencer le livre. On parlait de militaires, on a des figures comme Thomas Dumas, ou le chevalier de Saint George, que Naïl a étudié un peu plus, ou même des tirailleurs Sénégalais. Pour moi il est essentiel de leur redonner une place dans notre panthéon national. La polémique autour des propos de Zemmour découle de cela. Quand il dit que le prénom Hapsatou est une insulte à la France, il oublie, ou fait semblant d’oublier complètement tous ces personnages. C’est essentiel de lui rappeler leur existence, de rappeler par exemple que ces tirailleurs sénégalais ont versé leur sang pour la France et qu’en tant que tels, leurs descendants, leurs prénoms, leur culture sont tout à fait légitimes en France aujourd’hui. Cet été j’étais à l’ile de Ré. En me promenant, je me suis retrouvé devant le cimetière, et je suis tombé sur des sépultures musulmanes. Je me suis demandé qui étaient ces personnes. J’ai fait quelques recherches et il s’est avéré qu’un navire s’était échoué en 1917. Il transportait des tirailleurs sénégalais. Près de 200 corps sont enterrés à l’ile de Ré, et dans les environs. Ce sont des hommes qui sont partis loin de chez eux, ont combattu pour la France et quelques décennies plus tard, on remet en question leur appartenance à la Nation. Ça me pose vraiment problème.
D : Le fait que cette présence noire en Europe ne soit pas vraiment enseignée favorise aussi ce discours, non ? En tant que professeurs, comment vivez-vous cela ?
GF : C’est à chaque professeur de faire le nécessaire pour amener ce genre de réflexion. Ce livre a aussi pour objectif de montrer qu’en France, la diversité s’inscrit dans la durée.
NVN : Il y a de la diversité partout en Europe. J’aimerais qu’on arrête de parler uniquement de la France. Certes, le livre est en français, j’espère qu’il sera traduit d’ailleurs. J’aimerais qu’on change d’échelle. J’aimerais que ce livre soit vraiment sur l’échelle européenne. On ne mesure pas aujourd’hui la portée qu’il peut avoir sur l’Europe. Il ne va pas tout révolutionner mais il peut avoir une vraie portée sur les afro-descendants en Europe. J’ai appris récemment qu’il y avait un mouvement Afro-autrichien. Ils produisent beaucoup de littérature et sont très influencés par les États-Unis. Ils en ont besoin aussi. En Écosse, pour le Black History Month, ils ont ressorti des archives relatant la présence de noirs au 17e siècle. C’est vraiment une dynamique que l’on retrouve partout en Europe.
Ça fait du bien de dire et de savoir que cette présence ne date pas de 40 ans uniquement. Et que ce n’est pas qu’un lien de dominant / dominé. (Naïl Ver-Ndoye)
D : Il y a un vrai besoin alors ?
NVN : Exactement. Ça fait du bien de dire et de savoir que cette présence ne date pas de 40 ans uniquement. Et que ce n’est pas qu’un lien de dominant / dominé.
GF : Je pense néanmoins que cette présence est plus forte pour certains pays comme la France, ou le Royaume Uni que pour d’autres, du fait du rapport colonial. C’est peut-être là que l’on se distingue Naïl et moi. Mais c’est vrai que c’est une problématique qui se retrouve partout. Il y a une phrase d’Alain Mabanckou qu’on aime beaucoup, quoi qu’on pense de l’auteur et qui résume bien cela : “L’histoire de France est cousue de fil noir.”
D : Le thème de la religion est également abordé. Pour représenter le musulman, la figure du Noir était-elle utilisée fréquemment ?
NVN : Il y a eu de tout en fait. Par exemple, certains historiens prétendent que Shakespeare s’est inspiré de l’ambassadeur du Maroc en Angleterre, à l’époque pour le personnage d’Othello. Dans la pièce, il est appelé et décrit comme Noir à plusieurs reprises. Alors est-ce que pour les Anglais du 17e siècle, un marocain était forcément un noir à cause de l’altérité, ou est-ce que vraiment il était vraiment noir ? En tout cas les termes utilisés pour le décrire sont assez équivoques : “Noir de suie”, “personnage noir”, etc ..
D : La représentation des corps noirs est un des thèmes que vous abordez également. L’évolution de cette représentation se fait forcément sous le regard d’hommes blancs. Y a-t-il des œuvres peintes par des noirs dans votre livre ?
