Une famille syrienne de Philippe Van Leeuw (en salles le 06 septembre 2017)
Damas, la guerre fait rage dans les rues. Les quartiers sont bouclés, les immeubles quasiment détruits par les obus, les snipers prennent possession des ruines, et de nombreux civils ont fui. Une famille reste cependant dans son appartement, barricadée. Ils sont les derniers dans cet immeuble. Oum Yazan, ses enfants, son beau père, sa domestique, ainsi qu’un jeune couple de voisins continuent à (sur)vivre tant bien que mal, courageusement, tout en étant cloîtrés dans cet appartement.
Toute sortie en dehors est une source de danger pour tous, ne serait ce que pour aller chercher de l’eau. Ce lieu jadis de vie, devient une prison dans laquelle la sécurité du collectif est d’une grande fragilité.
La famille tient tant bien que mal, au jour le jour et garde un rythme quotidien de repas, école à la maison, en attendant le retour du chef de famille, bloqué par les barrages. Et puis, un matin, la mort frappe. Comment réagir ? Faut-il partir, ou résister et rester chez soi, jusqu’à la fin ?
Ce formidable huis clos a pour thème principal la survie, plus que la guerre, même si elle est un personnage à part entière. Elle est suggérée, aucune mention de la situation politique n’est faite par ailleurs. Si ce n’était le titre, ce film aurait pu se passer n’importe où. Mais nous sommes en Syrie, nous avons vu les images de certains quartiers de Damas détruits, d’Alep à la télévision et sur le net. Ces images sont ancrées dans nos mémoires. Philippe Van Leeuw a surtout voulu mettre la lumière sur les personnes qui subissent cette guerre, les civils. Et pas n’importe quels civils. Ce sont les femmes qui subissent le plus cette situation, mais ce sont surtout elles qui prennent en main la survie. La mère de famille, formidablement interprétée par Hiam Aabbas, est la voûte de cet équilibre fragile. Elle est la Stabat Mater, qui se force à ne pas tomber ou désespérer pour le bien de tous, la cohésion du groupe. La domestique, Delhani, est le cœur de la famille, celle qui a tout vu, mais qui doit le garder pour elle, elle est encore plus piégée dans cette guerre, dans ce pays qui n’est pas le sien. Et il y a Halima, jeune mariée et mère d’un bébé. Elle est son mari sont des voisins de cette famille et ont été accueillis, après le bombardement de leur appartement. Halima semble être la plus fragile de ces 3 femmes, elle est en fait certainement la plus forte. Une relation forte de crainte, mais aussi de respect, de confiance, voire même d’affection se noue entre ces 3 femmes. C’est encore une fois la seule manière de survivre. Comme le dit Oum Yazan, « On est toutes courageuses« .
Malgré quelques aspects assez confus, notamment dans le personnage de Halima, et quelques maladresses, Une famille Syrienne est un film, poignant, sur la réalité de cette vie, qui doit continuer malgré tout, sous les bombardements. Le huis clos se passe durant une journée dans la vie de cette famille quelque peu recomposée. Le film ne repose pas sur un témoignage d’une famille syrienne en particulier, P. Van Leeuw a tout simplement voulu raconter l’enfermement sous les bombes, selon lui. Sa volonté était de ne pas rester silencieux, et inactif face à cette situation dramatique que vit la Syrie. On peut être dérangé par le fait qu’il utilise la souffrance des Syriens pour en faire un film, alors qu’il n’est pas concerné. Un scénario écrit par des syriens aurait eu plus de pertinence. Et de fait, lors de certaines scènes (notamment une scène entre Halima et Karim), on se demande si c’est l’homme occidental ou l’homme de cinéma qui parle… Hormis cet aspect, Une famille syrienne reste un film à voir, très dur, mais beau, et important. Encore une fois, on constate que les personnes les plus fortes sont les femmes. Elles restent debout et n’abandonnent rien, ni personne. Même quand elles ne participent pas au combat à proprement parler, elles sont victimes de cette guerre, leurs corps sont malheureusement un champ de bataille.
Pour des raisons évidentes de sécurité et de structures manquantes, le film n’a pas été tourné à Damas, mais à Beyrouth, car le réalisateur voulait « garder une proximité socio-culturelle » avec la Syrie, créer un pont avec son sujet.
P. Van Leeuw a écrit le rôle de Oum Yazan en pensant à Hiam Abbas, comme une évidence. Elle a accepté le rôle de la même façon, alors que le budget n’était pas encore bouclé. Le scénario tente vraiment de se rapprocher le plus de l’humain, de ce que vivent les gens pris au piège dans leur immeuble bombardé. Ce film contre balance la manière dont les informations liées à la Syrie sont transmises dans les médias. On déshumanise bien souvent les victimes de cette guerre, celles tuées par les bombardements, comme les migrants qui traversent la méditerranée.
Nous ne pouvons pas finir sans revenir un instant sur le personnage du grand-père, qui semble avoir abandonné tout espoir. Il contemple le champ de ruines qu’est devenu son pays, sans comprendre ce qui s’est passé. Néanmoins, à la vue de son petit fils, il retrouve le sourire, reprend vie. La relation entre eux deux est une vraie bouffée d’air frais dans cet enfermement.
Ne traînez pas trop à aller voir Une famille syrienne, on ne sait pas combien de temps ce genre de film va rester en salles.