Ancienne architecte marocaine exilée à Dubaï, Ichraq Bouzidi est aujourd’hui artiste, illustratrice, dessinatrice. Celle qui s’est lancée à plein temps dans cette activité juste avant le premier confinement nous parle de son activité numérique et de la nostalgie d’un certain Maroc d’antan qui s’exprime dans les illustrations qu’elle publie sur son compte Instagram. Rencontre.
Ichraq Bouzidi a 32 ans, et aussi loin que remontent ses souvenirs au Maroc, le dessin a toujours été présent dans sa vie. L’idée d’en faire un métier n’a toutefois pas été une évidence pour la jeune femme. Elle s’est d’abord dirigée vers des études d’architecture, et a exercé dans ce domaine au Maroc, puis à Dubaï, où elle s’est installée en 2016. En 2018, elle prend un nouveau tournant professionnel et laisse sa passion du dessin sous toutes ses formes s’exprimer : graffiti, installations sous tout support, et illustrations digitales. C’est principalement ce dernier aspect de son travail qu’elle partage sur la plateforme Instagram. Un travail plein de poésie, emprunt de nostalgie et d’amour pour une certaine vision du Maroc.
Dialna : Tu as eu une enfance un peu particulière au Maroc, peux-tu nous en parler ?
Ichraq Bouzidi : Je suis née à El Youssoufia, mais je n’y ai vécu que mes trois premières années. C’était d’ailleurs une des seules périodes de ma vie où j’ai connu la stabilité. Mon père était ingénieur (en ponts et chaussées). En fonction de ses contrats, on changeait de ville ; parfois, tous les trois à six mois. On a quasiment fait le tour du Maroc en allant des petits villages aux grandes villes, comme Casablanca, Rabat, Meknès, Tanger, Kenitra, et tant d’autres. J’ai passé toute mon enfance à jongler entre ces régions, jusqu’à l’obtention du bac. J’ai retrouvé une sédentarité en intégrant l’École Nationale d’architecture du Maroc, pendant quatre ans.
D : Le dessin a toujours été présent dans ta vie ?
I.B. : Je dessine depuis que je suis toute petite. C’est un peu ma madeleine de Proust. Je n’ai jamais considéré en faire une carrière. Et ce n’était clairement pas une éventualité pour ma famille ! Pour mes parents, les artistes mènent une vie un peu bohème, et n’ont pas de revenus (rires) ! Mon père m’a poussée vers l’architecture. Dans ma tête il y avait un peu d’artistique dans ce métier, c’était un bon compromis. Mais en réalité, on en est loin !
D : Avec cette enfance nomade, le dessin était le foyer que tu t’es créé ?
I.B. : Exactement. Le dessin a toujours été mon refuge C’était la seule manière pour moi de trouver de la stabilité, et des repères. Le dessin m’y aidait. Il m’était très difficile de me faire des amis, avec nos déménagements à répétition. Le dessin et les chats étaient ce qui ressemblait le plus à des amis pour moi. La maison était toujours remplie de chats ! Je dessinais en même temps que je jouais avec ces chats.
D : Comment s’est passée ton expatriation/immigration à Dubaï ?
I.B. : C’est intéressant d’utiliser ces deux mots. « Immigration » porte une connotation péjorative alors que les deux mots parlent de la même chose. L’expatriation on la voit plutôt positivement. Je suis venue à Dubaï en 2016, pour y rejoindre mon mari qui y avait été muté un an plus tôt. À cette époque, j’avais fondé ma petite entreprise d’architecture au Maroc, dans laquelle je travaillais avec une collègue. J’ai donc dû quitter ma petite boîte et abandonner mon rêve d’entrepreneuriat.
Il y a de la nostalgie dans l’apparition de ces personnages.
Ichraq Bouzidi, illustratrice
D : Tu as pu pratiquer l’architecture sur place ? Dubaï c’est un peu l’endroit rêvé pour une architecte !
I.B. : J’étais à l’endroit idéal pour faire ce métier. J’en ai profité pour exercer et me lancer dans des projets dont je n’aurais même jamais rêvé. Les projets y poussent comme des champignons ! J’ai donc pu travailler dès mon arrivée ! Je n’ai quasiment pas eu le temps de visiter la ville. J’ai eu la chance d’intégrer des agences d’architecture et de pouvoir travailler sur de superbes projets ici, pendant deux ans et demi. L’une de ces agences est d’ailleurs dirigée par une femme avec une vision très poétique de l’architecture.
