[Portrait] Rania et ses ptits plats palestiniens

Dialna - ptits plats palestiniens

Quand on décide de parler de ceux dont on ne parle pas ailleurs, ou dont on ne parle pas comme il faut, forcément on en vient à parler de la Palestine. Chez Dialna, on a souvent essayé de vous en parler à travers ses artistes, ses films, ses livres. Aujourd’hui, on va vous en parler à travers sa cuisine ! Pour nos lectrices et lecteurs qui jeûnent en ce moment, on s’excuse d’avance pour la faim occasionnée, mais l’occasion de découvrir ces saveurs était trop belle ! En effet, on ne connait pas tant que ça la cuisine Palestinienne, et ce qu’on perçoit de ce pays c’est surtout l’histoire tragique, la guerre, malheureusement et pas la culture traditionnelle.

Et pour parler de cuisine palestinienne, on a pris rendez-vous avec Rania, blogueuse sur Les ptits plats palestiniens de Rania et maintenant traiteur qui va nous raconter ses passions, la cuisine et la Palestine.

Dialna - Les ptits plats palestiniens
©Nadialna

Bonjour Rania, quand je t’ai croisée lors d’une exposition photo liée à la Palestine, tu as dit que lorsque tu t’es lancée, il n’y avait pas d’autre blog francophone de cuisine palestinienne, c’est assez étonnant. 
Oui, c’est quelque chose que j’ai découvert au fil de mes recherches. Mais je ne pensais même pas faire ça au début.

Alors justement, reprenons, depuis le début. Tu es née en France c’est ça ?
Oui voila, je suis née et j’ai grandi à Paris, vers Montmartre. J’y ai fait mes études aussi. Et puis, lors d’un voyage en Jordanie, qui est devenue la terre de refuge de ma famille et de beaucoup de palestiniens, j’ai décidé de m’installer là-bas, au plus près de mes racines palestiniennes. Du coup, j’ai pu me reconnecter avec l’histoire de ma famille et de leur exil forcé en Jordanie.

Tu as encore de la famille en Palestine ?
Oui j’en ai encore à Jérusalem, du côté de ma mère. L’histoire des familles de mes deux parents sont très différentes. Du coté de mon père, ce sont vraiment des réfugiés de la Nakba, ils en ont été victimes et sont partis sans rien, ils ont absolument tout laissé. On m’a rapporté qu’ils sont même partis pieds nus tellement, c’était l’urgence. Et puis ils se sont retrouvés dans les camps de Zarka en Jordanie, qui est devenue la deuxième ville de Jordanie, après Amman, la capitale, en nombre d’habitants. Tandis que du coté de ma mère c’est une famille Jérusalémite très connue, et mon grand-père était un intellectuel. Il était professeur de maths et d’anglais, et voyageait dans tout le Moyen-Orient. Au moment de la Nakba, ils étaient déjà établis en Jordanie, ils y sont restés et ont décidé d’y construire leur vie, mais j’ai encore beaucoup de famille à Jérusalem. J’allais donc en Jordanie pour ma voir ma famille pendant les vacances, et puis j’y suis restée plusieurs années. C’est là aussi que j’ai appris à cuisiner, enfant. J’observais énormément mes tantes, ma grand-mère, que j’appelle les femmes de ma vie, parce que j’étais tout le temps fourrée dans leurs jupes, à chaque fois qu’elles cuisinaient.

C’est quelque chose qui t’a toujours attirée depuis toute petite ?
Oui complètement, mais je ne me suis jamais dit qu’un jour j’en ferai mon métier.

Justement, que faisais-tu comme métier ?
J’ai un parcours complètement atypique. A la base je voulais être réalisatrice et scénariste, donc j’ai fait des études de cinéma, d’arts plastique et de média communication, à Paris 8. Ça, c’est ma formation de base. C’est toujours dans un coin de ma tête, cela dit. J’espère pouvoir faire des documentaires, culinaires ou autres en Palestine. Comme je me suis mariée, je suis partie m’installer en Jordanie. Je ne pouvais pas faire grand chose, donc j’ai fait prof de français. C’était très bien, même si ça n’avait rien à voir avec mon domaine de base ! Et finalement, je suis tombée amoureuse de ce métier ! J’ai adoré l’enseignement, j’ai fait ça là-bas pendant 7 ans, et en revenant ici, je suis devenue prof d’anglais. Etant donné qu’en Jordanie, tout est bilingue, j’ai une solide formation en anglais. Donc voila, j’ai pu rebondir comme ça quand je suis rentrée en France, il y a 4 ans. J’ai arrêté l’enseignement mi-mars de cette année pour me consacrer pleinement à mon activité de traiteur.

