[Livre] Bolewa Sabourin : La rage de vivre

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Dernière publication des éditions Faces Cachées, La rage de vivre de Bolewa Sabourin, co-écrit par Balla Fofana, est le récit autobiographique de ce jeune homme franco-congolais, partagé entre ses identités, ses histoires, ses passions. Danseur émérite, il aborde son parcours entre engagement social et politique, et résilience. Sortie aujourd’hui, le 20 septembre 2018.

La danse a toujours fait partie de l’existence de Bolewa Sabourin, et ce, depuis sa naissance. Non, ce n’est pas de la simple rhétorique ou un cliché de plus. Son père, congolais donnait des cours de danse à Paris. Sa mère, française originaire de La Rochelle était son élève. Enfant à Kinshasa, Bolewa a appris à danser en même temps qu’à marcher.

Après une vie qu’il décrit lui même comme chaotique, entre abandons et décrochages scolaires, danse et engagement, Bolewa passe un temps par l’engagement associatif et politique pour transmettre aux autres sa volonté d’agir pour le collectif, et sa rage de vivre. C’est d’ailleurs le titre qu’il a donné à son récit qui parait le 20 septembre aux éditions Faces Cachées.
Bolewa Sabourin nous livre donc son parcours, sans filtre et s’expose à nu sous nos yeux de lecteurs. Liens familiaux compliqués mais surtout identités multiples et complexes sont au coeur de ce « récit de vie », comme l’aime à l’appeler Ouafa Mamèche, son éditrice chez Faces Cachées.

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La rage de vivre de Bolewa Sabourin, co-écrit avec Balla Fofana sort le 20 septembre 2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’histoire de Bolewa Sabourin commence d’abord par une histoire familiale compliquée. Son père Nganda, séducteur congolais, et danseur rencontre donc dans ses cours Colette, métisse de La Rochelle qui n’a pas connu son propre père. Le petit Bolewa n’aura pas le temps de vraiment connaitre sa mère, ou même la France, puisque son père l’en arrache pour l’emmener au Congo, et le laisser auprès de sa grand-mère à Kinshasa. Il y vit de un à six ans, y parle le Lingala, et apprend surtout à danser.
Les conflits commençant à faire rage, Bolewa est ramené en France et suit son père au gré de ses conquêtes amoureuses. Sans cellule familiale stable, le jeune Bolewa va bientôt être attiré par le chaos, se déscolariser et flirter avec l’auto-destruction. La danse l’accompagne toujours pendant ses errances.  Il est souvent à la rue, ou vit dans des squats, et commence parallèlement une vie d’engagement associatif et politique, en participant au Mouvement des Jeunesses Socialistes. En 2008, il crée avec un ami danseur une association Loba, du Lingala « Exprime-toi », en faveur d’une action citoyenne autour de la danse, toujours la danse. Ils se définissent alors comme « artivistes », artistes engagés. 

En 2012, Bolewa Sabourin décide de retourner enfin au Congo, revoir sa grand-mère, et se réapproprier aussi cette identité Africaine. C’est d’ailleurs ainsi que commence La rage de vivre, à l’aéroport, au moment de partir. 

On ne vous en dira pas plus, pour vous laisser le plaisir de découvrir son histoire, et ses questionnements dans ce récit fascinant qu’est La rage de vivre.

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Bolewa Sabourin, Ouafa Mamèche et Adiaratou Diarrassouba lors de la soirée de lancement du livre « La rage de vivre »
© Nadialna

Le 5 septembre dernier, date de son anniversaire, Bolewa Sabourin avait convié le public parisien pour une soirée de lancement de son livre. Comme dans son récit, le danseur a fait preuve d’une grande sincérité, abordant tous les sujets sensibles. Le public en est ressorti convaincu. L’occasion de revenir sur son parcours et la sortie de son livre.

