Il y a quelques années de cela, j’ai travaillé à la direction pédagogique pour un centre photo à Paris, dans le quartier des arts et métiers. Je voyais de tout et tout les jours des gens franchissaient la porte de mon bureau, pour me montrer leurs travaux, leurs portfolios, ça allait du très bon à la daube complète! Un jour, un jeune homme réservé, a posé des photos sur ma table sans rien dire. Des images tirées certainement dans une borne photographique quelconque. C’était Mamadou Dramé.
Je regarde les photos une première fois. Et je dégage ensuite tout ce qu’il y a sur mon bureau pour faire un sérieux editing et là BAM !!! J’avais une série reportage sur la banlieue parisienne comme jamais je n’ai vu auparavant.
Nora : « Jeune homme, êtes-vous conscient que vous êtes reporter ? «
Mamadou : « Non, euh… Voila quoi… »
Oui voila, un reporter de terrain qui s’ignore ! Il fallait quelques réglages techniques et artistiques, mais pas grand chose, pour qu’il puisse exposer dans les galeries et publier dans les magazines.
Nora : « Vous devriez faire une formation accélérée et vous serez prêt pour le marché «
Mamadou : « Sérieux ? «
Nora : « J’ai l’air de plaisanter ? Continuez à photographier votre quotidien, comme vous le faites. Arrêtez de prendre des images de paysages, contrôlez votre sujet et vous verrez la force de vos images ! Scorsese disait « Filme ce que tu connais », faites la même chose ! «
Mamadou, était sur la réserve, il ne me montrait aucune expression, c’était le roi du poker-face. Il regarde à nouveau ses photos, les range, me sert la main et me dit : « Laissez moi un an, je vais rassembler l’argent pour me payer cette formation. »
Un an plus tard, dans le groupe de formation accéléré je vois un visage qui m’est familier, Mamadou Dramé ! il en a fait du chemin depuis cet entretien, il respecte son travail en tirant ses images sur du beau papier, parle très bien de son travail et de son parcours… Il épate les reporters de guerre chevronnés et titille même une petite jalousie artistique auprès des pseudos intellectuels photographes parisiens…
Quant aux images, c’est de la poésie urbaine, brute de décoffrage. Sa force de frappe photographique, c’est la composition. Chaque image est un court métrage.
Sa série « Zone Urbaine Photographique » retrace, les endroits de sa vie, où il a des mauvais et bons souvenirs dans les banlieues d’Île de France. Il y a aussi la série photo EID chaque année, il prend une photo d’un groupe d’amis de quartier fêtant l’Eid El Kebir, perso je trouve l’idée juste géniale !
Il a été exposé au festival phot’Aix « Regard croisé d’Aix en Provence », en 2016, et sélectionné auprès de l’agence vue pour un stage avec Bruno Boudjellal (rien que ça). Aujourd’hui il vend en ligne une série photo limité à 6 exemplaires de chaque, pour la somme de 93 euros, prix symbolique lié à un département qu’il a beaucoup photographié, la Seine St Denis.
Je vous conseille d’acheter un de ses tirages, maintenant car dans quelques années ça va valoir « mucho dineros ». N’attendez pas qu’il expose dans une galerie comme « Filles du calvaire » pour voir sa côte exploser. Je vous promets que vous ne regretterez pas votre investissement.
Plus qu’une question d’argent, avoir une image de Mamadou en face de vous fait du bien, car c’est une œuvre honnête sans prétention ou snobisme. Il est ses images et ses images sont lui.
Aujourd’hui nous sommes amis, il m’appelle « Marraine » pour me taquiner et moi je continue à ne pas lui faire de cadeau sur son travail, car quand on respecte les gens, on est exigeant avec eux et j’ai beaucoup de respect pour ce jeune homme.
Mamadou, c’est un mec qu’il faut suivre de près…
Pour suivre son travail, voici son compte Instagram, son site internet, et on vous donne même son 07 pour commander de beaux tirages : 00 33 769749369
Photo en une © Mamadou Dramé