Comment s’est passée la transition avec ton activité de blogueuse ?
En fait je ne me suis jamais dit que j’allais faire un blog. C’est arrivé assez naturellement. J’ai toujours aimé cuisiner, et comme tout le monde, quand je faisais un plat, je postais mes photos sur Facebook. Ça a été un grand succès auprès de mes amis ! Ils voulaient tous venir goûter, voire commander ! C’est là que j’ai voulu créer une page dédiée à ma cuisine, et en 24h, j’avais déjà quasiment 1000 abonnés. J’ai réalisé que c’était porteur, il y avait une vraie demande. Ça, c’était il y a quasiment 2 ans. En plus des photos de ma cuisine, j’ai commencé à raconter mes histoires. Les gens venaient de plus en plus, et me remerciaient de faire découvrir ma culture sous un autre angle, de manière positive, avec une réelle histoire qu’ils ne connaissaient absolument pas. Pour beaucoup de personnes, la Palestine, c’est juste le conflit, un peuple qui serait triste. Alors que nous sommes un peuple tellement optimiste, heureux, c’est peut-être pour ça qu’on arrive à résister malgré tout. Et on a vraiment pleins de choses à raconter. Parfois, je partage aussi des musiques, des chansons qui nous représentent, toujours dans la transmission de l’Histoire.

C’est ce qui ressort, au delà des recettes, ce que tu veux transmettre à travers ta cuisine, les cours que tu donnes, c’est vraiment l’histoire et la culture du pays, plutôt que de parler toujours du conflit?
Oui exactement ! Moi je fais de la politique autrement, pour la préservation de la mémoire palestinienne et contre l’oubli de l’héritage culinaire palestinien. On me dit souvent que je fais de la résistance d’une autre manière. Et pas plus tard que la semaine dernière une chercheuse palestinienne de l’université de San Fransisco, Rabab Abdulhadi, parlait de « political food ». Je pense que ça définit bien ce que je fais.

Justement, la cuisine tu l’utilises comme outil de transmission mais aussi comme acte de résistance, comme avec ton hashtag #LaRésistanceDansLAssiette. Explique nous ce que ça représente.
C’est essentiel, car la colonisation ne se fait pas uniquement de manière territoriale. C’est beaucoup plus insidieux que ça. C’est une colonisation culturelle, artistique, culinaire. Il y a pleins d’exemples. L’appropriation est partout, notamment en cuisine. Il y a quelques jours, j’ai vu passer un événement qui m’a énervée. Il y a un restaurateur Israélien, installé en Australie, qui s’appelle Jude Cohen et qui me suit sur Instagram. Je découvre dans ses publications qu’il organise un événement « Shabbat” avec les plats que nous faisons. Il parle de cuisine Israélienne, qui est transmise de père en fils. Il faut savoir que son père est là depuis le début de la Nakba, c’est un de ses pionniers. Il a tout de suite ouvert un restaurant en faisant du hommous, du falafel, etc .. Ce qui m’a énervée, c’est que Buzzfeed ait fait un article sur lui, en racontant son histoire de transmission de père en fils. Et ça normalise la colonisation, ça la légitime. Jude Cohen se fait de l’argent sur notre cuisine, il la revendique comme Israélienne, mais en plus de ça, il fait des soirées où les recettes sont reversées aux installations de colons, voire même où il invite des personnalités, qu’il qualifie de “héros” de Israël, comme des soldats ayant participé à l’opération « Bordure protectrice » de 2014, à Gaza. On sait très bien que cette opération était une des plus terribles et catastrophiques que nous ayons vécu ces dernières années en Palestine. Considérer ce type comme un héros, alors que plus de 2500 palestiniens sont morts pendant cette opération, ça m’a dégoûtée. Se servir de la cuisine pour ce genre de propagande est odieux. C’est une vraie appropriation culturelle.
Un autre exemple est l
a fameuse robe de la ministre de la culture Israélienne à Cannes, c’est un plagiat d’un modèle de deux créateurs palestiniens de 2009, Hamada Atallah et Maro Sandrouni. Le motif représentait aussi Jérusalem mais avec un autre dessin (à découvrir ici).

