Faire du sport pour être à l’aise avec son corps, ou faire la paix avec son corps pour se mettre au sport ? Lisa Nasri a la réponse, ça sera les deux ! Avec ses cours « Happy Fit », la coach motive les femmes à se mettre au sport, en y mettant de la bonne humeur. Cette femme qui déborde d’énergie, vient en plus de sortir un livre pour nous guider toutes et tous à « faire péter nos barrières ». Dialna part à la rencontre de Lisa Nasri.
Lisa Nasri, la trentaine est une véritable boule d’énergie, un sourire à toute épreuve et en toute occasion. Cette ancienne juriste, qui a toujours pratiqué une activité sportive, s’est lancée il y a quelques années dans le coaching professionnel, à sa manière. Sa reconversion professionnelle s’accompagne d’une longue réflexion sur le bien-être, la connaissance et l’acceptation de soi. Parallèlement à cette activité, Lisa Nasri a mis également en place des ateliers de confiance en soi, dans lesquels elle aide ses clientes (ses « frisettes »), à se reconnecter avec elles-mêmes, et à retrouver estime, amour et confiance en soi. Happy Fit, c’est un peu la bonne copine, toujours là pour vous rappeler qu’il est temps de s’aimer, et d’arrêter de se dénigrer.
Dialna : Avant de parler de ton activité aujourd’hui, j’aimerais qu’on revienne à ta vie d’avant, lorsque tu étais juriste. Que s’est-il passé pour que tu aies envie de tout quitter et changer de job ?
Lisa Nasri : J’ai suivi un schéma familial classique, en faisant des études de droit. Ce n’était pas vraiment une vocation. J’ai très vite senti que ça n’allait pas être une carrière fulgurante, parce que je ne me sentais pas à l’aise dans cette voie là. Mais j’ai continué parce qu’il fallait bien avoir un diplôme, et que je n’ai pas pour habitude d’arrêter un projet en cours. J’en ai aussi profité pour faire des études à l’étranger (Londres, Bruxelles). Quitte à ne pas aimer ce que je fais, autant voyager !
Une fois rentrée, j’ai commencé à travailler dans ce domaine, pendant cinq ans. Mais, ça m’a complètement dégoûtée du droit. Je n’aimais pas du tout ce que je faisais. Je ne me sentais pas à ma place. En réalité, je n’étais pas à l’aise dans mon corps, alors je me renfermais, je mangeais énormément. Et surtout, je voyais ma consommation de sport augmenter régulièrement. À un moment, j’ai réalisé que mon corps était fatigué, nerveusement et physiquement, tellement je forçais. Quelque chose n’allait pas. J’ai pris les choses en main, et j’ai consulté tout un tas de médecins, fait des examens à la chaine, pendant un an.
Au final j’ai compris que tous mes soucis de santé étaient liés au stress. Soit je me faisais opérée, soit je quittais mon boulot. Le médecin avait bien fait le lien entre le mal-être physique et le stress au travail. Ça a été un premier déclic. J’ai pris la décision de quitter mon travail, et j’ai réalisé que le sport n’était pas un médicament.
D : Tu as tout de suite su que tu voulais travailler autour du sport ?
L. N. : Oui ! J’ai senti qu’il fallait que je fasse quelque chose autour du sport. Mes collègues me demandaient constamment ce que je faisais comme sport pour avoir autant la pêche ! En leur racontant, je voyais que ça les motivait à en faire. Je voulais sortir de cette mentalité, qui ne conçoit le sport que pour s’affiner ou perdre du poids. Où est la pratique sportive, juste pour kiffer, pour le plaisir ? Quand j’ai finalement réussi à quitter ma boîte, je suis tombée sur la meilleure conseillère Pôle Emploi. En lui expliquant mon parcours et mon projet, elle a compris bien avant moi, que c’était en fait une création d’entreprise ! Je n’étais pas prête à aller vers ce statut, ça me faisait peur d’être livrée à moi-même.
Moi, j’adore avoir un cadre, j’aime qu’on m’impose des règles. Le confort basique du salariat avec les congés payés, le chômage, les arrêts maladie me convenait. On a bataillé pendant six mois, jusqu’au jour où elle m’a quasiment menacé de me radier si je ne faisais pas la formation d’aide à la création d’entreprise. J’y suis allée, mais à reculons. Et au final, c’est là que tout a basculé pour moi !
