[Culture] Les masculinités par l’association Le poisson sans bicyclette

Dialna - Masculinités

L’association Le poisson sans bicyclette propose à Bruxelles une exposition photo autour du thème des masculinités. Du 10 janvier au 15 février 2019, une série de portrait sera exposée à la Maison des femmes de Schaerbeek. Par cette exposition, l’association tente d’ouvrir le débat sur les différentes formes possibles de masculinités, moins toxiques.

Le poisson sans bicyclette est une équipe de femmes (en majorité, donc le féminin l’emporte) venant de tous horizons qui luttent avec passion contre le système patriarcal dans lequel nous vivons. Ce qu’elles ont toutes en commun ? Une véritable envie de changer les choses et elles sont brillantes !

Malgré la place centrale des hommes dans la perpétuation du patriarcat, la question des masculinités est finalement peu abordée par les mouvements féministes et les hommes tardent à s’en emparer. Lorsqu’ils le font, c’est trop souvent sur un mode qui renforce la domination masculine.
Le poisson sans bicyclette

C’est quoi être un homme aujourd’hui ? Quels privilèges découlent de cette position dominante ? Comment prendre sa responsabilité face aux violences sexistes ? Voici le point de départ du travail de déconstruction et de réflexion créative que nous avons amorcé avec un groupe de dix hommes.

Cette association a concocté tout un programme artistique autour du thème des masculinités. La première étape a été d’entendre la voix des hommes, comment eux, vivent leurs masculinités. De ces conversations, est né un recueil de textes, édité par l’association.

La deuxième partie consiste en une série de témoignages, écrits et audio, qui seront lus et diffusés lors des évènements sur le sujet des masculinités.

Et enfin, la troisième action, c’est une exposition photographique de portraits. J’ai eu la chance d’être contactée par elles pour réaliser une série de photos sur le sujet, avec ma collègue photographe Odile Keromnes. À nous deux, nous avons essayé de montrer une autre forme de masculinité et surtout de comprendre les systèmes qui nous étouffent. Odile a réalisé des portraits d’hommes du quotidien et j’ai choisi de réaliser une série de portraits de drag kings (des femmes qui se transforment en homme, par le maquillage et le vêtement.) Le tout sera expliqué et résumé dans un outil pédagogique, téléchargeable sur le site du « Poisson sans bicyclette » !

Dialna - Masculinités
Affiche Expo Masculinités par Le poisson sans bicyclette
©Odile Keromne

De son côté, donc, Odile Keromnes photographe française, installée à Bruxelles, est allée à la rencontre d’hommes dont les rôles et les expressions de genre viennent interroger les codes du modèle dominant de la masculinité. Une série de photo reportage en couleur, nous plonge dans une réalité intéressante, ou les hommes prennent soin d’un bébé, repassent leurs vêtements, ou dansent quasi nus avec des éventails en plumes.

Quant à moi, ce fût un long cheminement, avant de photographier une série de portraits, J’ai proposé des idées artistiques à l’association, mais on s’apercevait qu’on risquait vite de tomber dans les clichés qui desserviraient plus nos propos qu’autre chose. Le poisson a décidé de casser la binarité du genre en organisant un atelier Drag King avec des femmes qui vont se transformer en hommes le temps d’une journée. J’ai dû réaliser les portraits à ce moment-là. De suite, j’ai imaginé un monde « pastélisé », hors du temps, un peu à la Pierre & Gilles, J’ai donc aménagé sur place un mini studio, avec un fond réalisé sur mesure pour la séance et vamos !

dialna - masculinités
Affiche de l’exposition Masculinités par Le poisson sans bicyclette ©Noranoor

Cette aventure photographique et féministe a été super éclairante et enrichissante sur ma vision du monde et du féminisme. Il faut absolument comprendre le fonctionnement du système, et en Europe, nous sommes, loin d’être éduqué-es sur le sujet, comparé-es à l’Australie ou aux USA. Ça vient doucement mais surement. La nouvelle vague de féminisme, frappe et secoue tout sur son passage pour déconstruire tout ce système patriarcal vieux de 5000 ans ; une tâche lourde, difficile mais pas impossible.