D : Alors comment et pourquoi en es-tu venue à faire de l’illustration à plein temps ?
I.B. : C’était soudain, pas programmé, ni pensé. J’entamais des recherches pour m’inscrire à distance à l’université de Paris 8, pour un doctorat. Je voulais quitter l’architecture, j’étais totalement saturée avec une année pendant laquelle j’ai eu de gros projets simultanés. Je n’avais plus envie de travailler autant, jusque tard dans la nuit, le weekend, sans arrêt. Je pensais que le doctorat serait une issue de secours. Et pendant que je travaillais sur ce projet, j’ai repris le dessin plus régulièrement. J’ai toujours dessiné, mais ces dernières années, c’était plus rare. À cette période, j’ai repris mes carnets ou ma tablette, quasiment tous les jours et je dessinais. À ce moment, j’ai entendu parler d’un appel à exposition, ici, à Dubaï, ainsi qu’un concours de dessin pour illustrer une muraille dans le quartier qui s’appelle le “design district”. Je me suis dit que j’allais tenter, pour me faire une idée. J’ai fini lauréate de ce concours et mes œuvres ont été sélectionnées pour l’exposition. Les deux événements ont eu lieu à deux semaines d’écart. C’était un bon signe pour moi !
D : Sur tes illustrations que tu postes sur Instagram, il y a notamment ce couple de personnes âgées. Ont-ils toujours été présents dans tes dessins ou sont-ils arrivés quand le Maroc a commencé à te manquer ?
I.B. : Non ils n’ont pas toujours été là, justement. Il y a de la nostalgie dans l’apparition de ces personnages. Quand je dessine, j’écris en même temps. Je tiens un journal intime depuis longtemps, dans lequel j’écris mes souvenirs d’enfance. Ces personnages sont apparus comme une variation de ces écrits. Au début, je dessinais mes souvenirs d’enfance, puis les personnages issus de ces souvenirs, enfin ces figures-là précisément sont apparues.
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D : Pour nous qui n’avons pas grandi au Maroc mais plutôt dans la nostalgie du Maroc de nos parents, on le ressent dans tes dessins, avec cette femme qui pourrait ressembler à notre grand-mère, notre tante. Cela renvoie aussi à une vision idéalisée du Maroc de nos parents, celui qu’ils ont quitté dans les années 70. À quoi renvoie ce personnage de femme âgée pour toi ?
I.B. : La femme, c’est tout simplement une partie de moi, de ce que je suis. J’ai souvent ce contraste identitaire entre la femme moderne, contemporaine, avec laquelle j’ai grandi, et la partie que l’on reçoit par héritage des grands parents, des voisines, plus traditionnelle. Ce contraste est souvent ancré en nous. Je fais partie d’une génération qui a connu ces deux aspects du Maroc. J’ai souvent constaté que la société portait un regard péjoratif sur cette femme traditionnelle. C’est une femme avec des sentiments. Elle peut aimer, détester, être dans des situations qu’on va plus souvent associer à la femme contemporaine. Mais cette femme aussi les a vécues. Je traduis mes propres sentiments, mes propres émotions à travers cette femme. En effet, dans mes dessins on retrouve souvent deux figures, celle de la femme traditionnelle, et une autre très minimaliste, sans visage, en noir et blanc. Les deux ne sont que des représentations de qui je suis. Celle que je suis aujourd’hui, ou celle que j’ai vu mes parents être.
D : Dans tes dessins, on voit beaucoup d’éléments du Maroc d’avant « mondialisation », d’avant Internet, comme les cassettes audio, les tajines, les vieilles télévisions. Cela nous renvoie au Maroc des vacances de notre enfance pour notre part. Tout comme cette fameuse djellaba marron. C’est un Maroc qui n’existe plus ?
I.B. : C’est le Maroc d’antan tel qu’il est dans mes souvenirs, ou les vôtres ! Pour ce qui est de la djellaba, elle est souvent associée à la religion, alors que c’est surtout traditionnel, culturel ! Mes grands-mères portaient cette djellaba, et elles recevaient à la maison des cheikhates pour des fêtes, régulièrement ! Elles étaient très « open-minded » !