Du droit à l’accompagnement sportif
D : Tu avais tout de suite ton concept Happy Fit en tête ?
L. N. : Non, au départ, je voulais être « motivatrice » sportive. Je voulais vraiment travailler l’aspect mental, et accompagner les gens pendant leurs séances sportives. Je voyais ça vraiment comme un petit coup de pouce. Par exemple, si tu veux aller à la piscine, mais que tu as peur de te mettre en maillot de bain, je vais venir avec toi. On va aller ensemble dans le vestiaire, on enlève la serviette, on va dans le bassin, et je te laisse faire ton sport. Je voyais ça comme une babysitter du sport quoi ! Mais j’ai rapidement compris qu’il manquait le coté sportif, professionnel et donc diplômé. J’ai donc pris la décision de passer mon diplôme de coach sportive. Entre le moment ou j’ai quitté mon job, et la création de Happy Fit, il y a eu un an et demi.
D: Quand tu élaborais ton concept d’accompagnement dans le sport, tu verbalisais déjà le problème central de confiance en soi ?
L. N. : Oui. J’ai vite compris, en parlant avec mes collègues ou mes copines, que c’était surtout un problème lié au regard des autres. Mon argument c’était que moi, j’ai toujours été la plus grosse de ma salle de sport. Quand je voyage, je fais en sorte de choisir des hôtels avec des salles de sport, et là aussi, je suis toujours la plus ronde. Je leur disais de ne pas s’en préoccuper. Mon argument n’était pas du tout sportif en réalité, il était vraiment mental et psychologique. C’est ainsi que j’ai compris qu’il manquait cet accompagnement psychologique, dans la pratique du sport. Chez les femmes, mais aussi chez certains hommes.
Quand on est à deux, on est plus forts. Comme quand on était au collège, et qu’on demandait aux copines de nous accompagner pour aller aux toilettes, ou pour aller parler à un garçon. Seule, on n’y arrive pas. Certaines ont besoin d’une copine de sport, qui va les préparer psychologiquement à ce qu’elles vont faire. On n’a plus besoin de moi après.
J’ai toujours été ronde[…], mais ça ne m’a jamais empêché de faire du sport.
Lisa Nasri, coach sportive
D : Comment a évolué ton rapport à ton corps au fil de l’âge? J’imagine qu’à l’adolescence, comme pour tout le monde, c’était compliqué ? À quel moment tu as pris conscience qu’il fallait que ça change ?
L. N. : J’ai toujours été ronde, depuis que je suis toute petite. En plus j’ai les cheveux frisés, je cumulais les « problèmes » (rires)! Arrivée à l’âge adulte, j’ai continué à grossir, mais ça ne m’a jamais empêché de faire du sport. J’en fais depuis que je suis toute petite. À 25 ans, pendant que je faisais mes études à Bruxelles, j’ai eu une prise de poids très rapide. J’ai pris neuf kilos en trois mois. Je me nourrissais de la culture locale, c’est à dire frites, bière et gaufres. Et pourtant, je n’avais jamais fait autant de sport que là-bas. Il y a des gens pour qui maigrissent en faisant du sport, et c’est cool. Mais pour d’autres, ce n’est pas le cas. Je sais que pour moi, tout se joue sur la nourriture. J’entends souvent des phrases du genre « mais comment se fait il que tu ne maigrisses pas, avec tout le sport que tu fais? » Je ne rentre pas dans cette catégorie là.
L’obsession de la perte de poids
D : D’ailleurs, quand tu t’inscris dans une salle de sport, la première chose qu’on te demande c’est « quel est ton objectif de perte de poids? » Ça crée un malaise quand tu ne viens pas pour ça. Tu l’as senti ?
L. N. : Je suis même allée plus loin. Après Bruxelles, je suis revenue en Île de France, et je me suis inscrit dans une salle. J’ai donc ce premier rendez-vous, dont je n’avais absolument pas besoin. J’ai dis à la coach que je voulais cultiver mes formes. Elle n’avait jamais entendu ça ! Non seulement je ne voulais pas perdre de poids, mais en plus, je voulais cultiver cela. Elle m’a dit « Ce n’est pas possible ». C’est très français déjà comme mentalité.
D : C’est quelque chose qu’on enseigne en formation quand on apprend à devenir coach ?