NVN : Pas en France, mais ailleurs en Europe oui. Il y a un peintre noir en Espagne, Juan de Pareja. C’était l’esclave, ou domestique de Vélasquez. Il était chargé de préparer les couleurs dans l’atelier du maître. Il a peint de son côté, et a été plusieurs fois réprimandé par Vélasquez qui ne voulait pas qu’il peigne. Il l’a quand même fait et a même présenté des toiles au Roi, qui aurait demandé par la suite son affranchissement. Lui a été peint et représenté par Vélasquez, et on a aussi intégré des toiles qu’il a peintes. Ce sont d’ailleurs les seules avec uniquement des personnages non noirs. Mais c’était important de montrer son travail à lui, avec son regard d’homme noir.
Pour en revenir au corps noir, sa représentation a évolué. Au début de la Renaissance, on montrait surtout des visages, aussi car il y avait peu de modèles. Quand on regarde les corps en eux-mêmes, c’est assez grossier. Les corps de femmes, par exemple sont assez masculins. On y voit de grosses épaules, de gros bras, etc .. Au 17e siècle, il y a une certaine évolution. Les femmes sont plus sexualisées, voire même hyper sexualisées. On va voir des croupes, des fesses, des hanches, des poitrines exubérantes, etc .. Et ensuite, il y a eu un mouvement au 19e siècle, plus proche du réalisme, où les femmes noires sont peintes de manière plus juste, comme le Portrait d’une négresse de Marie-Guillemine Benoist. Les pigments de la peau sont intéressants et bien étudiés, on y voit une volonté d’être vraiment réaliste, ni plus ni moins. En tout cas c’est comme ça que je le vois. Ensuite, il y a eu le primitivisme, l’art nègre, dont je suis moins fan, au début du 20e siècle où ils repartent un peu dans des préjugés. Ils utilisaient des formes coniques, héritées des masques africains.
GF : Au début c’était vraiment stéréotypé. Il y avait comme une ignorance. C’était limite des blancs qu’on avait colorié en noirs. En rajoutant quelques traits, par exemple un nez plus rond.
NVN : Les Noirs se ressemblaient tous, et étaient tous représentés de profil, en train de servir.
GF : À une époque, il y avait en fait un homme qui avait servi de modèle à plusieurs peintres, du coup, en effet, on retrouvait les mêmes traits.
D : Quels sont les obstacles majeurs auxquels vous avez du faire face ?
NVN : Pendant la période de recherches, on n’en a pas vraiment eu. À part nos disponibilités variables ! Sinon, les réticences sont réellement venues des éditeurs. Il nous a fallu vraiment longtemps pour en trouver un qui acceptait d’éditer le projet. Comme je te le disais auparavant, on a eu de très nombreux refus. On a eu aussi des problèmes avec les commerciaux, les diffuseurs du livre. On a eu de très mauvais retours. C’est aussi pour ça que le livre a mis autant de temps à sortir. Ils ne comprenaient pas le livre, se demandaient comment ils allaient le présenter aux librairies, etc .. Ça a été un peu dur aussi. Mais depuis qu’il est sorti, ça va, on a d’excellents retours !
GF : La vraie difficulté a été de trouver un éditeur. Pourtant Naïl a une capacité de conviction très forte ! On a eu tellement de retours négatifs, on a contacté près d’une trentaine d’éditeurs différents. C’est vraiment le terme “Noir” qui posait problème.
D : Comment l’avez-vous trouvé alors ?
NVN : On s’est quasiment arrêté de travailler sur le livre pendant près de huit mois. On avait fait environ le tiers du livre, ça n’avançait pas, on était fatigués. Il fallait se mettre d’accord sur ce qu’il fallait envoyer. À force d’envoyer des maquettes et de recevoir des refus, on ne savait plus quoi faire. Les retours étaient quand même parfois positifs, d’une certaine manière. J’avais déjà publié un livre sur le métier d’enseignant, donc je connaissais les réponses types de refus. Là, c’était plus recherché, construit, comme réponse. Ils appréciaient parfois le projet, pourtant ils ne voulaient pas l’éditer. À force de chercher, je suis tombé sur un livre que je trouvais beau, édité par Omniscience. Je les ai contacté en me disant que j’aimerais bien que notre livre ressemble à ça.
GF : Cet éditeur est quelqu’un de déjà engagé, il a l’esprit ouvert à ces questions. Savoir aujourd’hui que le livre est déjà en rupture de stock dans certaines Fnac, c’est aussi une forme de récompense pour son courage et son audace. Là où tous les éditeurs nous ont dit non, « le public français n’est pas prêt », lui nous a dit oui. Et on se rend compte aujourd’hui que si, le public français était plus que prêt. Il y avait une attente.
D : En quoi vous a-t-il aidé pour finir l’ouvrage ?
