Une bande de copines a voulu donner une nouvelle dimension et définition à la femme fatale du vingt-et-unième siècle, à travers un magazine papier soigné, Femme Fatale qui, hélas, signe ce mois ci son dernier numéro, « Vous devez donc absolument l’acheter pour avoir un collector dans votre bibliothèque ».
Elles sont descendantes Afro ou passionnées par la culture subsaharienne et ont créé ce magazine pour montrer une autre vision des femmes à la peau noire, loin des clichés réducteurs, elles explosent les codes à travers l’art, entrepreneuriat, les études, les voyages, la politique ou la mode….
C’est du coté d’un café de Molenbeek-Saint-Jean que l’on a rencontré une des dirigeantes, Audrey, pour une conversation riche et passionnante.
Pourquoi avoir créé Femme fatale ?
Un peu comme vous Dialna, on a voulu créer un magazine car il y a un vrai manque de représentation. On ne se reconnaissait pas et on s’est dit que quand cette représentation existait elle pouvait être biaisée, et nourrir les stéréotypes. Il fallait mettre en valeur la diaspora africaine à Bruxelles, qui est super dynamique et vaste ! Il faut savoir que pour le belge de « souche », l’africain c’est le congolais. Il fallait rétablir une image réelle. On a donc travaillé sur 3 axes, le passé, le présent et le futur. Avec le book femme fatale, on présente les femmes de la diaspora noire au présent, en montrant des portrait de femmes actives et créatives. Le passé c’est plus mon domaine, mon projet « Black européenna ». Le but était de récolter la culture matérielle du passé. Pour le futur on s’est orienté vers l’enfance, en créant des livres de coloriages avec des personnages afro ! Et cela s’appelle « Colors of Africa ».
Et d’où te vient cet intérêt pour la diaspora africaine ?
D’abord par mon éducation, j’ai grandi dans cultures diverses et multiples, ma mère était baba-Rasta et on a pas mal voyagé dans le monde, je sais ce qu’il se passe ailleurs. Ça c’est mon premier fondement. Ensuite, il y a ma formation académique et professionnelle. Je suis historienne de l’art et archéologue spécialiste de l’Afrique Subsaharienne.
T’es une Indian Jones au féminin en fait !
(rire) oui on peut voir ça comme ca !
Enfin, le dernier point qui me rattache à l’Afrique, c’est mon frère adoptif qui est congolais et chinois. J’ai eu une autre vision de la vie. Il est venu chez nous pré-adolescent, et du coup, je me suis posée la question : D’où je viens, moi ? Ma mère me disait tout le temps « tu as mal à tes ancêtres ». Du coup j’ai fait un test ADN, et j’ai découvert que j’avais des origines européennes et d’Afrique du Nord !
Le magazine est Afro-européen est- il féministe ou féminin ?
Plutôt féminin, on est apolitique, notre but est de passer un discours en douceur et de faire passer des messages à travers nos images.
Le magazine va s’arrêter ce mois-ci, pourquoi ?
Moi à Bruxelles j’attends un bébé, Alicia Eyongo La collaboratrice principale belgo-congolaise va aussi construire sa vie de famille, il y a Médiatrice Mujawamriya d’origine rwandaise, qui est chimiste à la base. C’est une entrepreneure de génie ! Elle collabore avec sa soeur sur le food truck « afro burger ». Elles ont créé la marque avec des amies (Régine et Aline) à Bruxelles. Je vous conseille celui à la viande de chèvre, qui est MAGNIFIQUE !!! Des Burgers aux saveur de l’Afrique, et délicieux ! En bref, nos vies prennent d’autres virages et les changements, ça prend du temps.
Pour la dernière édition vous avez prévu quoi ?
Un gros événement, pour marquer la fin, mais on sait que l’on y reviendra. On a toutes les 3 des emplois à temps pleins, on est confiantes avec la nouvelle génération qui mène aussi ce combat. On se dit qu’on ne s’est pas investies pour rien ! Et il y a possibilité de commander en ligne les numéros. On a eu besoin de créer au format papier et on a eu plus de vente avec ce support, car il y a de vrai collectionneurs de magazine.
Possibilité de créer un MOOK (combinaison de magazine et de livre) à long terme ?
On a eu l’idée de transmettre à une autre institution, qui pourrait reprendre le format et retravailler avec une équipe de graphiste, photographe, écrivaines. Mais il faut que l’on se pose pour voir la suite.
Vous espérez quoi pour l’avenir ?
Ça peut paraître naïf, mais j’ai envie d’un vrai changement ! J’ai l’impression qu’il y a une ouverture et changement de mentalité, grâce à des petites actions comme les nôtres, Dialna, des festivals, notre magazine. Ce monde globalisé, n’est pas toujours positif ! Mais si on peut voyager plus facilement et donc mieux comprendre l’autre, j’ai un espoir ! J’attends un-e petit(e) métisse belgo-marocain(e) et je n’ai pas envie qu’il-elle arrive dans un monde qui va le-la traiter d’une certaine manière en fonction de ses origines ou de sa tête. Quand on a créé ce magazine, on aurait aimé en vivre ! Mais, il y a une réalité économique et une crise de la presse, qu’on ne peut pas nier.
Tu es une lectrice assidue de Dialna quel est ta rubrique préférée ?
Jamais sans mon livre !!! Les photos sont belles, les articles super et le message de cette rubrique est juste génial ! Nadia doit exposer les photos de cette série ! Moi, j’aime Dialna pour la qualité du contenu et aussi la qualité visuelle ! C’est créatif, et je sais que ça prends du temps. Mais je trouve votre projet vraiment beau car le contenu est vraiment de qualité .
Bon tu nous a touché là merci Audrey, on vous souhaite tout le bonheur du monde les filles !