L. N. : Non. C’est ça le pire, on ne te l’enseigne pas. Ça vient de la culture du sport. Avant de passer ton diplôme, tu es déjà sportif. Donc tu as déjà ta vision du sport. Ce qui est hyper délicat, quand tu es coach, c’est que tu enseignes ta vision du sport. On enseigne tous la même chose. On va tous apprendre aux gens à faire des squats de la même manière. Ce qui va être différent, et donc pertinent ou pas, c’est la façon de l’enseigner. Et ça vient de la personnalité du coach.
À Bruxelles, par exemple, on ne m’a jamais fait de réflexion sur mon poids, alors qu’on me pesait régulièrement. Je n’ai jamais eu aucun commentaire déplacé. Ils étaient toujours dans la bienveillance. Un jour, je me pèse et je vois 111 kilos. Un poids à 3 chiffres, c’était la limite à ne pas dépasser pour moi. J’étais tétanisée.
Quand j’ai vu cette personne dans le miroir, je n’étais même pas énervé, ni dégoûtée. J’étais triste. Je me suis mise à pleurer en me disant « mais tu t’es laissée tomber » !
Lisa Nasri
D : Comment tu as géré cela ?
L. N. : Je suis rentrée chez moi et je me suis déshabillée. Je me suis retrouvée nue devant mon miroir. Ça ne m’était pas arrivée depuis mes 10/11 ans. Pendant longtemps, je n’avais même pas de miroir dans ma chambre. Là, je me suis forcée à me regarder pour savoir comment on en était arrivé là. Parce qu’en vérité, tu sais que tu grossis, tu le sens dans tes vêtements, mais tant que tu ne te regardes pas, ça passe. Voir ce chiffre m’a fait un choc. Je me suis demandée comment je me suis laissée arriver à ce point là. Quand j’ai vu cette personne dans le miroir, je n’étais même pas énervé, ni dégoûtée. J’étais triste.
Je me suis mise à pleurer en me disant « mais tu t’es laissée tomber » ! Je m’étais abandonnée sur le bas côté, prête a me pousser dans le fossé. Si je m’étais regardée tous les jours, je me serais vue les prendre, ces kilos. Je les aurais vus se loger, très discrètement, petit à petit. J’ai d’abord commencé par un petit rééquilibrage alimentaire, c’est à dire me mettre à manger des choses vertes. Ma mère cuisine quand même hyper équilibré. Même s’il y a plus de semoule que de légumes, dans le couscous, ça reste un plat équilibré (rires) !
D : Certains psy estiment que ces prises de poids sont une protection contre des attaques extérieures, dont le corps a besoin. Est-ce que tu penses que pour la majorité des femmes, ça n’est pas la même chose ? Quand on voit comment la société attaque constamment les femmes sur leur poids, leur physique, leur âge, etc …
L. N. : Pour certaines femmes, peut-être. Mais ça n’est pas forcement la réponse pour toutes. Par exemple, moi, je n’ai jamais fait d’analyse. Je n’en ai jamais ressenti le besoin, parce que je me parlais à moi même. En vérité, j’avais déjà les réponses. Je me posais des questions à voix haute et j’entendais la réponse. Il n’y a rien de mystique, j’avais en réalité besoin de verbaliser. Quand tu t’entends dire quelque chose, tu trouves tes réponses.
Se reconnecter à soi
D : Qui peut avoir accès à cette prise de conscience ?
L. N. : Toi ! Tout le monde ! D’une manière ou d’une autre, on arrive toutes à cette conclusion. C’est vrai qu’on m’a toujours dit que j’allais plus vite. On m’a déjà parlé de cette fonction protectrice du corps et du poids, que tu évoquais. En creusant la question, je me suis rendue compte qu’il y avait plein de nuances. J’ai réalisé que pour moi, cette prise de poids était liée à la peur de manquer. Ça venait vraiment d’une lignée transgénérationnelle, bien avant mes parents. Et ce n’est pas quelque chose que tu peux anticiper. Tu réalises après coup, que là, il y avait un vide à combler par la nourriture, l’achat de fringues. C’est vraiment un manque dans tous les domaines, l’affectif, la famille, l’argent. C’est visuel, forcément. Il y a toujours un trop plein de quelque chose. Pour certaines personnes, ce n’est pas léger, leur vie est lourde, les traumatismes qu’ils ont sont lourds. Le poids qu’ils ont, les charges, les responsabilités sont lourds, donc le corps est lourd.
