[Conversation] les magazines féminins

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Quand on repense à la genèse de ce blog, ça a commencé avec  un commentaire sur Instagram du magazine « Elle » ! J’ai tagué my partner in crime Nadia : « pour les 70 ans du magazine, les même têtes ! » La réponse de ma co-dictatrice en chef Nadia à ce message « SAME OLD SHIT »

Du coup on a décidé de créer notre blog ou l’on parlerait de tout même des magazines féminins, d’ailleurs notre première conversation commence maintenant et notre sujet qui ouvre le bal est…

La presse féminine !!!

Nora – Ma chère Nadia te rappelles tu du premier magazine féminin que tu as eu entre les mains ?

Nadia : ça devait être un numéro de « Femme actuelle » que ma mère lisait. Sans mettre des mots dessus, je voyais bien que ce qu’il y avait sur ces pages ne ressemblait pas à ma mère, ou mes tantes…  En même temps, à la télé non plus, alors c’était presque normal. Et toi ?

Nora : Moi c’était lors d’un séjour à l’hosto, j’ai découvert Marie Claire qui traînait sur une table, je tombe sur un article avec : « Julie, Charlotte et Bérénice gagnent un contrat chez agence Bidule ». Je me souviens de la fascination que j’ai eu pour les cheveux bouclé blond lisse (tiercé gagnant) de Bérénice. Je me disait une fille comme moi dans ce genre de ce magazine c’est pas possible ! Et à l’époque, j’avais vraiment incorporé dans ma tête que c’était pas ma place. Je n’étais pas assez…

Nadia : Ben tu comprends que la mode, la beauté, la norme, c’était pas pour des gens comme nous. Cheveux frisés et bruns, surpoids, pas d’argent, habitant en banlieue,  on n’y avait pas notre place, on n’existait pas  pour ces gens…

Nora : C’est beaucoup plus sournois que ça, à l’époque je le vis comme une fatale normalité ! Il y a eux et il y a nous, les bronzées, les frisées, les rondes. Je rêvais donc devant de belles photos, mais je m’interdisais beaucoup de choses, comme l’idée d’être jolie, puisque je n’étais pas blonde aux yeux bleus… Et puis quelques années plus tard, je vis sur Paris et je deviens addict au magazine féminin. Pas bon, pas bon du tout…

Nadia : C’est ça, on s’est interdit l’idée même de se penser belles, intéressantes, etc ..
Vu que même mon orteil droit ne pouvait pas rentrer dans le type de fringues que ces magazines montraient, je n’ai pas du tout cherché à les feuilleter durant mon adolescence …

Nora : On s’interdit des belles choses, parce qu’on est pas invitée dans ce cercle du rêve, on est juste invitée à le financer, en achetant les magazines. Moi j’ai eu un véritable relation masochiste, avec cette presse!  Addict à me faire mal ! Quand je finissais un magazine, je me sentais grosse, pauvre, moche et inintéressante au possible (magazine supposé être féministe). Et chaque semaine j’avais rendez-vous avec ELLE(S), quand même.

Nadia : En essayant de se construire en tant que femme, et femme maghrébine, ronde de surcroît, on réalise très rapidement, que ces magazines ne nous parlent pas, ne veulent même pas nous voir, ni nous entendre. LEUR seul modèle de la féminité compte. On vit dans une dimension parallèle où les vraies gens existent et ont des choses à dire.
En passant quelques semaines a travailler dans un groupe de presse qui produit entre autres ce genre de magazines, j’ai compris.  Du « monochrome de Whiteman » à tous les étages.  AUCUNE diversité.

Nora : Tu en demandes trop là Nadia, de la diversité et puis quoi encore ! Prenons par exemple le magazine « Elle », cas d’école. Je me disais : « mais le nom du mag c’est un pronom féminin, ça devrait nous parler à toutes… » En réfléchissant bien le mot « Elle » n’est pas au pluriel. Il est au singulier, « Elle » c’est la bourgeoise parisienne, blanche, qui boit un thé chez la Durée, passe ses vacances à l’île de Ré et peut s’acheter une veste Martin Margiella. Toi tu manges du chocolat Leclerc, tu t’habilles chez H&M (quand ton portefeuille le permet) et tu passes tes vacances au lac de Cergy, deux mondes diamétralement opposés.

