Internet est un véritable tsunami d’images et de vidéos, et pourtant, au milieu de toutes ces données, il y a des présences et des visages que l’on n’oublie pas. C’est le cas de Laure Fornier, animatrice d’Izi News sur le média belge Tarmac, qui réussit à captiver l’attention du public par son énergie qui crève l’écran, sa voix si particulière, et son évidente photogénie.
En plus de nous intéresser à des sujets sensibles d’actualité, Laure Fornier, cette jeune animatrice d’Izi News sur Tarmac arrive à simplifier l’info sans pour autant perdre le cap, et ce, en 3 minutes. Alors, qui est cette jeune Bruxelloise ? Découverte d’un nouveau talent sur Dialna, c’est maintenant.
Dialna : Quel a été ton parcours avant d’arriver sur Izi News, chez Tarmac ?
Laure Fornier : Je m’appelle Laure Fornier, je suis à belgo-congolaise, quarteronne plus précisément, c’est à dire 25% congolaise. J’ai 27 ans, et j’ai eu un diplôme en communication (ISFSC) (équivalent d’un bac+3) à Bruxelles. Lors de cette formation, j’ai appris l’écriture journalistique, la sociologie, la comptabilité, la philosophie, la création de slogan, le graphisme, et j’en passe. C’est une école de communication qui te prépare avoir un champs de visions large de la société et surtout à être prête pour le terrain. La première année, on est à l’extérieur avec une caméra à l’épaule et on filme des documentaires. À la fin de mes études, j’ai été embauchée par la radio AraBel.
C’était mon premier job, et je voyais ma tête dans toute la ville, alors que je venais de sortir de l’école !
Laure Fornier, animatrice
D : Comment s’est faite la transition après tes études ? Tu as pu travailler rapidement dans ton domaine ?
L. F. : J’ai commencé a travailler chez AraBel, l’été de ma dernière année d’école. L’animateur Darrez cherchait une co-animatrice pour la rentrée 2015. Lors de ma première année dans ce média, je vois notre portrait sur les bus de la STIB (société de transports à Bruxelles) qui annonce notre émission. C’était mon premier job, et je voyais ma tête dans toute la ville, alors que je venais de sortir de l’école ! Je pensais d’abord travailler en rédaction, car à l’époque, j’ai créé avec deux amis Afro Cooking, un magazine de cuisine d’Afrique et d’Outre-Mer. Mais finalement, c’est l’audio-visuel qui me permet de travailler. En radio d’abord avec AraBel, et à la télévision, avec une chronique dans l’émission Max et Vénus, sur la Deux (RTBF).
D : Il consistait en quoi ce magazine, Afro Cooking ?
L. F. : C’était un magazine papier qui mettait en valeur les gastronomies africaines et créoles. L’idée était vraiment bonne, car ça n’existait pas. Il était distribué dans près de 60 pays. Au début, on a eu un super succès. On a pu le lancer grâce à une cagnotte en ligne, mais avec la version papier c’était dur de tenir sur la longueur. Le magazine s’est essoufflé au bout du numéro 6. On a malheureusement dû arrêter. Le compte Instagram, lui, continue de marcher et propose des événements régulièrement.
D : Tu voulais te spécialiser en gastronomie ou dans l’art culinaire ?
L. F. : Non pas du tout, tout mon parcours professionnel c’est 100% d’opportunités. C’est juste que j’adore cuisiner. D’ailleurs c’est moi qui fait les recettes tous les lundi, sur l’instagram de Tarmac.
D : On dit que pour trouver du travail dans le journalisme il vaut mieux se spécialiser. Tu y as pensé ?
L. F. : Moi je ne me considère pas comme journaliste, mais plutôt animatrice. Quand je travaillais sur Max et Venus, j’avais un peu de temps libre. C’est là que j’ai entendu parler de ce nouveau média, qui venait de se créer, « Tarmac ». Je leur ai demandé s’ils voulaient m’embaucher. Ils m’ont répondu répondent qu’ils n’embauchent pas de personnes, mais des concepts. Je leur ai dit qu’il n’y avait pas d’émissions dédiées aux femmes, et leur ai alors proposé un projet d’émission, avec quatre femmes aux points de vue différents, dans laquelle on parlerait de mode, de beauté, de culture et de musique. Ils ont accepté et m’ont fait commencer le samedi suivant. L’émission s’appelait « Milkshake », et on a réussi à en faire 45 numéros. Puis Tarmac a voulu tester la radio, en ligne, pour voir si le public jeune (15-25 ans) consomme encore ce type de média traditionnel. Pendant six mois, j’ai animé « C’est déjà Laure », en soirée. J’y abordais tout l’actualité « people ». Mais le constat a été sans équivoque, les jeunes ne consomment plus ce genre de médias. Ils sont sur le net. J’ai donc fait mon arrivée sur Instagram. Je partageais les recettes « Food Tricks » pour donner envie aux jeunes de cuisiner plutôt que d’aller au fast-food. Puis j’ai remplacé ma collègue Anne-Sarah sur Izi News.
