Le soi disant problème du “voile islamique” est de retour. Ou bien n’avait-il jamais disparu ? Non, parce que dès que le gouvernement en place est en mauvaise posture à l’approche d’une échéance électorale, on nous ressort le même dossier : “l’islam”. On change juste un peu la forme. Mais le fond reste identique : islamophobie d’état, racisme latent, colonialisme, mépris, mise en danger. Tout est là.
Ça fonctionne toujours de la même manière ; un fait divers anodin, et la machine mediatico-politique à broyer du musulman est en marche. Et les arguments et moyens mis en oeuvre se répètent indéfiniment. Oubliez tout de suite toute considération spirituelle, dogmatique. Ça n’a pas l’air d’exister en France quand on écoute nos chers élus.
Le hijab serait donc un asservissement de la femme. Notons bien que ce supposé asservissement de la femme ne dérange pas du tout quand il s’agit de leurs femmes de ménage. Il devient primordial pour des femmes ayant étudié ou voulant le faire, des femmes qui atteignent un niveau social plus élevé.
Très rapidement vient l’exemple favori : l’Iran (variantes avec l’Arabie Saoudite, voire l’Algérie) et ses femmes que l’on force à porter ce voile.
Je rappelle, au cas où ça serait sorti de l’esprit de qui que ce soit, que nous sommes en France, et qu’a priori, nous parlons de la situation dans ce pays, pays de droit parait-il, laïc comme on aime à nous le rappeler constamment, qui n’a donc pas de religion d’état, qui n’est donc pas censé légiférer sur le culte de ses citoyens.
Revenons-en au fantasme de la femme que l’on force à porter le voile. Fantasme, car aujourd’hui, en France, en 2016, ce phénomène est tellement minoritaire, que cet argument relève surtout de la mauvaise foi. Très souvent, les personnes l’utilisant viennent de relire “Jamais sans ma fille”.
Mon expérience n’est pas empirique, mais elle a certainement plus de poids que celle de n’importe quel “expert” sur les plateaux télé. De toute ma vie, je n’ai rencontré qu’une seule jeune fille qui était forcée à se voiler, et ça n’a pas duré.
Admettons que le phénomène ne soit pas si rare. Que penser des femmes qui décident de porter le voile, qui n’ont pas de mari/frère/père ?
Qui les force ? Leur voisins ? Presque ! Ce serait la pression sociale des “quartiers islamisés”… Vous savez, ces mêmes cités dortoirs, censées être temporaires, où les pouvoirs publics ont laissé les populations immigrées arabes et noires survivre entre elles, tant bien que mal. Ils ont tué la cohésion sociale de ces villes en créant des ghettos, en excluant ces populations de leurs lieux de vie, et s’étonnent qu’il y ait un communautarisme, forcément dangereux à leurs yeux.
Ces femmes seraient donc des esclaves modernes, qui choisissent volontairement de s’aliéner, comme des idiotes qu’elles sont de toute manière. Pour encore croire en une religion et vouloir la pratiquer à la lettre, et l’Islam, qui plus est, il faut vraiment être intellectuellement inférieur au français laïc, sauveur !
Une fois établi que le musulman est inférieur, et que la musulmane est inférieure ET esclave, il faut mettre à jour leur plan secret : la politique, et donc instaurer une république islamiste à base de charia. Notons l’effort de placer quelques termes techniques du jargon Mahométan. Ça fait toujours son effet.
Donc les méchants salafistes ont eu une idée de génie : faire porter un voile à leurs esclaves, pardon leurs femmes, pour exprimer leur volonté d’expansion islamiste…
Alors, elles sont idiotes ou ont un engagement politique? Faudrait savoir.
Donc qui dit voile, dit islamiste, dit terroriste, dit personne à abattre sans sommation.
Au fait, quelqu’un pour définir PRÉCISÉMENT “charia”, “islamiste”, “salafiste” ? Non. Tout le monde répète en choeur sans comprendre. Faites-nous confiance quand on vous dit que c’est le mal. Pratiquer sa religion aux yeux de tous, ferait partie d’un projet politique à grande échelle : contaminer de force la pauvre France par le virus de la spiritualité musulmane. La France serait islamisée de force, uniquement parce que les musulmans (qui représentent une minorité dans ce pays, ne l’oublions pas) existent et vivent selon leurs croyances (et les lois de ce pays, bien sûr).
Rappelez moi qui est censé être faible ?
Au delà de la “contamination” islamiste, il y a le fantasme de la femme musulmane qui se soustrait à l’homme (forcément non musulman). Il pleut alors des white tears. “C’est pas vraiment correct et poli de ne pas me montrer TON corps, comme MOI, je le souhaite”. L’idée que c’est le voile qui rend la femme musulmane interdite à l’homme non musulman, sous entend que la femme musulmane non voilée est synonyme d’open bar pour lui. Et revoilà le concept de la “beurette” qui serait plus libre, comprenez bien, libre d’être possédée par l’homme blanc. La colonisation des corps après celles des esprits.
