Get out de Jordan Peel
Chris et Rose forment le couple New Yorkais parfait, tout comme leur amour. Elle est blanche, il est noir, mais ce n’est qu’un détail pour eux. Sauf que Rose a invité Chris chez ses parents pour un weekend, pour le présenter officiellement, et ça, ça n’est jamais anodin, même s’ils sont une famille d’intellectuels, se disent ultra libéraux, et qu’ils ont voté pour Obama 2 fois. C’est limite trop beau pour être vrai. Une fois sur place, Chris va constater des événements de plus en plus étranges, et se sentir vraiment mal à l’aise. Bien sûr, le danger ne sera pas bien loin…
Première réalisation de Jordan Peel, du duo comique « Key & Peel« , Get out est avant tout un film d’horreur. Et comme souvent dans ce genre, rien n’est vraiment comme on veut bien nous le montrer au départ. D’une rencontre anodine avec la belle famille, Jordan Peel réussit le pari d’en faire un vrai thriller d’horreur sur fond de racisme ordinaire.
Et pour une fois, ce qui fait peur au cinéma, ce n’est pas la figure de l’homme noir violent, mais l’inverse. La peur, le danger viennent des blancs. Idée de génie du réalisateur, qui réussit une allégorie de ce qu’est la vie, l’isolement d’une minorité dans un milieu majoritairement blanc, et faussement amical. Le noir, au contraire est celui qui a peur. Et de quoi a peur un jeune homme noir ?
La scène d’ouverture est tout simplement la meilleure réponse qui soit, elle peut paraître anodine pour certains, mais les concernés comprennent d’emblée le danger. Un voisinage de banlieue américaine, calme, des maisons et rues identiques, on voit un jeune homme noir, seul, perdu, plaisantant au téléphone, et une voiture qui le suit et qui s’arrête. Si vous avez ressenti une angoisse dès le début du film, alors vous êtes au courant de ce danger qui peut s’abattre sur un homme noir (ou même racisé). Dans les média, on ne parle jamais de cette peur là, mais plutôt de la peur infondée, en face, celle qui provoque le drame.
Un jeune homme noir a peur du racisme, de la suprématie blanche qui peut s’abattre sur lui de manière arbitraire, indépendamment de ce qu’il fait, de la violence qu’il subit et qu’on veut lui faire porter. Oui, dans Get Out, tout comme certaines situations dans la vie des noirs, les monstres sont ceux qui sont blancs comme neige, ceux qui n’ont jamais à se justifier de qui ils sont.
Une famille blanche peut elle accepter sans arrière pensée et sans condition, un beau fils noir ? Un(e) noir(e) (voir racisée) peut-il/elle lui/elle-même dans un environnement majoritairement blanc sans être en danger, ou se perdre ? Au delà de la situation extraordinaire contée dans le scénario, Get out raconte assez subtilement la difficulté d’évoluer dans un milieu qui ne nous comprend pas, ne nous accepte pas tels que nous sommes, mais qui veut malgré tout qu’on leur appartienne. C’est là que ce film réussit quelque chose d’assez inédit dans le cinéma. La vraie angoisse est là. Le sentiment de ne plus nous appartenir, de disparaître au profit d’autre chose dès lors que l’on va vers un genre d’assimilation extrême pour correspondre à des fantasmes issus d’un autre milieu. Les personnages de Logan, ou Georgina en sont de parfaits exemples / allégories. Sous quelles conditions les noirs/racisés sont acceptés dans ce voisinage / cette société majoritairement blanc(he) ? Etre des pantins, des complices ou des victimes, tel est le choix proposé ?
Cinématographiquement parlant, Get out est un très bon premier film, très bien réalisé, avec des acteurs époustouflants, en particulier Daniel Kaluuya (Chris). Dès son apparition, vous avez envie de lui hurler « Get Out » !
Le réalisateur est allé au bout de son idée pertinente et forcément subversive. Il a réussi à rendre visible, à matérialiser l’horreur du racisme sous toutes ses formes, ainsi que l’appropriation du vécu, de la parole des noirs par les blancs. Et c’est magistral ! Le malaise est de plus en plus pesant, lourd, inextricable, et on se demande si l’issue sera possible, et à quel prix ?
Le point négatif serait peut-être l’humour un peu trop présent pour le propos. Vu le parcours de Jordan Peel, ce n’est pas étonnant, et même si le personnage de Rod sert de soupape d’échappement, ce mélange des genres dessert le film qui aurait eu encore plus d’impact sans ces touches d’humour parsemées tout au long de l’histoire. Du coup, la fin (sans spoiler) nous laisse justement sur notre faim. Le film aurait eu encore plus de sens en restant dans une ambiance plus sombre, mais peut-être aurait-il été beaucoup plus insoutenable.
PS : N’allez surtout pas le voir en VF. OK nous sommes des intégristes de la VO, mais surtout, encore une fois, ils sont passés à côté de la plaque avec la VF. La première phrase de la bande annonce en français est prononcée par Chris : « Tes parents savent que je suis BLACK ? »
Les personnes qui ont fait l’adaptation n’ont donc RIEN COMPRIS au propos du film…
D’ailleurs, je vous évite la bande annonce, elle en raconte trop et vous gâche le plaisir / la peur…
Get Out de Jordan Peel
en salles en France et en Belgique
J’ai adoré le film mais j’ai trouvé que son message était peut être un peu effacé justement par l’humour présent …
Ils avaient prévu une fin alternative où Chris se fait tuer par les policiers et ils ne l’ont pas choisi… pour des raisons de box-office ( http://www.konbini.com/fr/entertainment-2/jordan-peele-fin-alternative-deprimante-get-out/ )
Justement je m’attendais a cette fin, qui aurait été plus percutante, mais plus difficile a supporter..