Mettre des mots sur un problème, pour mieux le cerner et l’éradiquer prend toute son importance. Lutter contre toutes formes d’oppressions et d’inégalités (racisme, sexisme et capitalisme), c’est la mission de cette jeune association « Le poisson sans bicyclette ». Leur leitmotiv ?  Fédérer des ressources, respecter les choix de vies de toutes les femmes et déconstruire pour mieux avancer ! Le fait d’avoir organisé tout un cycle sur le sujet des masculinités, avec une lunette féministe va aider beaucoup de gens, à comprendre une partie de ce monde dans lequel on vit.

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Atelier Drag King par Le poisson sans bicylette ©Noranoor

Bravo à vous les filles !

Quelles sont donc les masculinités en questions ? Comment se manifestent-elles ? D’après la chercheuse sociologue et féministe australienne, Raewyn Connell, il en existe 4 formes, que nous allons essayer de résumer ci dessous, De plus, Connell propose d’appréhender les masculinités sous un angle très empirique : son projet a été de rendre compte, par des récits de vie ou des observations, de la diversité des masculinités. Ce travail lui a permis de mettre en évidence des formes de masculinité, toutes confrontées aux normes sociales, et notamment au modèle dominant du masculin qu’est la masculinité hégémonique :

Hégémonique, subordonnée, complice et marginalisée, je vais essayer humblement de vous vulgariser les définitions suivantes, soyez indulgent-es :

Masculinité hégémonique : L’homme dans sa pleine puissance, physique, intellectuelle et financière. Ils représentent une minorité dans la population mondiale et pourtant il a les pleins pouvoirs dans ce monde. Il se montre souvent comme fort et hétérosexuel. L’armée peut être un bon exemple de cette masculinité, on utilise la force, la stratégie et la violence pour obtenir ce que l’on veut. La masculinité hégémonique est donc l’expression même du pouvoir des hommes sur les femmes et sur d’autres hommes, considéré(e)s comme inférieur(e)s.

Masculinité subordonnée : L’homme qui se plie aux règles de la masculinité hégémonique, qui elle, ne va pas hésiter à écraser ou humilier ce groupe montrant ouvertement une sensibilité, une vulnérabilité et une fragilité. Le groupe dominant hégémonique, ci dessus va déstabiliser le groupe subordonné en l’insultant avec des propos sexistes et homophobes.

Masculinité complice : Cela représente une grosse partie de la population mondiale ! Le système hégémonique profite à tous les hommes, le fait d’en profiter les rend complices. Les exemples ne manquent pas à ce sujet. Quand un homme harcèle une femme dans la rue et que les autres rient de cette situation, ou bien quand les hommes dévient la conversation avec des « Oui mais nous aussi les hommes…. », ou encore les « Pas tous les hommes.. ». En agissant ainsi, ils excusent les autres de ce qu’ils font et ça les rend complices d’un système patriarcal. Les femmes se confrontent souvent à cette résistance de groupe.

Masculinité marginalisée : Touche surtout les hommes racisés, pauvres et/ou handicapés, parce qu’ils sont dans une position dominée dans les rapports de classe, race sociale ou d’ethnie. Ils peuvent incarner certains traits de la masculinité hégémonique sans bénéficier pour autant de tous ses avantages. Beyoncé dans le morceau « Don’t hurt yourself » s’adresse aux hommes noirs directement en pointant du doigt une certaine haine de soi dans le rejet de la femme noire : « Arrête de rabaisser et maltraiter les femmes noires, tu te rabaisses et tu te maltraites aussi. »

Le mouvement féministe est le seul contre pouvoir qui existe contre ces masculinités toxiques. Les hommes doivent changer les choses aussi, il faut déconstruire ces structures en dénonçant les inégalités, ne pas prendre la parole sur un sujet qui ne les concernent pas, avoir tout simplement un statut d’allié.

C’est pas compliqué, non ?

Je vous conseille également cet épisode du très bon podcast Les couilles sur la table, sur les masculinités :


Photo en Une : ©Odile Keromne

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