Le voile met une barrière entre les femmes et les hommes, pas pour discriminer, mais pour être considéré comme un être humain à part entière, sans sexualisation du corps, sans objectification de la femme.
On pourrait penser que face à ce concentré de sexisme, des femmes se disant féministes prendraient la défense de la liberté de la femme de disposer de son corps comme elle l’entend ? Oui, mais non.
Pour ça, il faudrait considérer la femme musulmane voilée comme un être humain, libre de ses choix, intellectuellement égale aux autres.
Spoiler : ce n’est pas le cas.
Au contraire, elles vont les enfoncer encore plus. Plus l’idée d’asservissement volontaire se propage, plus on insinue que par ce voile, ces femmes se rendent complices de la violence des hommes. On essaye de monter les musulmanes les unes contre les autres en fonction de leur couvre chef. Elles livreraient les “non voilées” à la merci des agresseurs “islamistes” (ce postulat met volontairement de côté les nombreuses agressions dont sont victimes les musulmanes voilées). De fait les musulmanes non voilées, beurettes pour certaines, musulmanes dites modérées ou libérées de leur religion pour d’autres trouveraient une sororité logique avec les féministes type Badinter. Sauf que ça relève également du fantasme. Remercions pour ça les “musulmans” ou “arabes” de service (car c’est très souvent la même chose dans l’imaginaire collectif) des différents partis politiques qui écraseraient pères et mères pour une reconnaissance des cadres de leurs formations.
Quand la scission n’est pas consommée, des experts auto-proclamés en théologie se révèlent. Un journaliste, une chroniqueuse mode, un comptable, votre concierge, tout le monde a un avis religieux sur le voile. Visiblement il est de notoriété publique que le voile n’est pas obligatoire en Islam. Des non-musulmans donnent donc un avis religieux sur une pratique qui ne les concerne pas, aux principaux/ales concerné(e)s, sous entendant encore une fois qu’ils/elles sont tellement bêtes qu’ils/elles ont complètement compris de travers leur propre dogme. Heureusement que le Blanc existe pour sauver de l’erreur et de la bêtise le reste du monde !
On vous a déjà dit que l’avis de personnes non concernées par un sujet n’a aucun intérêt ? C’est le moment de l’entendre une bonne fois pour toutes. Le débat et la critique se font au sein de la communauté musulmane, et uniquement là. Pire encore, la volonté de l’Etat de se mêler du culte, du dogme et des pratiques religieuses est contraire au sacro-saint concept de laïcité, mais en plus, il implique que les français musulmans ne seraient que des citoyens de seconde zone, que l’Etat traite différemment, comme des indigènes, au temps (béni) des colonies.
Ce fameux voile existe sous différentes formes dans les 3 grandes religions monothéistes. La pratique a plus ou moins perduré, la manière de le porter varie, mais dans les faits, il est commun à ces 3 cultes. La question que l’on peut légitimement se poser est : pourquoi seul le foulard dit islamique est un danger / asservissement / combat (rayer la mention inutile) ? Les nonnes portent le voile, les chrétiennes orthodoxes se couvrent la tête, les juives mettent un foulard ou parfois une perruque pour couvrir leurs vrais cheveux. Ce sont des pratiques réservées aux femmes, ça marque la même différenciation hommes /femmes qui dérange pour l’Islam. Pourtant, aucune critique de ces pratiques. La kippa est un signe religieux également, qui marque la différence de genre aussi. Elle ne pose aucun problème pourtant (et c’est normal, ça devrait être ainsi pour toute pratique). On ne parle pas de projet politique derrière ces rites pour autant… L’Islam étant la religion qui progresse le plus, dont les pratiques perdurent encore, il est ce qui dérange dans une société qui a choisi de faire la guerre à la religion en général, et à la religion considérée comme étrangère en particulier.
Cependant, que penser du silence des instances religieuses juives et chrétiennes sur la question ? Qui ne dit mot, consent ? Voir l’Etat s’immiscer dans un débat interne à un culte devrait alerter ces instances, d’autant que le voile existe sous formes différentes chez eux. Tout le monde est bien convaincu que ces polémiques, débats, lois ne concernent de toute manière qu’une seule communauté religieuse et que les autres savent qu’elles sont préservées de toute stigmatisation d’état.
[…] reviens sur l’aspect clairement islamophobe de ses propos, on l’avait déjà abordé ici. A l’époque on le disait, donc pourquoi pas aujourd’hui ? Peut-être parce qu’à […]