Animatrice, c’est mon job, j’ai cravaché pour en arriver là, je n’ai pas ce sentiment d’imposture.
Laure Fornier
D : Je reviens sur cette phrase je ne suis pas journaliste ? Pourquoi tu ne te considères pas comme telle ?
L. F. : Attention, je ne suis pas journaliste, car je n’ai pas fait une formation de journalisme, en tant que telle. Moi je suis formée en communication, mes chroniques sur Tarmac sont vérifiées par un journaliste, Guillaume.
D : Marie DaSylva (coach spécialiste du racisme et sexisme en entreprise) parle du syndrome de l’imposteur propre aux femmes racisées pour certains postes. As-tu ressenti cela ?
L. F. : Je vois ce que tu veux dire, mais non, moi je sais qui je suis. Animatrice, c’est mon job, j’ai cravaché pour en arriver là, je n’ai pas ce sentiment d’imposture.
D : Comment prépares-tu ton émission IZI News sur Tarmac ?
L. F. : Moi j’ai besoin de structure et de dead line ! Je dois savoir combien d’émissions par semaine on va produire, à quelle heure je commence, quand je dois terminer etc… « Tarmac », c’est un bébé de la RTBF, c’est le média pour les jeunes sur le web. La tranche d’âge, c’est 14-25 ans. Le plus gros du travail, c’est de trouver le sujet. Je dois éplucher pendant deux heures ce qui se dit dans les médias, je dois me questionner, savoir si ça sera encore d’actualité au moment de la diffusion, connaitre mon public. Par exemple j’avais cette envie de parler de la maltraitance animale. À première vue, cette tranche de population ne va pas être intéressée par ce sujet. Alors j’ai pensé à aborder la question de la présence animale dans les clips de rappeurs, ou sur les plateaux télé. Et j’essaie de faire en sorte que ce sujet leur parle en démontrant que le lion sur la pochette de l’album de DJ Khaled n’est pas à sa place. Quand je parle du Congo, de l’Algérie ou du Brexit, j’essaie ensuite de trouver un sujet léger, comme les youtubeurs rappeurs.
Quelque soit le sujet, je dois récolter un maximum d’infos que je dois synthétiser sur une page et demie qui corresponde à moins de 3 minutes à l’antenne. On commence toujours par une idée, je fais mes recherches, je synthétise, on tourne et ensuite j’envoie les photos et vidéos d’illustrations au monteur.
D : D’où te vient cet esprit de synthèse ?
L. F. : Au début de ma carrière professionnelle, je ne l’avais pas ! C’est sur AraBel que j’ai appris à absorber l’info et résumer les données. Cette radio, c’est le meilleur endroit pour apprendre ce métier. AraBel, c’est un propulseur d’animateurs.trices et journalistes. Près de 70% de ce que je sais faire aujourd’hui, c’est grâce à mon expérience sur cette radio. Parfois, j’ai l’impression d’être ce jeune garçon, dans le film Slumdog Millionnaire. Il fait appel a sa mémoire au bon moment, et j’ai su me construire comme ça, grâce à ma mémoire et mon travail.
D : Je trouve que dans tes vidéos Izi News, le ton est plutôt positif, malgré la gravité des sujets. C’est une volonté éditoriale ?
L. F. : C’est dans mon tempérament, je suis naturellement positive, c’est plus fort que moi j’ai besoin de voir le bon côté des choses. Il y a, en revanche, des aspects que j’ai changés. Par exemple, au début je surjouais, surtout au niveau de ma gestuelle à l’écran. J’ai changé mon langage corporel car on me l’a demandé. Mais si demain on me dit soit moins positive, j’essaierais d’être plus neutre.
D : La présence des femmes racisées dans les médias, tu en penses quoi ?