Avant d’essayer de dire que je m’aime, je vais d’abord essayer de me définir, de savoir qui je suis, d’où je viens, ce que je veux.
Lisa Nasri
Quand je me suis vue dans le miroir, quand je me suis regardée dans les yeux, j’ai réalisé que j’entrais en contact avec moi-même. Pour de vrai. Je ne devais plus lâcher ça. Depuis, tous les matins je me regarde dans le miroir, nue. Bien sûr, l’acceptation de mon corps n’est pas venue tout de suite. À un moment, j’avais envie de m’insulter, je me trouvais horrible. Je me pinçais, me griffais. Quand je voyais les titres des magazines féminins, ça m’énervait : « Aimez vous telles que vous êtes », ou encore « Moi je m’aime comme je suis ». Mais qui est ce « je suis » ? Parce que je veux bien m’aimer, mais je ne sais même pas qui je suis, puisque je ne me suis jamais vue. J’en ai une vague une idée mais en réalité, je ne fais que me mentir.
Avant d’essayer de dire que je m’aime, je vais d’abord essayer de me définir, de savoir qui je suis, d’où je viens, ce que je veux, ce que je fais, quelles sont mes lacunes, mes compétences, sur quoi je vais travailler, quelle est ma mission de vie ? Est-ce que je suis plus spirituelle, cartésienne, religieuse ? J’avais vraiment besoin de définir tout ça, tout en gardant contact avec le physique, le visuel. Il fallait que je trouve une neutralité en me regardant, un juste milieu entre « je me déteste » et « je m’aime ».
Devant mon miroir, je vois un corps. Il a des seins qui tombent, des bourrelets, des vergetures, des grains de beauté, des cicatrices, peu importe. Mais je voulais essayer de me voir sans penser « C’est beau » ou « C’est moche », sans jugement. J’avais même collé un drapeau de la Suisse au dessus de mon miroir !
D : Tu as arrêté de te griffer depuis ?
L. N. : Oui j’ai arrêté. Quand je le refais en atelier, pour le montrer, ça me fait tout de suite très mal, je le sens. Avant, je me griffais, je me frappais. je rajoutais des griffures sur des vergetures. J’ai décidé de ne plus rajouter de traces sur mon corps. Oui, j’ai des bourrelets, je les vois. Pas besoin d’insister.
D : Tu avais besoin d’aller vers cet extrême pour accepter ton corps ?
L. N. : Bien évidemment. Tout comme je n’aurais jamais créé Happy Fit, si je n’avais pas été juriste. Je n’aurais pas pu le faire à mes 18 ans, je n’avais pas la maturité. je n’étais pas passé par tout ça. Quand j’ai commencé à perdre du poids, je savais pertinemment qu’avec ma morphologie, je n’allais pas être un 38. Et je n’avais aucun problème avec ça. J’ai jamais été en quête de la minceur à tout prix. Ce que je voulais c’était de pouvoir essayer des fringues, quand je sortais avec des copines. J’en avais marre d’être la nana porte-manteau.
D : Aujourd’hui tu as ces deux activités : coach sportive et tu animes des ateliers de confiance en soi. Ce sont les mêmes personnes qui viennent à l’un et à l’autre ?
L. N. : Au début non, mais mine de rien ce sont des vases communicants. Celles qui ont fait l’atelier d’abord vont venir tester un cours par la suite. Certaines y restent, d’autres pas. Et inversement, certaines ont fait mon cours et viennent plus tard à l’atelier. Dans l’ensemble, elles ont besoin d’être rassurées. Ce sont souvent des filles qui me connaissent via Instagram, et se demandent si je suis pareille dans la vraie vie. Elles sont rassurées et restent. Parfois des filles qui suivent mes cours depuis deux ans me disent qu’elles aimeraient faire un atelier. J’arrive encore à être surprise, parce que je n’avais pas senti un besoin particulier de leur part. Mais ça vient aussi avec le temps. Par contre, on n’est pas obligées de passer par ça pour être bien. Mais tu peux basculer de l’un à l’autre sans souci.
La confiance en soi, c’est être capable de se dire peu importe ce qui m’arrive, je sais rebondir.
Lisa Nasri
D : Pour toi la confiance en soi et l’amour de soi sont-ils deux concepts complémentaires ?
