Si à l’origine nous avons créé le webzine culturel Dialna, c’est pour pouvoir parler de destins comme celui de Leïla Alaoui née le 10 juillet 1982 à Paris. Elle a grandi à Marrakech et est morte tristement le 15 janvier 2016 lors des attentats de Ouagadougou.
Leila était la portraitiste des oubliés, des écorchés, des gens que l’on ne regarde pas en face, il suffit de regarder sa série « No Pasara » sur les jeunes marocains qui « brûlent » les frontières à coups de barques, pour comprendre qui était Leila Alaoui. Une femme magnifique, libre et solidaire avec les siens.
Elle récolte un maximum de témoignages sur ces jeunes qui quittent le pays clandestinement et va donc voyager dans tout le royaume marocain, de Nador à Beni Melal. Son travail est plus que photographique, il est sociologique, journalistique et ethnologique. Il est évident qu’elle a été influencé par RIichard Avedon avec sa série « American West » .
On ressent fortement l’influence du photographe américain, dans sa série qui a eu le plus de succès : « Marocains », un regard frontal et poétique à la fois. Pour ce travail photographique, elle a voyagé dans un studio photo mobile qui a été conçu pour ce projet, et elle a sillonné les campagnes marocaines.
Elle a réalisé ces portraits avec un fond noir profond, une lumière froide au flash et c’est tout. « Less is more », c’est la ligne conductrice et la force de cette série, on admire la simplicité des portraits, pas de poses extravagantes ou de retouches photoshop criardes, juste des gens simples qui nous regardent en face, vêtus de couleurs superbes que l’on retrouve dans les pays du sud. Elle a tiré les images de cette série en très grand format pour créer une véritable rencontre, entre les visiteurs(ses) des expos et les modèles des portraits.
Elle y montre des gens que l’on ne voit pas dans les magazines, dans les films (même en tant que figurants), des métiers qui se meurent comme vendeur d’eau, des costumes qui vont s’éteindre avec la mondialisation. A travers cette série, Leila Alaoui a immortalisé tout un patrimoine marocain, son œuvre lui survivra et l’a rendu immortelle !
Un cœur si grand et si beau s’est arrêté de battre le 15 janvier 2016, ce jours là elle succombe à ses blessures à Ouagadougou et nous laisse un grand vide. C’est le gouvernement du Maroc qui a pris en charge le rapatriement de son corps, aujourd’hui elle repose en paix au cimetière Al Imam Souhaili de Marrakech.
Universitaire en sociologie, portraitiste de renom, galeriste (elle a ouvert le centre d’art Station dans une usine désaffectée avec son compagnon Nabil Canaan au Liban), voyageuse, femme libre, franco-marocaine… Leila Alaoui, on ne vous oubliera pas et on vous remercie d’avoir réalisé un travail photographique superbe, le temps d’une vie terrestre.
Oui, si on a décidé de créer notre webzine Dialna, c’est surtout pour montrer ces femmes magnifiques ! C’est pour briser les clichés et le mépris véhiculés par le sexisme et le racisme ordinaire. Des femmes qui ont eu une vie qui nous inspire, à laquelle on peut se référer, des reines comme Leila Alaoui.
RIP Zina.
NB : la fondation Leila Alaoui dédiée à la mémoire de l’artiste En la soutenant, vous contribuez à la promotion d’une œuvre qui répand une vision humaniste du monde dans toutes ses diversités. Il faut allez voir ses expositions si elle passent dans vos villes, c’est un devoir de mémoire.