Dialna - Les ptits plats palestiniens
Tu connais le livre et projet “The Gaza kitchen« , dont on avait parlé sur Dialna ? L’auteure Laila El-Haddad expliquait que son livre était aussi un acte de résistance, pour faire connaitre Gaza autrement que par le conflit, par sa cuisine. Elle voulait aussi montrer que malgré les conditions difficiles, l’embargo etc, ces femmes résistent aussi en continuant à cuisiner pour leurs familles. C’est la même démarche pour toi ?
Tout a fait, Il y a des groupes de femmes à Gaza qui se forment pour cuisiner à la maison et s’entraider. Certaines disent qu’elles cuisinent des plats que certaines palestiniennes ne cuisinent elles-mêmes plus, par manque de temps, de patience, de connaissances. Le mode de vie change et certaines traditions se perdent. Et ces femmes perpétuent cela via la préparation, via la vente.. Et elles ont du succès. Elles revendiquent aussi ça bien sûr comme un acte de résistance.

On parlait du fait que tu avais le premier blog en français.  Tes homologues anglophones sont plus nombreuses, non ?
Oui tout à fait ! .Quand j’ai voulu commencer je n’avais rien trouvé en français ! Alors qu’ailleurs tu en as beaucoup en anglais. Tu as Joudie Kalla qui est très connue en Angleterre par exemple, elle est suivie par plus de 50 000 followers sur Instagram, Ensuite, il y a Dima Sharif qui est établie entre les Etats-Unis et Dubaï qui est très suivie aussi. En Italie, il y a Fidaa Abuhamdiya qui a fait une chaîne Youtube “Pop Palestine” (en italien et en anglais).
Je suis Française, donc j’ai vraiment voulu le faire en français, ça ne m’intéresse pas de toucher un public anglophone. Je suis malgré tout beaucoup suivie à l’étranger, aux USA, en Palestine, Israël, et ça me fait vraiment plaisir. J’ai reçu un message de Palestine qui me remerciait parce qu’il retrouvait vraiment les plats de chez nous via mon blog !

Dialna - Les ptits plats palestiniens
©Nadialna

C’est parce que la diaspora Palestinienne est moins importante en France qu’il n’y a pas plus de blog en français ?
Exactement, elle est très limitée en France par rapport aux USA ou en Angleterre. Forcément de part la colonisation anglaise, en Palestine, on parle plus anglais, du coup l’émigration est en priorité vers les pays anglophones. C’est aussi pour ça qu’on a une forte population libanaise en France, c’est toujours en fonction de la colonisation.
J’ai tout de même dépassé les 10 000 abonnés sur ma page Facebook, venant de partout, et c’est quand même énorme ! 

C’est le coeur du problème, pour faire connaitre ton blog, ton travail en ligne, tu as besoin des réseaux sociaux.
Oui c’est un travail en soi ! Je suis contente quand je vois cette progression ! C’est un peu plus long à venir sur Instagram, je suis presque à 1000 abonnés. Je commence à avoir une bonne communauté sur les réseaux, donc ça avance bien. Mais c’est vrai que j’aime bien Facebook, ça me donne l’opportunité d’écrire plus, d’échanger d’avantage.

A titre personnel, qu’est ce que la cuisine t’apporte ? Te sens-tu apaisée, heureuse, nostalgique ? Quelles émotions ressens tu ?
Dialna - Les ptits plats palestiniens
L’émotion je ne l’ai pas en cuisinant, je l’ai après, quand les gens goûtent et aiment ! Mais pendant que je prépare, j’ai pleins de souvenirs qui remontent. Comment ma tante préparait ci, comment ma cousine faisait cuire ça.. Il y a des gestes, un déclic, et ça me renvoie toujours à ma famille, c’est central. Par exemple, quand je cuisine le plat principal, le makloube, il y a tout un rituel autour de ce plat. C’est un plat avec différentes strates, tu as d’abord de la viande, ensuite des légumes et après tu mets le riz. Et une fois que le riz a cuit, tu retournes la casserole sur un plateau et le riz doit  tenir, ça doit faire comme une tour. Et tout le monde applaudit quand ça tient bien, il y a un vrai savoir faire ! Et quand ça ne tient pas, et que ça tombe tout de suite, on te dit « oh c’est pas grave, c’est bon quand même » ! (rires) 