D : La djellaba est multiple !
I.B. : Exactement ! Il y a celle pour sortir en ville faire ses courses, celle qu’on porte pour des fêtes. Pour moi, ce vêtement représente cette nostalgie d’un Maroc passé.
D : Dans tes dessins, cette couleur marron de la djellaba est omniprésente. C’est en rapport avec la terre du Maroc que tu as sillonné ?
I.B. : Oui, c’est la couleur de la terre, des médinas, la couleur des tajines. Ça représente ma nostalgie du pays. Le marron est présent dans tous mes dessins ayant un rapport avec le Maroc. Et cette djellaba, c’est un élément à part entière de la culture marocaine. On l’a toutes portée !
D : La société a souvent tendance à opposer tradition et modernité en diabolisant presque l’une et en encensant l’autre. Dans tes dessins, ces deux concepts ne sont pas du tout dans l’opposition. Au contraire, on y perçoit presque une notion de transmission. Le fait que ces deux aspects fassent partie de toi prend du sens, non ?
I.B. : Les deux coexistent en moi, en nous. C’est mon identité.
Ce sont tous ces non-dits que j’ai essayé d’explorer dans mes illustrations, ce qui existe mais qui n’est pas montré au grand jour.
Ichraq Bouzidi
D : Tu dessines cette femme âgée parfois accompagnée de celui qu’on peut imaginer être son mari. Tu dessines ce couple avec beaucoup de tendresse, d’amour entre eux. Ce ne sont pas des représentations si fréquentes, surtout chez des personnes âgées, et également chez nous. Cela m’a rappelé le roman « Il était une fois un vieux couple heureux » de Mohammed Khaïr-Eddine, qui est un des éléments de culture populaire marocaine qui montre cet amour au sein d’un couple âgé. Tu peux nous en dire un peu plus sur cela ?
I.B. : Chez mes grands-parents, il y a toujours eu de la tendresse implicite. Il n’y avait pas de grande déclaration d’amour franche comme je l’ai plus vue chez mes parents ou dans mon couple, par exemple. Leur amour s’exprimait de manière presque invisible. La tendresse de mon grand-père était cachée. Il fallait creuser pour la voir et la déchiffrer. Pareil pour ma grand-mère. Quand ils sont fâchés l’un contre l’autre, il faut lire entre les lignes, avoir les bons codes pour le comprendre. Ce sont tous ces non-dits que j’ai essayé d’explorer dans mes illustrations, ce qui existe mais qui n’est pas montré au grand jour. Je voulais aussi dédiaboliser l’image du couple traditionnel justement. Ils s’aiment, ils ont des émotions qu’ils expriment à leur manière.
D : C’est aussi propre à la langue darija, qui est aussi très imagée, très codée. Une seule expression peut être à la fois une insulte ou un compliment ! Cela joue-t-il dans cette manière de vivre et dans ton travail d’illustratrice ?
I.B. : Oui, le langage fait partie de la communication, et de la manière d’envisager ces interactions. Quand je pense en effet à mes grands-parents, mes tantes, la langue fait partie de ma contemplation de ces personnes. Enfant, je ne comprenais pas tout ce qu’ils exprimaient. Je ne voyais pas cela comme des gestes d’amour. Quand ma grand-mère servait le couscous et qu’elle réservait la plus grosse assiette à mon grand-père, c’était une forme d’amour, mais je ne le comprenais pas. Cela s’exprimait aussi à travers la façon dont elle prenait soin de ses vêtements. Ce sont ces petits gestes qui peuvent paraître anodins mais qui ne le sont pas du tout. Quand mon grand-père était fâché contre ma grand-mère, il exprimait tout de même de la douceur dans sa colère. J’essayais de comprendre ce qu’il y avait derrière. J’en ai souvent discuté avec ma mère. On essayait de déchiffrer leur langage de l’amour.
D : J’aimerais qu’on décortique ensemble quelques-unes de tes illustrations, à commencer par deux d’entre elles sur ce thème de l’amour à la marocaine. Dans la première, on y retrouve cette affection non dite. L’amour est là sans grande déclaration. Le soutien aussi.