L. N. : Pour moi, l’estime de soi ça regroupe l’image de soi, l’amour de soi, et la confiance en soi. Avec l’estime de soi, tu as ces trois aspects. Et ils se travaillent différemment, parce que la confiance en soi, ce n’est pas se regarder dans un miroir et aimer ça. Ça, c’est de l’image de soi. La confiance en soi, c’est être capable de se dire « peu importe ce qui m’arrive, je sais rebondir ». Soit, parce que je l’ai déjà fait une fois et je saurai le refaire, soit parce que je crois en moi. C’est aussi se dire qu’on a assez de compétences, de bon sens, d’expérience, ou même d’intelligence pour se dire « Je saurais rebondir. Je vais apprendre la leçon, et retenter encore et encore. » Je fais la distinction entre les trois aspects. Parce que l’amour de soi ce n’est pas forcément aimer ce que je vois, c’est s’aimer entièrement, corps, âme, et esprit.
La graine plantée de la confiance en soi
D : Comment se passent tes ateliers ? Ce sont des sessions uniques ou il y a plusieurs rencontres ?
L. N. : C’est un atelier, unique. Ça surprend parfois, parce qu’on s’imagine que c’est comme chez un psy. Le but de l’atelier, c’est de réconcilier le corps et l’esprit. Il n’y a pas de fil conducteur lors de la rencontre. Je vais demander à la personne de me raconter son histoire, son enfance. Bien sûr on aborde la question de la confiance en soi, ou de son manque. Ensuite, je ne peux pas expliquer comment, mais c’est facile pour moi, de faire le lien entre tout les éléments dont on me parle. Je relie les points. On en parle en face à face, mais ce n’est pas l’objectif final.
Le plus important ce sont les exercices que je vais donner pour se reconnecter à ses envies, à elle-même, pour se redéfinir. On parle beaucoup de pardon. Je leur apprends à se pardonner, à pardonner aux autres. On apprend les pensées positives. Je leur demande de s’écrire des lettres à elles-mêmes, aux autres. Il y a aussi des exercices physiques, avec le miroir, par exemple. Souvent, elles s’attendent à quelque chose de très compliqué à faire. Alors que c’est très simple. Ce qui compte le plus c’est de faire les exercices. Je ne fais que planter une graine. Si elles n’arrosent pas, elles savent ce qui va se passer. Pour les très rares qui n’ont pas arrosé, rien ne s’est passé. Pour les autres, il y a eu un déclic.
Le simple fait d’en parler fait beaucoup avancer. Je ne suis pas dans l’affect avec elles, alors je ne prends pas de gants quand je leur parle. Mais je n’attaque pas non plus. Écrire son histoire, c’est déjà très fort. Coucher noir sur blanc ton vécu, tes traumas, c’est très libérateur. Je remarque que celles qui ont vécu le plus de traumatismes, vont s’excuser d’avoir écrit autant, ou vont minimiser leurs expériences.
D : C’est une méthodologie que tu as testé sur toi ?
L. N. : Bien sûr ! Moi j’ai toujours été dans une dynamique « Action – réaction ». Parler sans qu’on me donne un exercice, je ne peux pas. C’est certainement pour cela que je n’ai pas fait de thérapie, je pense. On en revient à une dynamique très scolaire. J’ai besoin de structure et surtout d’application concrète. J’ai besoin que tu me donnes un exemple concret quand tu m’expliques une règle. Il faut que ce soit palpable. Donc on peut parler indéfiniment de comment tu traites ton corps, mais si je ne te dis pas de rentrer chez toi et de te mettre nue devant ton miroir, etc, ça ne sert à rien. Oui, ma méthode c’est de donner des devoirs. Elles les notent dans un cahier, avec une « To do list ». Il y a beaucoup de choses à faire. Mais, elles ne doivent le faire qu’une fois.
L’idée est de déclencher et de déconstruire tout ce que tu as construit dans ta tête. Oui, c’est lourd, mais c’est léger en même temps, parce que je suis là, j’accompagne, je fais un suivi. Elles ne sont pas seules. Je sais ce que c’est, parce que je suis passé par là. Même si je n’ai pas vécu leurs vies, je comprends toutes ces filles qui viennent me voir. Ça m’a pris des mois et des mois avant d’avoir le réflexe de ne pas me traiter de grosse vache dégueulasse, de ne pas me frapper, me jeter sur la nourriture. Je connais trop bien ce cercle vicieux : « j’ai grossi donc je vais aller manger ». Il y a une forme de punition. Tu es dégoûtée et triste, donc tu pleures, donc tu manges, donc tu grossis. Et on se demande « Quand vais-je m’en sortir ? »
Le but ce n’est de pas devenir invincible, mais de se connaître au maximum. Parce que si je me connais complètement, tu ne pourras rien m’apprendre sur moi.
