La fin de Mame Baby, de Gaël Octavia
Bienvenue au « Quartier », petite ville de banlieue parisienne, où le béton a pris possession de tout, même des coeurs. Ici, les destins de 4 femmes, essentiellement noires, vont se croiser, révélant ainsi des liens secrets entre elles. Mariette, une vieille femme, à tendance alcoolique qui ressasse son passé est aidée à son domicile par Aline, l’infirmière Noire, qui revient au Quartier sept ans après l’avoir quitté brusquement. Avant elle, c’était Suzanne qui s’occupait de la vieille dame, « Suzanne la Blanche », ancienne petite amie de caïd. Et autour de ces femmes, au dessus d’elle, plane l’ombre de Mame Baby, véritable ange gardien du Quartier, aujourd’hui décédée. Par la voix d’Aline, la vie, les amours, les regrets de toutes ces femmes nous sont contés.
L’écriture de La fin de Mame Baby est menée comme une véritable enquête. Tout s’y prête : la situation de Mariette, la mort de Mame Baby, la vie d’Aline dont on n’apprend le secret que tardivement sont autant d’ars narratifs qui s’entremêlent sans jamais perdre le lecteur.
Les lieux ont leur importance. La ville, ou « Le Quartier » ne sont pas nommés. Ils ressemblent à n’importe quelle ville de banlieue, mais cela pourrait tout aussi bien être une ville aux Antilles, d’où est originaire l’auteure (Martinique). Gaël Octavia dépeint une véritable dépendance des personnages à ces lieux : le Quartier, Paris, la route, l’assemblée des femmes. Ils n’y échappent pas comme ils le voudraient. Plusieurs ont essayé de partir, quelque chose ou quelqu’un les rappelle sans cesse.
« Les pasteurs ne savent pas parler aux jeunes filles. [..;] Ils ne savent que les terroriser. Jésus était peut-être une bonne idée mais très mal exposée. […] Mais est ce sa faute si Jésus a choisi de visiter son frère plutôt qu’elle ? »
L’assemblée des femmes est presque un personnage à part entière. Véritable contre pouvoir social, il symbolise un refuge pour les femmes. Il s’oppose au monde religieux uniquement représenté par les hommes, avec notamment le personnage de Léopold, le frère de Mariette. Mame Baby, elle-même fait preuve de figure quasi prophétique au sein des femmes du Quartier. Sa naissance et son enfance relèvent presque de la magie. Elle y est décrite comme ayant des capacités extraordinaires, un don envers les autres, offrant bienveillance et amour inconditionnels à ses prochains.
On retrouve cette opposition aux hommes dans le comportement des femmes face au regard masculin, et à leur violence (latente ou assumée). Mariette enfant, Aline, Mame Baby, Suzanne, toutes racontent cette peur de passer devant les garçons, les hommes. Elles ont ou ont eu néanmoins presque toutes une dépendance envers ces hommes, envers leur attention, espérant sans cesse l’amour de celui qu’elles ont choisi. Mariette, en est un exemple fort. La femme divorcée qu’elle est n’attise guère de compassion de la part de l’assemblée des femmes, et elle a vécu sa vie en fonction de ce manque d’attention ou d’amour. Elle n’est plus que « l’une de ces femmes qui ne se remettent pas d’un divorce ».
La douleur des femmes face aux hommes, mais aussi en tant que mères ou filles, est très présente dans le livre. Là aussi, Mame Baby joue un rôle de catalyseur en l’absorbant, dans une empathie extrême.
« Pour une femme revenue de tout, de l’amour, des hommes, la solitude c’est « très doux, très calme ». Pour une femme adulte dans la force de l’âge, Mariette définit la solitude comme « manquer de l’amour d’un homme « . Mais à seize ans, la solitude véritable est celle d’une petite-fille sans sa mère. »
Il reste la question finalement la plus importante, celle du rapport à la mère. L’amour maternel n’est pas si évident, et Gaël Octavia arrive à en parler de manière très subtile, et touchante.
Il s’agit ici du premier roman de Gaël Octavia, qui était jusqu’ici une dramaturge, et c’est un essai réussi. Une belle plume, qui parle des femmes autrement, qu’on espère lire encore longtemps
La fin de Mame Baby de Gaël Ooctavia
Editions Gallimard
Sorti le 31 août 2017
[…] était obligées de choisir une voix féminine Afro-caribéenne pour illustrer l’article sur « La fin de Mame Baby » de Gaël Octavia. Malgré une mort précoce, en 2003, Edith Lefel a marqué la musique zouk avec une discographie […]