Ce weekend aura lieu la 23ème édition du Maghreb des Livres, grand salon annuel spécialisé dans la littérature du Maghreb. 23ème édition déjà, et pourtant, peu, pour ne pas dire pas de couverture médiatique, cet événement reste encore peu connu du grand public.
Pendant 2 jours, le Maghreb littéraire s’invite en plein cœur de Paris, autour de conférences, dédicaces, discussions, et découvertes de nouveaux titres. Rendez vous incontournable pour de nombreux auteurs issus du Maghreb ou de France, mais aussi pour les éditeurs, ce salon s’offre le luxe d’être hébergé à l’Hôtel de ville de Paris, depuis 2001.
A l’origine de cet événement, l’association Coup de soleil, créée en 1985 par des amis, tous originaires du Maghreb, de confession différente, unis par l’amour du Maghreb, et la hantise de la montée du racisme et du Front National en France. George Morin, son président, nous explique :
On était donc tous originaires du Maghreb, c’est à dire des enfants d’un système colonial qui est basé sur le racisme. Nous on est tous exilés parce que ça s’est mal passé, et on n’avait plus envie de revivre ça, donc qu’est ce qu’on peut faire nous, en tant que maghrébins de toutes origines pour que ça cesse ? Si on se montre ensemble, en tant que personnes différentes, qui a priori auraient toutes les raisons de se taper sur la figure, ça serait déjà un bel exemple. Et puis, le racisme n’est pas une fatalité, et c’est vrai que ce sont la culture et l’éducation qui en sont les meilleurs antidotes. Donc on a voulu jouer sur ce registre. Depuis 30 ans, on fait de l’éducation, de l’information, de la culture pour essayer de faire en sorte que les français aient une image du Maghreb qui soit un peu plus valorisante. On voulait une sorte d’union à travers la culture, et ce, vis a vis des maghrébins de France.
Depuis 1994, donc, l’association organise ce salon littéraire, qui a été parrainé par deux grands écrivains Maghrébins : Rachid Mimouni et Mohamed Choukri, « un algérien et un marocain » comme aime le préciser George Morin. C’est d’ailleurs Rachid Mimouni lui même qui lui a donné l’idée : « au lieu de faire des rencontres littéraires épisodiques, tu ferais mieux de faire un grand événement annuel qui mettrait un coup de projecteur sur les littératures du Maghreb, qu’elles viennent de France ou de là-bas« . Avec le soutien du CNL, ils organisent donc ce salon, quelques heures un samedi après midi, tout d’abord, avant d’augmenter l’amplitude horaire. Depuis quelques années, le salon dure deux jours, en février.
Le coup de boost est arrivé en 2001, grâce au maire de Paris de l’époque, Bertrand Delanoë, qui dès son élection, m’a demandé de venir faire le Maghreb des livres à l’Hôtel de Ville de Paris. On a donc organisé le 8 ème Maghreb des livres là-bas, et depuis on ne l’a plus quitté. Bertrand Delanoë étant né en Tunisie, il était plus que sensible au projet. C’est lui qui m’a appelé pour me dire « tu viens le faire chez moi », je n’avais pas le choix ! Il m’a dit » l’Hôtel de ville, je veux l’ouvrir aux parisiens, et qui plus est aux parisiens originaires du Maghreb, donc s’il te plaît, tu viens faire ton Maghreb des Livres à l’Hôtel de ville ». Bien Monsieur le Maire !
Derrière ce gros événement, il y a surtout la nécessité et la volonté de promouvoir les auteurs du Maghreb. Mais le Maghreb au sens le plus large du terme, nous explique George Morin. Pour lui, sont concernés tout d’abord les Maghrébins de France (les pieds noirs, les juifs, les enfants d’immigrés, les fils de harkis), mais aussi des militaires revenus écoeurés de ce qu’ils ont fait et vu en Algérie, comme ceux de l’association 4ACG. « Certains ont mis fin à leurs jours, et aujourd’hui cette association milite pour des relations cordiales avec l’Algérie et ils reversent leurs pensions pour des actions associatives en Algérie ». George Morin et son association essayent chaque année de faire une sélection de beaux livres écrits par toutes ces personnes liées directement ou indirectement au Maghreb, vivant des deux cotés de la Méditerranée, pour les présenter pendant ce salon.
On pré-sélectionne environ 300 ouvrages. On écrit aux auteurs pour leur dire que leur livre nous intéresse. On essaye d’avoir un équilibre entre les marocains, algériens, tunisiens, et français, les romans, essais, polars, etc. C’est un travail d’orfèvre, et il faut aussi jouer avec les égos de chacun. On essaye surtout de sélectionner les meilleurs auteurs et titres pour l’occasion. Ensuite on réduit la sélection finale, entre 120 et 130 titres. Les ouvrages couvrent tous les sujets et problématiques, même ceux en dehors des frontières du Maghreb (Syrie, Palestine, etc ..)
Il y a 2 pôles distincts pendant ce weekend littéraire. Un pôle tournant autour du livre et des auteurs. En plus des séances de dédicaces, chaque auteur bénéficie d’un entretien avec des journalistes pendant un quart d’heure ou une participation à un café littéraire, sorte de discussion autour d’un journaliste et de 4 ou 5 auteurs qui permet de traiter un sujet en particulier. Cette année, l’Algérie étant à l’honneur, de nombreux cafés littéraires auront sont organisés autour de « L’Algérie en Bulles » ou « Algérie et littérature ». Le deuxième pôle est autour de la réflexion, avec des tables rondes et des discussions, dont les thèmes sont définis longtemps à l’avance et qui portent sur l’actualité, l’histoire, l’intégration, la littérature, ainsi que des hommages (cette année Stéphane Hessel, Fatima Mernissi, notamment).
Chaque année, c’est entre 5000 et 6000 personnes qui se rendent au Maghreb des Livres pour découvrir une littérature peu connue du grand public. La volonté des organisateurs est de ne surtout pas être un salon élitiste.
Bien évidemment on a des intellectuels, ou des chercheurs mais ce qui nous fait très plaisir aussi, c’est d’avoir beaucoup de jeunes, de familles. Quand on voit une maman qui passe avec ses enfants et qui leur achète des BD, ou des jeunes venant découvrir une culture, c’est autant de personnes qui adhèrent à nos valeurs. C’est magique, parce qu’il y a un monde fou, une ambiance très conviviale, vous voyez des gamins assis par terre en train de bouquiner… Merzak Allouache disait « c’est une oasis au milieu de Paris« . Ça nous fait très plaisir, même si c’est un boulot impossible pour organiser tout cela, avec des conditions de plus en plus difficiles parce que les budgets baissent.
Et quand on demande ses coups de coeur littéraires du moment à George Morin, il est bien entendu intarissable.
On a deux vedettes cette année évidemment c’est Magyd Cherfi et Leila Slimani qui ont eu les honneurs des prix littéraires. Et puis on a des auteurs fidèles et d’autres jeunes découvertes qu’on nous signale ici ou là. C’est aussi la force de cet événement, faire découvrir encore et toujours de nouveaux auteurs.
Pour finir de vous convaincre de vous y rendre, vous pouvez trouver ici le programme détaillé de ce weekend placé sous le signe du livre, avec tous les intervenants et discussions, dédicaces etc de ce salon. Bonne visite, bonne lecture, et prévenez votre banquier, vous risquez de vous y ruiner !
Le 23è Maghreb des livres : 17 (de 11h à 19h) et 18 (de 10h30 à 17h) février 2017 à l’hôtel de ville de Paris, entrée libre.