Lisa Nasri
D : Tu évoques les propos durs que tu te disais à toi-même. Le poids de ces mots joue un rôle énorme, j’imagine ?
L. N. : Oui. Les mots se transforment en maux. Tu dis ce que tu penses et tu penses ce que tu dis. Beaucoup de personnes ne le comprennent pas. Par exemple, si tu dis « J’aimerais qu’elle arrête de me dire ça », ça n’a pas de sens. Si tu veux que quelqu’un arrête de dire quelque chose, il faut que tu rentres dans son cerveau, pour contrôler ses pensées. Je ne pense pas que ce soit possible (rires) ! Je ne parle que très rarement du regard des autres dans mon atelier. Parce qu’en réalité, le problème ne vient pas de là. Si tes propos me vexent, le problème n’est pas que tu m’aies vexée, mais plutôt pourquoi je me suis sentie vexée. Pourquoi ce que tu as dit résonne chez moi comme ça ? Ça veut dire qu’il y a un quelque chose à aller travailler.
Je te remercie presque, parce que même si tu m’as envoyé un pic et que j’ai pleuré, je vais pouvoir le travailler. C’est une gymnastique. Bien évidemment sur le coup, j’avais envie de te casser la gueule. Mais on ne peut peux pas se protéger de tout. Je le travaille en permanence. Ce qui me chiffonne, me gêne, me blesse, je prends le temps de revenir dessus. C’est quoi cette cicatrice ? Le but ce n’est de pas devenir invincible, mais de se connaître au maximum. Parce que si je me connais complètement, tu ne pourras rien m’apprendre sur moi. Je sais que si j’ai mes règles ou si je suis plus fatiguée, je suis plus sensible à ce genre de paroles, et je peux relativiser. Ce n’est pas la parole qui importe, mais plutôt la manière dont je réagis à celle-ci.
D : La confiance en soi, c’est quasiment une question de survie ?
L. N. : Oui, parce que quand tu parles mal de toi, tu te jettes un sort en vérité. Ça ouvre les portes aux prédateurs. On attend tellement la validation de l’autre, surtout de l’homme, à cause de l’éducation et de la société, qu’on est plus maitresses de soi. La première fois où j’ai répondu « oui je sais » à un compliment, ça a déstabilisé la personne. Ce n’était pas pour faire ma pimbêche, mais plutôt une acceptation d’un fait. Comme si tu me disais « il fait beau dehors » et que je réponds « oui, je sais ». Ce que tu me dis devient vrai. Quand tu te dis que tu n’auras jamais ce train, et bien ne cours même pas. Tu viens de le dire, c’est acté. On se conditionne par le vocabulaire qu’on utilise, parce que ce sont nos pensées. Et notre corps entend toutes nos pensées. De fait, les filles qui viennent dans mon atelier pensent que les exercices physiques vont être beaucoup plus difficile que les exercices liés aux émotions. Alors que c’est clairement l’inverse. L’émotion, on la travaille tout le temps, puisque tu ne sais jamais quand une émotion va se réveiller en toi.
« Faire péter ses barrières », une devise immuable
D : Justement comment éviter de retomber dans une situation où on complexe, on pense négatif ? Quand on a réussi à comprendre ces mécanismes, comment éviter de replonger ?
L. N. : Il faut se pardonner. Moi aussi, il y a des jours où je ne me trouve pas jolie. Mais maintenant, je connais ma limite. Je sais que je refuse de m’insulter moi-même. C’est terminé. Si une photo ne me plaît pas, je vais dire « non, je n’aime pas » et plus « je ne m’aime pas ». Si j’oublie mes clés, je ne dirais plus « je suis conne, j’ai oublié mes clés ». Non, c’est con, je les ai oubliées. Tu mets de la distance. Il faut accepter qu’il n’y a pas que des jours cools. Moi je n’ai pas tout le temps confiance en moi. Je doute, j’ai peur. Il y a des fois où ça ne va pas, parfois je panique. Ça m’apprend quelque chose.