L. F. : En fait J’ai fait mon TFE de fin d’études (projet de fin d’études) sur les quotas et la diversité dans les médias. Et des femmes comme moi dans les médias belges, il n’y en pas beaucoup ! Clairement, ça manque de femmes noires et métissées. Je trouve que les femmes Nord africaines s’en sortent mieux en Belgique. Je parle du cas belge que je connais. Ici, il y a Hakima Darhmouch ou encore Hadja Lahbib, notamment. Du côté des hommes, il y a Mehdi Khelfat ou Walid sur la chaine nationale. Il n’y a pas un.e seul noir.e qui présente l’actualité sur une chaine nationale. En France, il y a Harry Roselmack ! En Belgique, on a Cécile Djunga, qui présentait la météo (elle vient de quitter ce poste, ndlr). C’est la seule femme noire à bénéficier d’une visibilité à une heure de grande écoute. Je serais vraiment satisfaite le jour où on verra des femmes noires et métisses avoir leurs émissions, ou présenter le journal, sur une chaîne nationale en Belgique. Les premières femmes noires que j’ai vues à la télé, c’est sur France Ô et TV5MONDE.
D : C’est dû à quoi, selon toi ?
L. F. : C’est une très bonne question. Ça vient aussi du fait qu’il n’y a pas de médias officiel pour la communauté noire en Belgique, et à Bruxelles particulièrement. Il y avait la radio Mboté qui veut dire bonjour en lingala, mais ils diffusaient sur le net. Il n’y avait que deux émissions sur la grille des plannings et ensuite c’est de la musique, un peu léger pour tenir. En France, il y a Africa Numéro 1 et Trace, mais aussi des médias, dits « urbains » Booska P, Mouv, mais en Belgique, il n’y a pas autant de choix. AraBel, qui est une radio communautaire régionale (pour la communauté musulmane de Bruxelles) a impulsé un système de médias parallèles. Aujourd’hui, des personnes pourraient lancer un média 100% afro-descendant mais pour l’instant, il n’y a pas de candidat.
D : Alors, pourquoi il n’y pas de médias pour la communauté noire ?
L. F. : Il faut que quelqu’un investisse. Il faut y mettre de l’argent. On devrait surtout se poser la question « Pourquoi les médias classiques n’engagent pas plus de femmes noires ? »
Les premières femmes noires que j’ai vues à la télé, c’est sur France Ô et TV5MONDE.
Laure Fornier
D : D’après toi, le problème est colonial ?
L. F. : Oui la communauté noire n’a pas la même histoire migratoire que les maghrébins qui sont venus pour construire le métro, il y a 50 ans de cela. Le rapport qu’ont les belges avec les Nord-Africains n’est pas le même qu’avec les Noirs, c’est un fait ! On ne nous prend pas au sérieux pour présenter des sujets de fonds. J’ai l’impression que l’on pense que l’on doit être là uniquement pour divertir.
D : Quels sont tes projets à venir ?
L. F. : Devenir Oprah Winfrey (rires) ! J’adore ce que je fais, et pour l’instant je suis bien. En tant qu’amoureuse du Zouk et de la culture Afro-Caribéenne, Paris me fait de l’œil car il y a une belle variété des médias. Et cette ville, c’est un terrain où personne ne me connait, le challenge est beau.
D : Pourquoi tu termines tes vidéo par la fameuse phrase « À demain. Ou pas » ?
L. F. : Car au départ je suis remplaçante sur l’émission, donc je n’étais jamais sûre d’être là le lendemain.
D : Si tu étais :
Un plat :
Un riz pondu / poulet sauce muambe, c’est une recette congolaise de chez moi.
Une chanson :
Je suis une fan de Zouk des années 2000, mais en ce moment j’écoute King Promise, c’est un artiste ghanéen.
Une ville :
Bruxelles
Un pays :
Ce pays n’existe pas encore !
On assiste ici au début d’un parcours prometteur qui sera riche et exemplaire. Laure Fornier est une personne qui va signer avec le succès, car c’est une jeune femme humble, intelligente et joyeuse. Tous les ingrédients sont là pour une carrière à la Oprah Winfrey, c’est tout le bien qu’on lui souhaite.
« On n’obtient pas ce qu’on veut, on obtient ce en quoi on croit » Oprah Winfrey.
Vous pouvez suivre Laure sur son compte Instragram, son site internet, et le compte Instagram de Tarmac.