C’est une cuisine familiale, tu ne conçois pas la préparer ou la manger seule ?
Non, ça se partage ! Quand je fais des buffets, je n’envoie jamais en barquette, s’ils sont plusieurs, je leur prête mon plateau, et ils mangent à même le plateau. 
Et j’ai pour habitude de toujours faire plus ! On apprend à cuisiner pour une grande famille, et on se dit toujours que quelqu’un va peut-être arriver. La cuisine, ça rythme notre journée, ce sont des rituels. En France ou dans les pays occidentaux, on mange pour se nourrir. Pour nous, ce n’est pas juste ça, c’est un art de vivre. Par exemple, on ne va pas déjeuner le matin, mais on va prendre un brunch, on va manger vers 9/10h, deux heures après que l’on se soit réveillés, et on va manger pleins de petits plats, le thé qui va avec, et puis on mange à plusieurs. Quand j’étais prof en Jordanie, on prenait souvent le petit déjeuner ensemble, et chacune ramenait quelque chose. C’était toujours convivial.

Tu me parlais tout a l’heure des événement militants, et tu disais ne pas avoir cette fibre militante, comment  tu vis la question palestinienne en France, tu as l’impression que c’est tabou? 
J’en parle assez librement, j’ai toujours milité finalement, mais à ma manière. La cuisine, c’est mon engagement, ma résistance à moi, une façon de lutter contre l’oubli, et perpétuer la mémoire. Quand tu vas en Palestine, la seule chose que les Palestiniens te demandent, c’est de rapporter ce que tu as vu. Ce qui compte, c’est de transmettre leur témoignages, leur vécu. Ils utilisent tous les moyens maintenant, oral, écrit, vidéo, d’ailleurs ils sont à fond sur les réseaux sociaux, c’est une arme en plus pour eux. Le mot « militant », je l’ai découvert en France, je savais même pas que j’étais militante, on me l’a accolé comme ça, vu mes activités. Pour moi c’était juste naturel. J’ai passé mon bac, option audiovisuel, et pour cette épreuve, j’ai fait un mini documentaire sur l’intifada. A ce moment là, il y avait une exposition à ce sujet à la Fnac, alors je suis partie interviewer des gens. Je ne me suis jamais dit que j’allais faire un documentaire pour militer, ça me paraissait juste important de le faire. Et je ne me suis jamais posé la question de savoir si c’était conflictuel ou pas, sensible ou pas. Je n’ai pas réfléchi à ça, je l’ai fait, et j’ai eu 20/20! Ça a percuté. Quand j’étais a la fac, j’ai intégré une association qui s’appelait « collectif Palestine paris 8 », j’étais super impliquée, le plus naturellement du monde. Je suis revenue en France un an avant Gaza 2014, et après j’étais plongée dans les manifs, tout ce que j’ai pu faire, je le faisais, je dénonçais. J’ai aussi un blog où j’écris qui s’appelle “Quand Rania cause” et là j’écris des textes, et une page Facebook “chroniques d’une palestinienne de France” où je m’exprime souvent sur ces sujets. J’ai commencé par l’écriture avant même la cuisine. L’écriture m’a toujours portée, je voulais être scénariste, j’ai toujours aimé écrire des histoires. Maintenant, je milite toujours autant, à ma manière. Si je participe à certains événements liés à la Palestine, c’est surtout pour parler d’eux. Et je suis contente, maintenant les organisateurs ont le réflexe de m’appeler pour cuisiner. Avant ils faisaient des couscous, maintenant au moins ils pensent à appeler quelqu’un qui fait vraiment de la cuisine palestinienne, c’est génial ! C’est toujours l’occasion de parler de la Palestine, voila comment on résiste aussi.

A part la cuisine, qu’aimerais tu mettre en avant de la culture Palestinienne ?
Le génie palestinien. En toute modestie ! Quel que soit le domaine. On se dit toujours qu’on n’a plus de terre, mais on a notre cerveau. Si tu vas aux USA, les plus grands chercheurs et médecins sont palestiniens. En Jordanie, les saoudiens viennent s’y faire soigner car la plupart des médecins sont palestiniens, et sont réputés. Les Palestiniens sont vraiment des gens géniaux au sens premier du terme. Ils excellent dans les arts, ils excellent au cinéma, il faut d’ailleurs aller au festival ciné-palestine qui commence cette semaine (NDLR : Nous allons en parler dès samedi).Et puis, il y a le génie des gens lambda là-bas, à toujours se débrouiller, à toujours trouver des solutions, malgré tout. Ils ne se complaisent pas. C’est un peuple qui reste heureux, qui fait la fête malgré tout, qui sait dépasser toutes ses souffrances, et son histoire. Le peuple palestinien, peu importe où il se trouve, se définira toujours comme palestinien. Moi je fais partie de la 2ème génération en France, mes enfants, la 3ème. On dira toujours « je suis palestinien », parce que pour nous c’est vital. Et j’espère que mes petits enfants, mes arrières petits enfants le diront encore. C’est le moyen de faire vivre ce pays. De toute manière, même si j’y vais avec mes papiers français, pour lsraël, je reste palestinienne, donc pour eux je représente toujours un danger. Que je le veuille oui non, je suis palestinienne. J’apprécie mon coté français, je ne le renie pas. Mais c’est vrai que je me sens plus que jamais palestinienne. Et c’est limite un devoir de le revendiquer haut et fort pour moi, c’est vital. En tout cas, je ne peux pas faire autrement, je n’y arrive pas !