Le but c’est de ne pas refaire les mêmes bêtises, de continuellement apprendre. Il faut accepter aussi sa vulnérabilité. Je ne suis pas parfaite, je vais échouer. Je vais tomber mais je vais me relever, je vais me soigner. Peu importe ce qui se passe dans la vie, je suis là pour moi. Je suis là pour m’auto-congratuler ou pour me sauver. Des gens me disent « mais je suis toute seule », je leur réponds « tu ne peux pas être seule, tu es avec toi-même ».
C’est dommage d’avoir peur de se découvrir. Partez à la découverte, devenez Indiana Jones avec vous-même ! Vous allez peut-être tomber sur un trésor.
Lisa Nasri
D : « Fais péter tes barrières », ta devise, et le titre de ton livre, c’est tout ce que tu viens de nous dire finalement ?
L. N. : Exactement ! Quand je parle de barrières, ce sont les tiennes. Je ne dis pas de faire péter les barrières de la société, des médias, etc. En vrai, ça on s’en fiche, il y en aura toujours. C’est un combat impossible à ton échelle. Ce sont tes barrières à toi. Donc déjà, il faut les identifier. Ça peut être « je n’ose pas mettre du vernis rouge », ou aller loin. Parce que ça peut être un détail qui peut te pourrir la vie ou te frustrer tout autant qu’un « je dois quitter mon mec, mon boulot, quitter Paris ». Tant que tu ne les définis pas, on ne peut pas avancer.
Encore une fois, il faut écrire, mettre des mots, parler. Et passer du temps avec soi, ce que les gens n’arrivent pas à faire, par peur. Ils pensent découvrir quoi au fond ? Frankenstein ? Un monstre ? Tu sais que ce n’est pas le cas. C’est dommage d’avoir peur de se découvrir. Partez à la découverte, devenez Indiana Jones avec vous-même ! Vous allez peut-être tomber sur un trésor. Et si vous tomber sur un tas de caca, et bien ce n’est pas grave, ça se nettoie ! Dans la vraie vie, on fait ça. Avant de commencer des travaux, ou d’emménager, on fait un état des lieux.
Si tu n’apprends pas à te connaitre, tu vas devoir prendre les informations des autres. Mais les autres, ils ne te connaissent pas. Ils ne sont pas là depuis ta naissance jusqu’à maintenant, ils ne sont pas à l’intérieur de toi. Donc, si on me dit « tu es arrogante », « tu es gentille », ou encore « tu es malhonnête », je vais mettre tous ces Post-it sur moi. Ils vont me définir, alors qu’en fait ce n’est pas forcément moi. J’appelle ça « le caca des autres ». Tu ne dois pas le prendre. Ça ne t’intéresse pas en fait. Tu dois devenir une station d’épuration. Tu tries les mots qu’on te balance. Ce mot là ? Ah non, je sais que je ne le suis pas. Je le laisse là. Celui-ci ? OK, pourquoi pas.
D : Du coup, pourquoi as-tu voulu en faire un livre ?
L. N. : J’ai voulu créer une sorte de repère, un guide pratique que tu peux sortir à tout moment de ta vie. J’y aborde toutes les thématiques de la confiance en soi : le corps, les émotions, notamment. J’ai pensé ce livre comme un chemin, un accompagnement qui s’adresse à toutes les personnes, hommes ou femmes, peu importe son niveau de confiance en soi. C’est donc un condensé de rappel, de conseils, d’astuces et témoignages concrets. J’avais besoin de ça. Si on ne se sent pas bien le matin, on peut plonger dedans. C’est un peu comme un livre de recettes. Ça regroupe tout ce que je peux raconter sur les réseaux sociaux. Le format était important aussi pour moi. Tu peux le glisser dans ton sac de sport, ou sac à main, et le consulter à tout moment de la journée.
D : Revenons au jugement des gens sur soi. Au delà de ça, il y a aussi leurs peurs qu’ils nous renvoient. Tu réagis de la même manière ?
L. N. : À toi de prendre cinq secondes pour stopper la peur. Et au pire, quand tu rentres chez toi, prends le temps pour discuter avec toi-même. Beaucoup de gens m’ont dit « tu es courageuse de quitter ton boulot, de créer Happy fit, etc .. ». Ça n’avait rien de courageux, j’ai failli me faire radier, je n’avais pas le choix ! C’était leur peur, pas la mienne. Pour éviter de la récupérer, je discute avec ma peur tout le temps. Je la personnifie. Et la peur des autres, je ne la prends pas, je leur rends, en disant « Ce que tu viens de dire, ça ne fait pas du tout écho en moi ». Et en faisant ça, j’envoie aussi le message à mon corps « Tu ne prends pas ça. Ça, ce n’est pas nous ». Mon corps doit entendre que je ne cautionne pas ces peurs, ou les insultes, etc .. On se prend des injonctions toute la journée, mais il faut aussi défendre son corps quand on reçoit des commentaires négatifs. Le dialogue est réel avec mon corps.
