#NonAuBalDesColons
Que se passe-t-il dans la tête de certaines personnes, non noires, pour penser que certains termes sont acceptables aujourd’hui ?
Il y a des femmes qui choisissent [le voile musulman], il y avait aussi des nègres américains qui étaient pour l’esclavage. (Laurence Rossignol, ministre du droits de femmes, 30 novembre 2016)
[Le Bal Nègre], au premier degré, en écartant toute polémique, c’est un nom magnifique, dansant, chantant et coloré. Ça m’évoque toutes les couleurs de la vie ! (Guillaume Cornut, nouveau propriétaire d’un cabaret, 30 janvier 2017)
A quelques mois d’écart, nous avons ces 2 exemples. La ministre des femmes non musulmanes et non noires prend en référence les écrits de Montesquieu, supposés être un vaccin contre le racisme du terme, pour justifier son utilisation, dans un contexte américain. Je ne reviens sur l’aspect clairement islamophobe de ses propos, on l’avait déjà abordé ici. A l’époque on le disait, donc pourquoi pas aujourd’hui ? Peut-être parce qu’à l’époque on pratiquait l’esclavage et la traite de ces esclaves, qu’on les considérait comme des êtres dénués d’âme, et qu’a priori, en l’abolissant, on est censés être revenus sur ces considérations, et donc sur ce vocable ? Logique, non ? Pas pour tout le monde..
Tellement pas que le mois prochain, en mars 2017 ouvrira une nouvelle salle de spectacle en plein Paris. La mairie de Paris a même financé une partie des travaux pour que Guillaume Cornut, ancien trader, puisse ouvrir son cabaret et l’appeler « Le Bal Nègre » dans la plus grande détente. Dans une interview donnée sur le site Africultures, il affirme que pour lui, n**** est un terme « dansant, chantant et coloré » alors que « colonial » est « inacceptable comme nom, c’est très péjoratif ! ».
Posons-nous 5 minutes. « N**** » est chantant et coloré et « colonial » est inacceptable et péjoratif. Pourtant, l’utilisation du terme qu’il revendique vient tout droit de l’époque coloniale, les années folles dont il est fan était bien une période coloniale où l’homme noir est représenté grossièrement comme amusement pour la population blanche. Ces endroits de fête qu’il veut recréer avec son établissement ne servaient qu’à divertir les blancs en utilisant et déshumanisant encore et toujours le noir.
Que les choses soient claires tout de suite. Ce mot est insultant. Il ne doit pas être utilisé, et encore moins par des blancs niant tout le poids raciste derrière ce mot et les époques concernées.
Prendre en référence Césaire et Senghor n’autorise personne à le dire pour autant. Lire ces auteurs, c’est bien, comprendre leur utilisation de ce terme pour en faire le concept de « négritude » c’est mieux. A aucun moment, ils ne vous ont autorisés à l’utiliser, encore moins pour reprendre une posture de colons. Ne les citez plus pour affirmer votre négrophobie. « N**** » est un terme raciste. Surtout quand, en France, on use et abuse d’expressions et autres périphrases pour éviter de dire « Noir ». De « black », « basané », « métissé », on passe directement à « N**** » ; le grand écart linguistique.
Derrière une posture faussement humaniste, ouverte sur les autres, ces individus prennent très mal le fait que les premiers concernés s’opposent à l’utilisation de ce mot, et en profitent pour utiliser des cautions. L’ami intellectuel ou artiste Noir qui ne voit pas de problème répond toujours présent. Si vous n’en avez pas, mentez, prêtez des propos, sur un malentendu, ça peut passer. Quand vos alibis vous désavouent, sortez la carte du racisme anti-blanc, comme joker ultime. Oui, le respect a disparu depuis bien longtemps, et G Cornut l’a achevé.
Choquées par l’annonce de l’ouverture d’un établissement avec ce nom, des militantes ont lancé une pétition demandant le retrait du terme raciste laissant croire que l’esclavage et la colonisation étaient des périodes festives pour les Noirs. En quelques jours, la pétition avait déjà récolté plus de 6900 signatures. Vous pouvez lire les revendications détaillées ici : #NonAuBalDesColons.
Dernier point ignoble de cette affaire, l’ouverture officielle de ce cabaret est le 21 mars, journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.
Dimanche dernier, un rassemblement était prévu devant cet établissement, rue Blomet dans le 15e arrondissement de Paris. La mairie du 15 ème arrondissement a fait savoir que le propriétaire s’engageait à renommer son établissement, et à repeindre la devanture dès le lendemain. La mobilisation ne faiblira certainement pas tant que ce n’est pas fait.
Reste à Guillaume Cornut à respecter son engagement et à présenter ses excuses. Ce serait la moindre des choses…
La pétition en ligne a d’ailleurs été mise à jour pour exiger ces excuses et un réel changement.
Edit 08/02/17 : La devanture a bien été repeinte, mais la caricature de mauvais goût est toujours là. Pour le moment, toujours pas d’excuses de G Cornut.
Crédit photos : Nadialna et Charlotte Prieu