GF : On était partis pour quelque chose de plus simple. Lui a voulu l’étoffer, et a posteriori, il avait complètement raison. Il a augmenté le nombre de peintures qui illustraient le choix des œuvres principales. Au final on a 300 œuvres analysées dans le livre.
NVN : En effet ça nous a fait beaucoup plus de travail d’écriture mais ça avait plus de sens.
GF : C’est vrai qu’avec les refus, il a fallu être opiniâtre et ne rien lâcher. Je rends hommage à Naïl, parce que moi clairement, je n’y croyais plus. Et finalement on est allés au bout. On a même réussi à sublimer le travail.
D : Qu’ont pensé vos élèves de votre travail ?
GF : Il y a surtout eu un avant et un après France 24. Les élèves l’ont vu et ils ont apprécié. On n’a eu que de bons retours pour le moment.
D : Cela les interpelle sur ces questions-là, selon vous ?
NVN : C’est une petite pierre à l’édifice, une petite graine qu’on sème. On ne va rien révolutionner. Moi j’avais de toute façon déjà commencé à parler à mes élèves d’oeuvres représentant des Noirs. Ça les questionne à chaque fois. L’image parle tout de suite, on est dans une société qui donne beaucoup d’importance à l’image. Donc pleins de questions viennent, et ça les marque.
GF : Il y a cet objectif à montrer ces figures, Thomas Dumas, le chevalier de St George, le tirailleur sénégalais. Ça renvoie à l’actualité.
NVN : Ce qui me touche c’est aussi de montrer des représentations banales, normales. Un marchand de jouets itinérant en Angleterre et noir, c’est magnifique, c’est incroyable !
D : Pour finir quels sont vos coups de coeur du moment ?GF : Je suis en train de relire Michel Strogoff de Jules Verne, et j’adore toujours autant !
NVN : En fait c’est pas évident de répondre à ça. On s’insurge plus qu’on ne s’émerveille ! C’est difficile du coup. En vrai mon coup de cœur, c’est le retour des lecteurs, qui nous envoient des photos avec le livre. Ce sont des retours hyper positifs. Ce ne sont pas des retours institutionnels. Il y a une vraie fierté autour du livre, vraiment. On reçoit beaucoup de messages qui expriment cela. Ça nous fait chaud au cœur. Il y a quelques semaines, j’étais en dédicace dans un salon et une femme m’a dit quelque chose qui m’a touché: “C’est un livre qui fait du bien”. On n’a pas forcément pensé à ça en le faisant.
GF: C’est assez universel du coup. J’ai pleins de collègues qui ne sont pas forcément concernés par la question et qui adorent le livre. Ça touche. Il ne faut pas se laisser happer par les discours de haine ambiants. Le succès du livre et les retours positifs montrent qu’il y a un discours alternatif en opposition frontale avec ce discours identitaire qui peut s’imposer.
NVN : Au final, ce livre est important. Il n’y avait pas de photos il y a 200 ans. Ces toiles, ce sont de preuves historiques de l’existence des Noirs en Europe. Ils les ont représentés pour une raison. Ils les avaient à l’esprit.
GF : C’est pour ça qu’on est fiers de ce livre. On a réussi à vulgariser de façon noble un savoir essentiel pour ce qu’on appelle le “vivre ensemble”. Les jeunes vont pouvoir se plonger dans le livre et se retrouver dans une image plus positive.
NVN : Une image moins soumise, et surtout une image de sujet et pas d’objet. C’est hyper important.
Noir: Entre peinture et histoire de Naïl Ver-Ndoye et Grégoire Fauconnier
Éditions : Omniscience
En librairie depuis le 04 Octobre 2018
Génial , incroyable je vais acheter cet ouvrage. Longue Vie à Dialna pour nous faire découvrir des pépites pareil!!!
Merci infiniment ! On espère que le livre te plaira tout autant !
C’est Géniiiaal ! J’adore ce travail !! Ils sont vraiment passionnant et leurs élèves ont beaucoup de chance, j’aurais aimé avoir des cours sur l’art qui auraient mis davantage en lumière la représentation des noirs. Je le mets direct sur ma liste pour Noël ! Merci Dialna !! 🙂
on peut s’inscrire où pour ta liste ? ^^
Merci pour ton retour en tout cas !
Bonjour,
J’ai acheté ce livre et j’adore le feuilleter régulièrement.
Merci à Dialna pour tout le travail pour lutter contre l’invisibilisation que vous faites.
A très vite.
Merci beaucoup pour ton commentaire et tes encouragements ! On est ravies que ça te plaise !