 

Bolewa Sabourin l’avoue lui-même, écrire un livre sur sa vie ne faisait pas partie de ses projets. Néanmoins, durant son road-trip en Afrique, après son retour au Congo, il prend des notes dans un carnet de voyage. Il poste de temps en temps des impressions sur Facebook. Petit à petit, il écrit un manuscrit, « un pavé », comme il le décrit, où il livre des bouts de vie. « Quand j’ai tout posé, quand je suis arrivé à la fin, j’étais libéré. Je n’avais plus besoin d’en faire quoi que ce soit, alors je l’ai mis dans un coin. » Il relance alors son association Loba et démarre un projet qui lui tient à coeur, « Re-création », où il associe la danse à la psychothérapie pour venir en aide aux femmes victimes de violences sexuelles dans la région du Kivu, à l’Est du Congo. 

À partir de là, tout est clair pour Bolewa, il faut à tout prix donner de la visibilité à ce projet. En 2016, il participe à une conférence Tedx, déjà intitulée La rage de vivre. 

Bolewa a d’abord hésité à le faire : « Je me disais que je n’avais rien à faire ou dire dans ce genre de conférence. Je n’avais rien d’aussi puissant que ce que j’avais pu écouter. Et puis, il y avait ce projet au Congo, je n’avais rien pour me lancer. Je me suis que cette conférence allait m’ouvrir des portes. Il faut savoir accepter une opportunité si c’est utile. Si c’est juste à ma gloire, ça ne m’intéresse pas. Là ça avait un sens. J’ai donc accepté et j’ai appelé ce Tedx La rage de vivre. C’était une première étape. »

Je voulais qu’on puisse maitriser nos narrations. C’est à nous de parler de nous, et pour tous. C’est à nous de défendre notre livre. Ce sont nos histoires, on les écrit, on les édite, on les défend médiatiquement. On travaille tous ensemble. Si on est pas là les uns pour les autres, on ne peut rien.
Bolewa Sabourin

C’est à ce moment que l’idée du livre fait son chemin. Il décide de contacter son ami Balla Fofana, journaliste, pour l’aider à structurer son récit. « Je lui ai proposé mon matériau brut. C’était mon voyage en Afrique, et dans ce voyage, il y avait des éléments de mon passé, des flashbacks. C’était indigeste ! Il a accepté de m’aider à le structurer, à le réécrire pour qu’il soit cohérent. Il fallait faire des choix. », explique-t-il.
Les deux jeunes hommes contactent alors Ouafa Mamèche et sa maison d’édition indépendante Faces Cachées : « Avec Balla (Fofana), on a pensé à Ouafa tout de suite, sans se poser de question. J’avais déjà vu ce qu’elle avait fait avec le livre de Bakary Sakho, Je suis. On a un peu insisté mais le fait de collaborer à deux l’a rassurée. Après un rendez-vous, c’était plié. On avait les mêmes centres d’intérêt, les mêmes valeurs, les mêmes goûts. »

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Balla Fofana et Bolewa Sabourin © Damien Carduner

L’indépendance et l’état d’esprit de la petite maison d’édition ont séduit Bolewa Sabourin : « Je voulais quelqu’un de chez nous qui pourrait me comprendre et avec qui je pourrais réellement collaborer. Même si c’est un projet commun, ça reste ma vie, et c’est mon nom dessus. Il fallait que j’ai mon mot à dire. J’ai subi pendant trop longtemps. Du coup, j’ai choisi la photo, le titre. Je n’aurais certainement pas eu toute cette liberté ailleurs. Une maison d’édition classique n’aurait pas compris notre démarche. Je voulais qu’on puisse maitriser nos narrations. C’est à nous de parler de nous. C’est à nous de défendre notre livre. Ce sont nos histoires, on les écrit, on les édite, on les défend médiatiquement. On travaille tous ensemble. Si on n’est pas là les uns pour les autres, on ne peut rien. À chaque fois, c’est un engagement que les gens font. Il y a une puissance et une symbolique bien plus fortes ! On décide à qui on dit oui. C’est une démarche particulière, engagée, et des deux côtés. C’est vraiment la dimension du livre. », déclare le danseur.