En tant que femme, as tu un mot à dire sur la condition des femmes en Palestine ? Comment vois tu la situation ?
Je crois que les femmes palestiniennes sont les femmes les plus libres au monde. Mais vraiment, en toute objectivité, et c’est vraiment mal connaitre ce peuple que de croire le contraire. C’est pour ça que je n’étais pas du tout fan du film sorti récemment « Je danserai si je veux”. Pour avoir côtoyé des femmes de toutes les classes sociales, je n’ai jamais vu ça de ma vie. Elles sont libres de penser, elles sont libres avec leurs maris, et puis en plus c’est une fausse question à se poser. Avant de parler de la condition de la femme, réglons d’abord le conflit Israélien et on se permettra ensuite de juger ou non la condition de la femme en Palestine.

Tu penses que ça doit passer après ? On ne peut pas régler les deux en même temps ? N’est ce pas une erreur de mettre ça de côté ?
La question du féminisme est une question universelle en fait, elle n’est pas propre à la Palestine, c’est en ça que je te dis que ce n’est pas une question essentielle, parce que toutes les femmes arabes en tout cas dans la région du Mashrek, ce sont des femmes très libres. Même si elles sont dans la religion, la religion pour moi n’est absolument pas synonyme d’oppression. C’est une question sociétale, même en France, elle est loin d’être réglée. En Palestine, les familles font tout pour que les filles aillent le plus loin dans leurs études. Ils se sacrifient pour cela. Ce sont leurs armes. S’ils doivent choisir entre leur fils et leur fille, s’ils n’ont pas les moyens, ils choisiront d’envoyer leur fille faire des études et c’est vraiment essentiel. Pauvre ou pas, ils trouveront toujours un moyen de les envoyer à l’université. Elles sont essentielles dans la résistance palestinienne. L’une des plus connues c’est Leila Khaled, un symbole de la lutte féminine palestinienne, Il y a aussi Khalida Jarrar, députée palestinienne emprisonnée. Dans la famille Tamimi on voit que ce sont les filles, les femmes de la famille qui sont vraiment  dans la résistance, qui vont au front, dans les manifs, qui font des vidéos pour dénoncer, qui font presque un travail de journaliste pour nous informer. Les femmes aussi font de la procréation à distance, elles arrivent à trouver un moyen de faire des enfants avec leurs maris emprisonnés pour de longues peines, c’est un réel combat. Pour moi dans la résistance, les femmes sont à égalité avec les hommes.