Nadia : Et sont apparus les magazines dits « communautaires ». Je déteste ce mot, il veut nous faire détester d’avoir des choses pour nous, alors que tout ce qui est majoritaire nie notre existence même. Bref, « Gazelle » est arrivé. Et là, malaise. Pourquoi on me réduit à un animal ? Pourquoi les femmes arabes et noires ne sont que des animaux exotiques ? Pas des femmes, humaines ? Je trouvais ça aussi bizarre qu’un arabe se définissant comme « Beur ». Jamais vu, faux. Je ne savais pas qui était derrière ce type de magazines, mais ce n’est pas en mettant tous les clichés orientalistes sur la femme maghrébine sur du papier glacé que j’allais m’y reconnaître.
On y mélange Maghreb et Islam mais de loin,surtout. Et même là, on se sent étrangère à ce qu’on lit, comme si c’était factice. Ce genre de magazine me réduit à des recettes de tajine, et des séances de hammam, et ma religion à une tradition lointaine. Désolée, mais ça ne me va toujours pas.

Nora : La femme qui a créée ce produit a comprit qu’il y avait un marché à exploiter. Elle a sauté sur l’occasion et le magazine cartonne en matière de ventes. On mélange le ramadan et la danse orientale, y en pour tout les goûts et la vie est belle. Le problème des magazines féminins en générale c’est qu’ils ne représentent en RIEN les femmes ! Comme tu dis si bien c’est un monde aseptisé, un monde qui nous pousse à avoir des complexes pour pouvoir consommer plus. Quand à la femme de couleur toujours représentée par un « Animal » c’est un autre dossier très lourd… Il faut remonter aux clichés colonialistes, c’est toujours très vivace dans l’inconscient collectif. La belle actrice Aïssa Maïga a dit un jour  « Moi qui aime les belles robes aux formes épurés de Tom Ford, on me donne toujours lors des shootings des robes à motif imprimé léopard, tigre ou zèbre…  Projection d’animalité qui relève du fantasme occidentale sur la femme africaine »

Nora – Est ce que tu continues d’acheter cette presse (si un jour tu l’as déjà acheté 🙂 ?

Nadia : Honnêtement, non. Je veux découvrir des choses sur ma culture, qui viendront gratter la majorité dominante. Impossible de trouver ce genre d’infos dans les magazines « mainstream »  ni pseudo communautaires. En plus il y a toujours une forme de sexisme intériorisé. Les histoires de régime H24, les injonctions à paraître comme ci ou comme ça, on n’y parle que du corps et pas de l’esprit.

Nora : Moi j’ai arrêté d’acheter les magazines, quand j’ai commencé à m’aimer…Un jour j’ai vu en une des couvertures « 10 façons de le faire craquer » ça m’a scandalisé toute cette stratégie pour attirer l’attention d’un homme ! Je me suis dit si les mecs n’arrivent pas à nous voir telles que nous sommes avec toute notre complexité et notre beauté alors « Va te foudere », je me plierai pas à ce dictat à la con. Le régime faisait partie de la stratégie pour avoir le droit au regard d’un homme bien évidemment !

Nadia : En fait, j’ai envie de faire un gros TOZ à ces magazines qui te mettent encore plus mal à l’aise après les avoir lus. On a déjà assez de micro agressions sur nos origines, nos religions, notre corps, nos idées tous les jours pour se rajouter ce genre de malveillance par dessus.

Nora : Belle façon de clôturer cette première conversation chère Nadia « TOZ » à tous les rédacteurs qui nous ont poussé à l’anorexie, nous ont culpabilisé d’être qui on est, ces rédacteurs qui ont « essayé de nous laver le cerveau » en nous imposant leurs version du beau. S’acheter un magazine ça devrait divertissant et encourageant dans nos vies de femmes mais bon…TOZ !

 

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