I.B. : Mon grand-père répétait souvent à ma grand-mère : « Je te porterai sur mes épaules jusqu’à la fin » (« Nhezeq fi ktafi bach mat tmchai » en darija : « je te porterai sur mes épaules, tu n’auras plus besoin de marcher », ndlr). J’ai voulu traduire cette expression en illustration.
D : Cette seconde illustration est une autre variation de cet amour avec entre les deux une barrière, celle du thé à la menthe, autre amour des Marocains ?
I.B. : Voilà ! Il y a cette expression qui dit que la femme doit être contenue, ou doit être dans son contenant. Il peut être physique ou psychologique, d’ailleurs. C’est pourquoi il y a ce verre de thé. Le thé est un moment partagé à plusieurs, en famille, c’est un vecteur de sociabilité. Cela dit, la femme y est quand même emprisonnée, d’une certaine manière. L’homme, lui, est dans l’espace, à l’extérieur. Ce dessin est en réalité une critique de la société marocaine. On dit que la femme est protégée mais elle est en fait contrôlée, dans un espace physique par la société, alors que l’homme est libre. Mais même s’ils sont dans deux espaces différents, ils veulent se retrouver. Il y a toujours de l’amour.
D : La préparation du thé pour l’être aimé est aussi une vraie tradition marocaine, d’ailleurs !
I.B. : Oui j’ai un dessin sur cela, aussi. Pour moi, c’est une volonté de protéger une sorte de mémoire collective de ce que nous sommes, en tant que Marocains. C’est vraiment cette volonté qui m’anime.
Je veux le meilleur pour mon pays ! Je veux que les droits de l’Homme y soient respectés.
ichraq Bouzidi
D : Tu as posté récemment des illustrations plus engagées au sujet notamment des deux journalistes marocains emprisonnés qui ont entamé une grève de la faim, Omar Radi et Soulaimane Raissouni, ou encore au sujet de la Palestine. Prendre position est indissociable de ton travail ? Comment lies-tu l’engagement politique et poétique ?
I.B. : J’en ai la chair de poule… Je n’appellerais pas cela un engagement politique pour ma part. C’est de l’humain avant tout. Toute personne avec du bon sens, ou de la logique devrait être touchée par cette histoire. C’est aussi une forme de patriotisme, à ma manière. C’est l’expression de mon amour pour mon pays, et pour ce que je rêve qu’il soit. Je veux le meilleur pour mon pays ! Je veux que les droits de l’Homme y soient respectés. Emprisonner des journalistes pour ce qu’ils sont, ou ce qu’ils écrivent, c’est une vraie tragédie. Un pays ne peut être libre, si sa parole ne l’est pas. Si on veut une évolution démocratique dans le futur, il faut une parole libre, celle des journalistes, celle du peuple. La Palestine, c’est aussi une injustice sans nom. On ne peut que combattre et dénoncer les massacres, la situation d’apartheid que vivent les Palestiniens.
D : Tu as également mis en valeur quelques figures traditionnelles marocaines ou du monde arabe dans tes dessins, qui sont aussi des sortes de Madeleine de Proust pour beaucoup de monde. Comme Oum Kalthoum et Nass El Ghiwane, ou encore Hajja El Hamdaouia, à l’annonce de son décès. Ils représentent le patrimoine marocaine / arabe et leurs noms permettent encore aujourd’hui de rassembler les diasporas et les habitants de ces pays. Que représentent ces légendes pour toi?
I.B. : Il y a une histoire personnelle et familiale derrière l’illustration d’Oum Kalthoum et Nass El Ghiwane. Mon grand-père maternel était un passionné de la diva égyptienne. Mon père, lui, était un fan du groupe marocain. Mon grand-père était la figure type du patriarche très respecté. Le fait de le voir écouter et apprécier autant Oum Kalthoum me paraissait surprenant. Ses chansons parlent d’amour, et je voyais un grand contraste entre ses paroles et la figure de ce grand-père ! C’était paradoxal. En face, il y avait mon père, fanatique de Nass El Ghiwane. Il jouait du tamtam dans un groupe de musique. Ces deux hommes communiquaient à travers leur passion pour la musique. À chaque repas de famille, ils débattaient pendant des heures. Cette illustration, pour moi, c’est la manifestation de leurs deux identités. La romance d’Oum Kalthoum, et l’engagement politique, « looking for freedom », de Nass El Ghiwane. Chacun était révolutionnaire à sa manière. Aujourd’hui, j’écoute et j’adore toujours autant les deux, comme j’aimais mon père et mon grand-père. Je ne peux pas les dissocier.
