Chez Dialna, notre magazine que l’on chérit jour après jour, on parle de tout ce qui nous touche. Le féminisme est la colonne vertébrale de cette création commune. Quand on dit féminisme, on pense à toutes les femmes, mais surtout celles que l’on rabaisse, cache, diabolise, juge, critique, efface dans cette société. On a vraiment cette fibre de sororité, un truc épidermique chez nous deux ! Mais est ce le cas chez toutes les femmes ? Est ce le cas chez toutes les associations, magazines, artistes, journalistes qui se disent féministes ? Penser contre nous pour faire évoluer les choses, on prends le risque chez Dialna d’ouvrir une conversation sur le sujet ô combien sensible. Est ce que la sororité entre les femmes existe ?
Nadia : Comme pour tout groupe minoritaire qui subit des oppressions, et qui vit dans un système qui n’est pas fait pour lui, la solidarité n’est pas forcément innée pour les femmes. Tout est fait pour mettre en compétition les individus au sein de leur minorité, et les minorités entre elles. De même qu’on intériorise les stéréotypes racistes, les femmes peuvent reproduire une misogynie, voire une méfiance entre elles. Prendre conscience de ce que le système veut faire de nous est un premier pas vers une conscience politisée nécessaire à tout changement.
Nora : Moi je pense que l’on doit éduquer les femmes et les hommes à une vue d’ensemble… Peu de gens connaissent le mot « patriarcat » et pourtant nous vivons dans ce système patriarcal ultra violent. Quand on peut nommer et comprendre les mécanismes du système dans lequel on vit, on a une prise de conscience très forte et donc on peut mieux combattre le système en question. Il n’y a pas longtemps une femme m’a dit, sans gêne : « Moi je trouve pas que l’on vive dans une violence patriarcale, les femmes aussi sont violentes ». Face à tant de conneries comment veux-tu réagir ? Bah éduquer et montrer la différence qu’il existe entre un système et des individus. Éduquer, parler, informer les femmes le plus possible, sinon on va longtemps faire le lit du système qui nous exploite et nous violente de surcroît.
Mais tu sais Nadia ce qui me fait le plus mal, c’est de voir que l’on peut reproduire nous les femmes ce qu’il y a de plus sournois dans le patriarcat, la compétition ! Moi une femme qui veut entrer en compétition avec moi, je pige pas ! Elle va casser toutes formes de complicité, d’entre-aide, de sororité ! Pourquoi se comparer aux autres et essayer de les écraser ? Why, Hlach ?
Nadia : C’est difficile d’être toujours dans la pédagogie, l’éducation, quand en face, la personne ne veut pas entendre ton discours. Pendant que tu essayes d’éduquer, tu n’agis pas pour toi ou le groupe.
Pour en revenir à la compétition entre femmes, voire entre minorités, ça me dépasse. Encore une fois, tant qu’on n’a pas politisé un minimum sa réflexion, il est impossible de voir les choses à une large échelle. Certain.e.s ont bien assimilé le fait que le groupe dominant ne va jamais laisser la place à toutes les minorités. « Quand y’en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ». La place libre est donc chère. Au lieu de profiter de cet accès pour faire le ménage et imposer les siens, on s’installe et on referme la porte bien vite. Rien n’a changé. A part pour le petit confort personnel de celui ou celle qui a eu la place vacante. Les autres, débrouillez-vous. Ça c’est triste.
Nora : Oui c’est triste mais j’espère que ce schéma appartiendra au passé, c’est vrai que le mot éduquer c’est un grand mot, et que c’est pas mon rôle, il y a des profs et des parents pour cela . Mais je ne lâche rien, quand il s’agit de créer une prise de conscience. D’ailleurs avec Dialna on essaie de sensibiliser les gens, en montrant une autre vison des choses. Nous on est un exemple de sororité, nan ? On ne peut pas espérer un monde différent en étant indifférentes. Je côtoie tous les jours des jeunes filles qui elles, ont une autre vision des choses, il faut faire en sorte qu’elles ne tombent pas dans le piège de la compétition, de la jalousie et de la concurrence. Là, on aura gagné ! Je parie que sur les frontons des institutions il y aura liberté, égalité et sororité (ahahahh) ! Ok je suis super optimiste là ! L’avenir va se jouer avec la génération qui arrive, les jeunes filles vont nous donner une leçon de sororité tu vas voir 🙂
Nadia : Quand cette éducation à la solidarité, sororité, etc n’a pas été faite comme il faut dès le plus jeune âge, on fait quoi ? On arrive à des situations absurdes où certain.e.s portent ces concepts comme Miss France porte sa ridicule écharpe, juste pour la photo, ou le titre, pour « faire joli ». Mais concrètement, c’est plutôt les talons de Miss qu’ils/elles t’enfoncent dans l’oeil dès que possible. Des associations féministes qui stigmatisent une catégorie de femmes, des militants anti-racistes qui sont homophobes, des maghrébins négrophobes, on a le choix des positions problématiques.
Nora : En effet, il y a l’éducation dans le cercle privé qui peut être fucked up ! Il y a une autre éducation, celle qui vient de l’extérieur, cette génération de jeunes gens a grandit avec la révolution numérique et les #Metoo & #Balancetonporc, je ne sous-estime pas cet impact-là sur les esprits. Maintenant il ne faut pas perdre de vue que c’est un combat de tout les instants et il y aura toujours des pseudo-féministes pour nous utiliser comme marche pieds afin de mieux briller en société. Je ne suis pas dupe, la sororité c’est quelque chose qui va se construire avec le temps et avec une nouvelle génération. On sera certainement pas là pour voir ça, mais quand je vois ce qui existe avec Dialna, quand je vois des femmes défendent d’autres femmes dans les transports en commun, je me dis que tout n’est pas perdue !
Nadia : J’aimerais voir des femmes prendre la défense d’autres femmes, mais aussi les célébrer, les valoriser, ne pas leur faire de l’ombre, ne pas chercher à profiter d’autres femmes. Surtout entre femmes racisées. Et pas uniquement le 8 mars, ou quand il y a une polémique. Mais plutôt tous les jours, comme un moteur pour notre empowerment à toutes.
Nora : Amen to that sister ! En tout cas des femmes comme toi je les respecte de ouf et comme tu dis pas que le 8 mars 🙂 merci Nadia pour cette belle conclusion <3
Venez poursuivre la conversation avec nous en commentaires !
Illustration en une : Women ©Taisia Kordiukova