On va revenir a la cuisine, mais de manière plus légère .. Ton plat palestinien préféré ? Celui dont tu ne peux pas te passer ?
Dialna - Les ptits plats palestiniensOh la la j’en ai tellement ! Disons que celui que j’ai mis le plus en valeur sur mon site ou ma page en général, c’est le makloube. Par rapport à tout ce rituel en famille, et il y a pleins de vidéos que tu peux voir de la diaspora, où ils sont fiers de montrer ce moment. J’adore les feuilles de vigne avec les courgettes farcies. Ça s’appelle koussa mahchi et dawali. On les fait ensemble. Et ça c’est vraiment quelque chose de spécial pour moi parce que pendant longtemps, on n’en trouvait pas en France. Ma mère ne cuisinait pas beaucoup, et du coup, quand on allait en Jordanie, on revenait toujours avec une marmite énorme remplie ! On revenait avec des courgettes farcies et des feuilles de vigne dans nos valises ! (rires) Et ça sentait ! C’est un plat très long à faire, rouler feuille par feuille, ça prend du temps. Et comme beaucoup de nos plats, ça se fait à plusieurs, on ne s’isole jamais pour cuisiner ! On est toujours au minimum 2, 3 et on se raconte nos vies pendant qu’on roule nos feuilles de vignes. Je suis déjà quelqu’un d’hyper sociable, j’adore la famille, j’adore les gens, et vraiment cette convivialité elle est très importante ! Quand je donne des cours de cuisine, c’est familial aussi. J’accueille les gens chez moi, pieds nus. Si vous voulez retirer vos chaussures allez y, mettez vous à l’aise. Et les gens me disent « c’est super on a l’impression de te connaitre depuis toujours » ! On prend le thé, le café, on se raconte nos vies. C’est une vraie rencontre, un vrai échange ! C’est ce que j’adore dans mes cours, je retrouve ces ambiances, ça me fait du bien. On a le partage des connaissances, et je suis fière de perpétuer mes traditions. C’est le but premier ! Je dis toujours aux gens, écoutez ça commence à 14h mais ça risque d’être long ! (rires) Ça dure minimum jusqu’à 18h ! Je suis heureuse de pouvoir en vivre, mais voir le retour des gens, leurs messages c’est génial.
La cuisine palestinienne est hyper variée. Même si on retrouve souvent du riz, on a une large palette, il y a beaucoup de recettes végétariennes par exemple, et même dans les plats avec de la viande, on aura toujours des légumes, très différents aussi. On ne s’ennuie pas !

En dehors de la cuisine palestinienne, quelle autre cuisine apprécies tu ? Un plat en particulier ?
Des choses qui n’ont rien à voir. J’adore la cuisine japonaise. Bizarrement, je connais très peu la cuisine française, parce que je cuisine beaucoup et je fais très peu confiance aux restaurants ! J’aime bien la cuisine indienne. J’aime bien ce qui est relevé et bien rempli ! (rires). Il n’y a pas si longtemps, j’étais à Albertville pour des événements où j’ai cuisiné, j’étais invitée par des gens sur place qui m’ont fait découvrir leurs spécialités : la fondue, la raclette, ce genre de choses. Je n’ai pas trouvé que le registre était très large, en tout cas, dans cette région !

Du coup, tu connais des restaurants palestiniens à Paris ou en IDF ?
Justement non ! Il y en avait un il y a quelques années dans le 9ème arrondissement, mais qui ne se revendiquait pas comme Palestinien. C’est vrai que par rapport à ce qu’on disait plus tôt, ça reste quand même compliqué d’assumer sa Palestinité. J’ai même reçu des menaces sur ma page en me disant que j’étais une menteuse, que je faisais en fait de la cuisine Yeménite. C’est hyper sensible, même si ce n’est que de la cuisine. On est dans le déni de ma propre culture ! C’est pour ça que je me limite à la cuisine, mais je dénonce subtilement. Et je joue beaucoup avec l’humour pour faire passer mes messages.

Dialna - Les ptits plats palestiniensTes coups de coeur du moment ?
Mon gros coup de coeur c’est vraiment les gens du festival Ciné-Palestine. Ce  sont des bénévoles qui font ça depuis 3 ans, qui prennent des dizaines et des dizaines d’heures en réunion etc, pour faire découvrir la Palestine, via le cinéma, qui donnent l’opportunité à des artistes de venir ici s’exprimer. Ils font ça vraiment par passion. J’ai participé à l’organisation au début, et cette année je m’occupe de la partie traiteur. Et eux, ce sont vraiment des gens que je ne pourrais jamais abandonner. C’est un projet magnifique et ils ne sont subventionnés par personne, ce n’est que du crowdfunding, ils ont envie d’aider. Ils ont commencé avec très peu de moyens et ont toujours réussi à faire des choses formidables malgré ça. L’année dernière ils ont eu Ken Loach et Costa Gavras comme parrains ! 

Vous pouvez retrouver Rania sur son blog : Les ptits plat palestiniens de Rania, où vous pouvez vous inscrire pour des cours, ainsi que sur sa page FACEBOOK. A noter qu’elle organise deux repas de Ftour pendant le ramadan : les 10 et 23 Juins, à St Denis, les détails sont disponibles sur facebook. Pour les fanas d’INSTAGRAM, vous pouvez également l’y retrouver : ici.

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1 commentaire

  1. […] et surtout pour faire le pleins de bons films palestiniens ! Pour finir de vous convaincre, Rania que nous interviewions jeudi dernier y sera présente et aura préparé ses ptits plats […]

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