Des squats et des chansons
D : Alors parlons enfin de tes cours de sport. Quand on voit les vidéos, on voit des pompons, des déguisement, on chante des chansons de Larousso.
L. N. : Tu rigoles mais, Larusso, j’ai fini par la rencontrer. Et elle savait qui j’étais ! J’en ai encore des frissons ! (rires)
Quand tu fais des abdos sur les L5, et que tu connais les paroles, le cours passe tellement plus vite.
Lisa Nasri
D : Tu donnes même des cours de sport dans des box de karaoké. C’st toujours pour faire dans le décalé ? Ou pour te différencier des autres coaches ?
L. N. : Non. Même pas. Je ne l’avais jamais pensé comme un argument marketing. J’ai tout simplement créé le cours qui me manquait. Je suis adepte des salles de sport depuis plus de 20 ans maintenant, mais il me manquait un truc où je pouvais chanter., et m’amuser. Pour moi, chanter, c’est un exercice supplémentaire. Quand tu es prof, et que tu donnes un cours, en plus de l’exercice, tu dois parler. Ça te demande un souffle, et tu travailles tes abdos. Et quand tu fais des abdos sur les L5, et que tu connais les paroles, le cours passe tellement plus vite. C’est le cours que j’aurais voulu avoir. À la base, c’est tout à fait égoïste.
Un jour, je montre mon cours à un ami. J’avais une phase avec de la danse orientale. Il me dit que les mouvements ne sont pas assez affirmés, qu’il faudrait aller plus loin. Je n’avais pas de ceinture orientale ou ce genre de vêtements. Pourquoi pas finalement ? J’ai pensé aux pompons, pour que ça se voit tout de suite. On a l’impression que ce n’est qu’un accessoire rigolo, pour mettre des paillettes, etc.. Mais ça fait surtout travailler le cardio ! Quand tu travailles bras et jambes en même temps, forcément tu fais monter ton cardio. Les pompons te font oublier que tu es en train de faire du sport. Ça libère beaucoup plus.
Mes cours sont bienveillants, j’y mets de ma personnalité. On trouve toutes les morphologies possibles, même si ce n’est pas un argument que j’utilise. C’est juste que la confiance en soi, ça parle à tout le monde, c’est universel, ça parle aux hommes aux femmes aux enfants. Tout le monde peut venir.
D : Quelles sont les barrières que les femmes se mettent et qui les empêchent de se lancer dans une pratique sportive selon toi ?
L. N. : Souvent les gens, pas que les femmes, se comparent aux autres. Il faut arrêter. Rappelez-vous qu’on a tous débuté quelque part. Même si la personne à côté de toi a fait un Marathon, elle a commencé par courir une minute, puis cinq, puis 10. On a énormément tendance à se comparer aux autres, et à se voir plus nulle que l’on est. Ensuite, les gens se laissent aussi envahir par le regard des autres. Il faut réussir à faire le focus sur soi, pour éviter de projeter nos peurs sur les autres, comme on le disait plus tôt. On pense toujours que les gens vont se moquer, qu’ils vont voir nos défaut, alors que non Le sport, surtout en salle est très auto-centré en réalité. Chacun vient pour soi. Et enfin, il faut arrêter de céder aux modes, et donc d’aller faire du crossfit ou du yoga parce que tout le monde en fait. Encore une fois, il faut se reconnecter à ses envies. Le principal but du sport, c’est de se faire du bien et de se faire plaisir. En cédant aux modes, on oublie l’essentiel, et on fait passer le plaisir au deuxième plan. Mon conseil, c’est d’essayer pleins de sports, et d’arriver à trouver celui qui vous convient rapidement.
D : Quel est ton coup de coeur du moment ?
L. N. : Mon coup de coeur du moment c’est la chanson Don’t start Now de Dua Lipa. Et la chanson de ma vie, c’est Je survivrai, version Larusso, bien sûr !
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