Cette semaine, notre nouvelle collaboratrice, Zainabou a décidé d’écrire une lettre aux hommes. Entre lassitude des injonctions, des décisions concernant le corps des femmes, et l’urgence de penser autrement la masculinité, Zainabou tente de trouver une issue positive pour hommes et femmes.
Ce texte est sorti directement de mes tripes après avoir subi un énième débat sur le corps des femmes, sur le droit à l’avortement des femmes par des hommes. J’ai écrit ce texte avec une flamme au creux de mon ventre, une urgence, un besoin d’y voir clair.
Parfois, je suis fatiguée. Fatiguée du nombrilisme. Je suis fatiguée que lorsque l’on discute d’égalité et de droits. Les gens ne cessent de chercher en eux même une faille qui pourrait invisibiliser une souffrance qui, elle, est tenue par tout un système.
Oui le patriarcat fait du mal aux hommes et aux femmes mentalement, mais c’est le corps des femmes qui est pris en otage, comme leur liberté. Elles sont les premières à être dépossédées de leur être au profit de la consommation collective.
Cher homme, le fait que les femmes aient besoin d’espace pour exister n’est pas une attaque contre toi. Le fait que certaines décident d’arrêter de prendre soin de tes sentiments au détriment des leurs n’est pas une attaque. Nous savons que le patriarcat vous a imposé de vous déconnecter de vos sentiments, de même que de votre linge sale, de la charge mentale, de la charge contraceptive (la pilule pour homme est prête, mais a trop d’effets secondaires – MERCI on sait ce que c’est), du carnet médical des enfants, etc. Ce n’est pas contre vous mais il est temps de faire le boulot et de vous réapproprier vos sentiments et votre chez vous.
Bon sang ! Même la sexualité masculine est tellement déconnectée, elle dépend de critères tellement matériels. Le physique de la partenaire doit “correspondre” à un idéal – car la personne se transforme en objet et non en sujet de séduction. Quand on demande a des gens leur critères en matière amoureuse, les premières réponses sont très souvent liée au physique uniquement. Comment voulez vous rencontrer une âme à travers la recherche de l’esthétisme? On a sous-traité l’érotisme à l’esthétisme. Une croyance, bien répandue, est que la sexualité appartient aux hommes. La vérité c’est que la sexualité des hommes (Cis-het) dépend souvent de l’objectivation du corps des femmes pour sa perception de la performance sexuelle. Mais toi homme, t’es-tu déjà demandé ce qu’est ta sexualité sans femme? Comment s’exprime-t-elle? Qu’est ce qui fait de toi un homme à part entière? Autrement dit peux tu te considérer comme un être érotique sans pour autant devoir être le conquérant de quelqu’un d’autre ? Peux-tu être vulnérable? Est-t’il possible pour toi d’érotiser ton propre corps? De te connecter à toi même émotionnellement? Spirituellement?
C’est difficile, je sais, de se retrouver avec une génération de femmes qui refuse de remplir votre bol vidé par la patriarcat mais il va falloir faire le boulot. Ne te trompe pas de responsable car il serait trop facile d’accuser le messager. Il va falloir se déconstruire, il va falloir faire grandir le féminisme à votre profit. Sans le conquérir, ni se l’approprier, ni le déformer SVP.
Je ne vous en veux pas, je ne déteste pas les hommes, je sais que “vous aussi vous souffrez”, je refuse juste de prendre la responsabilité de vous rassurer ou de considérer comme un devoir de vous apprendre comment gérer tout ça. Il m’arrive de le faire mais seulement si je l’ai décidé, car croyez-moi, aider quelqu’un à se déconstruire et a affronter ses résistances est un travail et une charge émotionnelle incroyable.
En vérité, je sais que la prise de conscience féministe commence toujours par une question personnelle, nombriliste même. Je ne déroge pas à la règle, j’ai commencé comme ça, avec mes failles, avec les choses qui m’oppressent. Je me rendais bien compte que le processus était toujours le même. Je voyais des gens qui pourtant subissent des oppressions en produire eux-mêmes. Et même reproduire les oppressions dont elles étaient elles-mêmes victimes.
C’est là, tu vois, quand tu sors de la dichotomie, que le vrai travail commence. Un jour, tu commences à regarder le monde autrement et tu te regardes toi-même autrement. Tu n’es pas juste une personne qui subit des oppressions, tu as également aussi des privilèges, il y a des gens qui cumulent plus que d’autres. La méritocratie n’existe pas vraiment telle qu’on te l’a toujours expliquée, tout le monde n’a pas les mêmes obstacles sur son chemin.
Zainabou