Cette jolie jeune femme aux boucles brunes, à l’accent chantant vient directement de Salvador de Bahia, et vit entre Bruxelles et Salvador. Sa profession, c’est créatrice culinaire, donnez lui un ingrédient elle vous le transformera en œuvre d’art. Manuela Ribeiro conceptualise et intellectualise la nourriture, elle réfléchit même en matière, design. Peut on remanger la nourriture autrement…?
Quand on parle de cuisine avec Manuela, attention il y a du niveau, ce n’est pas une blogueuse qui pose avec ses mouflets dans une cuisine du 17ème siècle dans le Gers, ni une petite bobo capricieuse qui s’amuse à manger de la healthy food avec des indiens d’Amazonie ! Non Manuela quand elle converse avec vous nourriture, c’est un voyage sensuel, à travers le temps, la littérature, les continents, la sociologie, l’anthropologie, la géologie… bref faut du level pour tenir la conversation avec Madame 🙂 ici l’interview de Manuela Créatrice toute puissante.
Tu te définis comme créatrice culinaire c’est quoi ce travail exactement ?
Question difficile, je préférerais me définir comme créatrice culinaire, car il y a beaucoup de choses dans le domaine de la création et de la cuisine. je n’arrête pas de découvrir et redécouvrir dans l’univers culinaire.
Tu ne te définis pas comme chef ?
Non, il y a des chefs qui sont de vrais artistes designer et intellectualisent la cuisine, mais je crois qu’il y a avant tout un vrai parcours pour le titre de chef, que je n’ai pas.
Peux tu nous dire le dialogue qu’il y a dans la littérature, l’art et la nourriture (un lien omniprésent dans tes créations culinaires) ?
On parle d’art culinaire, je considère la cuisine comme un media au même titre que la photo ou la peinture, je communique à travers la cuisine, alors pourquoi pas faire rencontrer tout ces domaines et transformer tout cela.
Tu viens du Brésil, de Salvador exactement, qu’elle est la place de la nourriture là bas ?
Je pourrais donner plusieurs réponses à cette question. En général, la nourriture est très présente dans la culture brésilienne, si on voyage dans ce ce pays, dans les grandes villes ou petits villages, les brésiliens passent beaucoup de temps à manger, que ce soit des grands repas ou des petits snacks, on a aussi le plaisir de manger. Dans une ville comme Salvador, on trouve des choses salées et sucrées partout en ville ! Si on fait une comparaison par rapport à d’autres villes dites gastronomique, Salvador est différente car elle a une cuisine des rues, elle est très créative et originale mais beaucoup plus rustique aussi, on a une autre manière de manger informelle dans la rue. Par contre, si on parle de la gastronomie brésilienne, c’est quelque chose de différent avec une signature brésilienne plus récente, cette cuisine s’intéresse à ses produits et ses recettes classique tout en s’élevant vers un niveau 3/4 étoiles et ça c’est récent. Mais c’est extraordinaire d’explorer ces produits qui ont fait la grandeur du Brésil avant la colonisation et il y a du potentiel !
Quels sont ces produits ?
Je compare ce mouvement de création culinaire au mouvement littéraire anthropophagique, c’est ma vision évidement. Trouver des produits des natifs brésiliens de la forêt amazonienne, ce Brésil avant colonisation, comme l’açaï. Il y a aussi pleins de fruits inexploités dans la gastronomie, car ce pays est énorme et il y a aussi un grand potentiel gastronomique. Il commence à avoir beaucoup de chefs qui prennent la cuisine de base brésilienne au sérieux, comme Felipe Bronze.
Qu’est ce que tu aimes dans la gastronomie européenne ?
J’aime les classiques, et j’aime découvrir un pays à travers la nourriture, découvrir son histoire, ses habitudes culinaires et culturelles, tout tourne autour de la table. L’écrivain Massimo Montanari, compare les langues à la nourriture dans son livre « il mondo in cucina » ! Pour la Belgique, j’adore découvrir les fromages belges, et aussi leur culture autour de la bière ! Je n’ai jamais expérimenté un pays où je mange mal ! Par exemple, une ville comme Paris qui a sa réputation bien installée, et bien j’y a ai déjà mal mangé, mais je ne vais pas dire on mange mal à Paris. Il ne faut pas être coincé sur une expérience négative, il faut dévorer la culture culinaire d’un pays !
Dévorer carrément ?
Oui c’est un geste anthropophagique, en mangeant la nourriture de quelqu’un, on découvre ce quelqu’un, c’est une façon de rencontrer l’autre et de se connecter, de consommer la culture d’un pays.
Ta façon de travailler les plats relève de la conceptualisation d’une oeuvre?
Je ne sais pas si je peux me comparer à une artiste, tout ce que je peux dire, c’est que je réfléchis beaucoup, avant de réaliser un plat, je pense saveur, texture, couleur, odeur, présentation visuelle, goût, menu, façon de manger ou de le servir. Il faut aussi construire une relation avec la nourriture, comment on va manger ce plat … Il faut réveiller les 5 sens quand on présente un plat .
Qu’est ce qu’on trouve toujours dans ton frigo ?
De la pâte myzo et une surprise ! Quand je fait mes courses, j’achète toujours un produit que je ne connais pas, je vais le découvrir et ensuite penser à une façon de le cuisiner.
Pour une personne comme moi qui ne connait rien à la cuisine brésilienne, quel produit tu me conseillerais ?
Il y a le problème de réussir à la trouver ici (rire). Il y a un produit super intéressant, c’est le manioc, on le connait en Europe sous la forme de farine de tapioca, mais en fait c’est l’amidon du manioc, c’est un produit gustatif et intéressant . A travers ce produit on peut faire des beignets, du parmentier, des crêpes etc..Et je te conseille de découvrir les fruits aussi qui sont fantastiques !
Tu es obsédée par les livres de cuisines ?
Oh oui je les mange !!! (rire) J’ai dans ma bibliothèque des livres de techniques culinaires, histoires de l’alimentation, recettes d’un pays ou de grands chef ! Pour les techniques culinaires, je conseille le livre de l’institut Paul Bocuse, un livre drôle autour de la cuisine qui s’appelle « On va déguster » par François-Régis Gaudry et ses amis, c’est pour les gens qui aiment lire sur les recettes et leurs origines, pour l’histoire de l’alimentation. Il y a Antonin Carême, son bouquin s’appelle « l’art de la cuisine française au XIX ème siècle », on parle carrément d’architecture pâtissière dans ce bouquin ! Il y a aussi l’œuvre de Roland Barthes et l’écrivain que j’adore c’est Jim Harrisson une façon de décrire la nourriture quasi sensuelle !
Tu es diplômée des beaux arts master food design, tu pourrais donner des cours?
Non j’aime trop la cuisine, mais je ne me lancerais pas là dedans, je n’aime pas donner un cours, je veux échanger un savoir, organiser un atelier d’échanges pourquoi pas 🙂
Une oeuvre que tu as aimé ?
J’adore le film Estomago par Marcos Jorge, il faut un peu de ventre pour le voir car il est peu violent, le sujet est disons un peu indigeste.
Vous pouvez suivre Manuela sur son compte instagram :
https://www.instagram.com/manuelaribeirohornez
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J’aime bien cette culture
Très grande et belle culture en effet 🙂