Le plus difficile pour Bolewa Sabourin a été d’écrire sur ses parents, sa mère en particulier : « C’est facile de parler de ce qui se passe à l’extérieur de nos vies, mais c’est beaucoup plus difficile de parler de l’intérieur, de ces zones d’ombres, de nos faces cachées. Elles nous bouffent et parfois on fait les mauvais choix, parce qu’on n’a pas réglé certaines choses. Je ne voulais pas faire semblant. Je voulais être le plus sincère, même pour parler des parents. Tout ce qu’on a mis dans le livre est vrai. j’ai fait lire le manuscrit final à ma mère. La seule chose qu’elle m’ait un peu reproché c’est qu’en racontant absolument tout, le livre soit sombre. Même mon éditrice m’a mis en garde. J’assume. »

Bolewa y aborde aussi son passage en politique, notamment auprès des Jeunesses Socialistes, où il a fini par siéger au conseil national, tout en travaillant auprès des jeunes issus des quartiers populaires pour en faire émerger les leaders de demain. Mais pas question de laisser cette classe politique l’utiliser sans contrepartie tangible : « Je n’ai pas accepté ce schéma. J’ai trop conscience de qui je suis et d’où je viens. J’ai une trajectoire assez spéciale, sans juger les autres, je ne pouvais vendre ma vie pour cette carrière politique. Je les ai parfois laissé m’utiliser parce que je savais ce que je faisais derrière. J’ai pu aider des dizaines de jeunes de quartier. On a posé la question raciale sur le devant de la scène. Même s’ils ont essayé de substituer la question sociale à la question raciale, nous on leur a fait comprendre que non, ça ne marche pas comme ça. On n’est pas pauvre de la même manière. » Quand il n’a plus été possible d’agir comme il le voulait, Bolewa Sabourin est tout simplement passé à autre chose : « Je suis parti, mais j’avais lancé mes projets dans les quatre coins de la France pour faire émerger des jeunes leaders, à ma manière, sans essayer de les utiliser. Quand tu as grandi dans la survie, ça devient instinctif. »

Si je ne danse pas, je sombre. Je retourne dans les ténèbres quand je ne danse plus. C’est ce qui me maintient à flots, en dehors de l’eau.
Bolewa Sabourin

« Peu à peu, la danse devient ma boussole, mon refuge. Jusque là j’avais toujours dansé dans les pas de mon père, mais je sens à cette période que je passe à un autre stade. » Extrait de La rage de vivre © Damien Carduner

La vraie boussole dans la vie de Bolewa, comme il le répète dans son livre, c’est la danse. C’est même bien plus que ça, la danse lui permet de « transmettre pour vivre », c’est son véritable outil de résilience, son premier langage. C’est aussi une manière de se réapproprier son corps, son identité : « Si je ne danse pas, je sombre. Je retourne dans les ténèbres quand je ne danse plus. C’est ce qui me maintient à flots, en dehors de l’eau. La danse a toujours fait partie de ma vie. J’ai toujours pu, grâce à la danse, faire le déni de ma vie mouvementée, parce que je me trouvais alors dans un autre mouvement, où je pouvais être aimé quand je ne recevais pas de l’amour à la maison, où je pouvais panser mes plaies quand j’en avais, où je pouvais économiquement trouver de l’argent en donnant des cours. C’était tout mon environnement. C’était aussi le moment où je pouvais crier sans que les gens m’entendent. Je pouvais extérioriser ce que j’avais à l’intérieur. On me payait, m’envoyait de l’amour sans passer pour un fou. Je pouvais me cacher derrière la danse. Donc oui, si ça avait été utile pour moi, pourquoi ça ne le serait pas pour d’autres ailleurs ?« 

Finalement le parcours de Bolewa Sabourin peut se résumer en une phrase, qu’il utilise en mantra : « Fais de ton corps une machine, de ton cerveau une arme, de ton coeur un art, de ta vie une oeuvre. » 
S’il refuse d’être une source inspiration, il nous incite tout de même à agir, pour autrui, pour la communauté, pour nous-mêmes.

 

La rage de vivre, sortie le 20 septembre 2018 aux éditions Faces Cachées

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1 commentaire

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