Le patrimoine musical marocain regorge de légendes qui ont marqué la culture du pays. La ville de Casablanca y a joué un rôle important, faisant émerger de nombreux artistes. C’est le cas du groupe Noujoum Bourgogne, qui tire son nom d’un illustre quartier de la ville….
Nous sommes dans les années 80, le Maroc vibre au son des musique chaâbi à la télévision nationale, les festivals en plein air et les mariages estivaux. À cette époque, pas encore d’internet, et le pays est très chauvin en ce qui concerne sa culture et sa musique. Un jeune groupe dont les membres sont issus de plusieurs quartiers populaires de Casablanca dont Bourgogne / Maarif, allait mettre en transe toute la population marocaine ainsi que sa diaspora dans le monde avec des sons 100% marocains. Le groupe Noujoum Bourgogne (l’étoile de Bourgogne, en français), composé de Bouchaib, Mustapha, Zitouni et Rachid, 4 amis qui aiment la musique, va bouleverser la scène marocaine.
Ce groupe est un pur produit de Casablanca. En effet, tous viennent du même quartier de Bourgogne et tous maîtrisent un instrument de musique. Bouchaib, Zitouni et Rachid sont aux percussions et Moustapha à la kamanja (violon vertical). Alors que nous entrons dans l’ère de la musique électronique avec synthétiseur et ordinateur, Noujoum Bourgogne n’utilise que des instruments issus du terroir (Taarija, bendir et kamanja).
Grande révolution dans la musique marocaine, Noujoum Bourgogne ne fait aucune reprise des classiques chaabi. Bien au contraire, ils écrivent des nouvelles chansons qui vont à leur tour devenir des classiques ! Ils abordent des thèmes bien précis comme l’attente dans le titre Chehl Tsnitik, le rendez-vous manqué avec Lioum Mihad,ou les sentiments mal avoués dans Achngolik ahbibi.
Chaque fois que ce groupe montait sur scène, les marocain.es étaient en transe, car les quatre jeunes hommes savaient toucher la corde sensible du public, avec des rythmes rapides et binaires, des sons qui frappent directement le public en plein cœur. Il suffisait d’une vibration aiguë de la kamanja (violon vertical) de Moustapha pour insuffler l’hystérie auprès de la foule !
Les femmes dansaient sans s’arrêter, au point de tremper complètement leur caftan comme si elles couraient un marathon. Ce groupe a diffusé une vraie bonne humeur et a été un exutoire incroyable pour la population marocaine. Dans la vidéo ci dessous, on peut observer la réaction du public lors de leur première scène télévisée, il est en hyperthermie !
L’autre particularité du groupe, c’est qu’il n’y a aucune voix qui domine les autres. Les quatre amis chantent ensemble des textes qu’ils ont écrit ensemble, et cette unité fonctionne parfaitement sur scène. Néanmoins, Moustapha était la coqueluche du groupe et se faisait un peu plus remarquer que les autres, ce qui a créé des tensions au sein du quatuor. Ensuite, au début des années 90, l’un des membres est tombé amoureux d’une hollandaise, quittant ensuite le Maroc pour les Pays-Bas. Le groupe se dissout à jamais.
Noujoum Bourgone n’existe plus sur scène, mais Moustapha continue a reprendre les chansons du groupe. Malheureusement, le groupe à du mal à se reformer et la magie n’est plus… Ce groupe a contribué au répertoire chaâbi marocain, ses textes n’étaient pas engagés comme ceux de Nass el Ghiwane, mais il a diverti le peuple marocain comme personne, en insufflant de la joie. Leurs paroles ont permis à la jeunesse marocaine de déclarer leur flamme à leurs bien aimé.e.s.
C’est aussi un groupe qui doit rester dans l’histoire de la musique, car pendant presque 10 ans, Noujoum Bourgogne a fait vibrer les marocains et le nord de l’Afrique au son de leurs voix. Ils ont notamment salué la reine Cheba Zahwania qui a repris leurs morceau Chehl Tsnitik, version Raï. On se souvient aussi quand ce groupe remplissait des salles françaises comme le Zénith ou Maubert Mutualité. L’immigration marocaine était en larmes et en transe, le temps d’une soirée. Elle oubliait ses soucis et la douleur liée à l’exil.
Merci pour ces chansons éternelles en Darija, merci d’avoir fait vibrer le cœur des marocain.es au son de vos bendirs, et merci pour le kif tout simplement. Nous dédions ce morceau classique Chahl Tsinitik, à toute la diaspora marocaine dans le monde. C’est une vidéo issue de leur dernier concert filmé avant la séparation du groupe.