D : Là aussi, on retrouve cette dualité entre la tradition et la modernité qui s’entremêlent …
I.B. : Tout à fait. La dualité fait totalement partie de mon travail artistique, ainsi que de ma vie. C’est ce que j’essaye de transmettre. Pour Hajja Hamdaouia, elle allie ces deux aspects à elle toute seule. C’est une figure marocaine incroyable. Je suis une fan inconditionnelle. Le jour de son décès, avant de l’apprendre, j’étais encore en train de chanter à tue-tête sa chanson Mnin ana ou mnin inta, que je connais par cœur, en préparant mon café. On m’entendait dans tout l’appartement ! Et, puis plus tard, vers midi, je reçois un message m’apprenant son décès. C’était horrible. J’ai eu du mal à le croire. L’idée du dessin m’est venue comme cela. Hajja Hamdaouia a vécu libre. Avec sa musique, elle a toujours véhiculé une certaine force de caractère. On n’a pas eu de nombreuses figures féminines comme elle au Maroc. Elle était coquette, précieuse, elle l’assumait. Mais elle était aussi combattante.
D : La pandémie, le confinement ont-ils changé ta manière de travailler, de dessiner ? Ça l’a impactée de quelle manière ?
I.B. : On a tous vécu une période très difficile, avec des changements à 360° dans nos vies, que ce soit sur le plan personnel, mais aussi professionnel et artistique. Tous les projets prévus en extérieurs ont été annulés ou repoussés à une date indéfinie. Je n’avais plus que le crayon et le digital pour exprimer ce que j’avais à dire. Je me suis donc concentrée sur ces outils et plateformes pour faire vivre mon art. D’une certaine manière, c’était un mal pour un bien.
La dualité fait totalement partie de mon travail artistique, ainsi que de ma vie.
Ichraq Bouzidi
D : Cette présence sur les réseaux sociaux est-elle indispensable pour ton travail ? Pourrais-tu continuer à travailler sans avoir cette visibilité?
I.B. : La présence sur les réseaux sociaux permet de partager avec le public. Ce n’est pas particulièrement une question de visibilité. Je n’en avais pas avant, elle est récente. Mais elle n’est pas primordiale. En tant qu’artiste émergent, il n’est pas facile d’accéder au monde artistique ou d’exposer dans les galeries ou les lieux de ce genre. Les portes ne sont pas grandes ouvertes quand on débute. Les réseaux donnent cet espace public et permettent d’exprimer et partager ce qu’on veut. On n’est pas limité par les expositions, ou par ce que le monde physique impose. Ils nous laissent un peu plus de liberté et d’accessibilité au monde. C’est primordial pour moi aujourd’hui.
D : As-tu des projets d’exposition, voire de livres autour de ces illustrations ?
I.B. : Avant la pandémie, j’avais deux projets de livres illustrés, qui ont été mis sur pause. J’ai autre chose en préparation. C’est un ouvrage collectif illustré, mettant en avant les femmes artistes du monde arabe. C’est un projet qui me tient particulièrement à cœur ! En décembre dernier j’ai exposé dans le cadre d’une exposition collective à Dubaï, et j’ai toujours une exposition en cours en Corée du Sud. J’espère avoir mon exposition ici à Dubaï d’ici la fin de l’année inch’Allah. Les choses sont toujours instables, et on n’est jamais sûrs.
D : Quels sont tes coups de cœur artistiques du moment ?
I.B. : Mon coup de cœur éternel en littérature, c’est l’auteur japonais Haruki Murakami, qui m’inspire toujours. À chaque livre, j’y vais les yeux fermés, sans même y réfléchir. J’adore aussi le travail du photographe marocain Mous Lamrabat. C’est un vrai coup de cœur artistique pour moi. Son travail est plein de poésie, de contraste, c’est magnifique !