[Portrait] Nasreen Mohamedi, l’artiste indienne qui révolutionne l’orthodoxe artistique de son temps

Dialna - Nasreen Mohamedi

Nasreen Mohamedi était une peintre, dessinatrice et photographe indienne connue principalement pour ses dessins linéaires mais aussi ses collages abstraits. Aujourd’hui, elle est considérée comme l’une des artistes modernes les plus importantes en Inde.

Le travail de Nasreen Mohamedi est salué depuis plusieurs années par la critique du monde entier comme la spécialiste d’art Geeta Kapur. Alors même qu’elle est très peu connue dans son pays, l’artiste jouit déjà d’une grande renommée dans les sphères de l’art à l’international. Son travail a déjà été exposé au musée d’art moderne (MoMA) à New York, au musée d’art Kiran Nadar à New Delhi, et à la galerie Talwar à New York, qui a organisé la première exposition personnelle de son travail en dehors de l’Inde en 2003. De fait, Nasreen Mohamedi est aujourd’hui considérée comme l’une des figures majeures de l’art du XXe siècle.

Dialna - Nasreen Mohamedi
Untitled
(DR)

Nasreen Mohamedi est originaire de Karachi. Elle étudie à Londres, au St Martin’s School of Art de1954 à 1957. Puis, elle va travailler dans un atelier d’imprimerie à Paris. Elle voyage beaucoup, notamment à Tokyo, ainsi qu’au Moyen-Orient et en Afrique, où elle photographie l’architecture musulmane et les déserts. L’influence de son pays natal et de ses origines la poursuit toutefois dans sa pratique artistique.

Durant les années 1960 les premiers travaux de l’artiste voient le jour. Elle débute en travaillant l’aquarelle et la peinture à huile. Ils sont principalement inspirés de la nature, et sont colorés. A cette époque elle commence déjà à mélanger l’huile et l’encre, apportant ainsi une nouveauté pour les normes de l’époque. Elle joue aussi sur les tonalités avec un mouvement libre et spontané qui rappelle les calligraphies chinoise et japonaise.

Dialna - Nasreen Mohamedi
Nasreen Mohamedi, Untitled, 1970, tirage argentique, The Metropolitan Museum of Art.

Mais elle ressent très vite le besoin de simplifier son art et elle écrit d’ailleurs un poème pour le décrire :

Un petit point, un grain de sable

Un point,

Tout se rejoint,

Un tout.

Dialna - Nasreen Mohamedi
Untitled, Nasreen Mohamedi, 1970
(DR)

Dès 1971 elle enseigne à la Maharaja Sayajirao University de Baroda, aujourd’hui Vadodara. Cette période marque une rupture dans son art qui perd toute trace de figuration. Elle concentre son travail sur l’espace et la ligne dans des compositions en noir et blanc en utilisant l’encre et le crayon. Ces dessins sont construits avec des lignes diagonales suspendues, des triangles et des sphères. Ces derniers rappellent les travaux de Kazimir Malevich, qu’elle admirait beaucoup.

Son enseignement à l’Université de Baroda casse les codes en vigueur. Elle propose à ses étudiants de sortir observer la nature et ses détails de plus près pour dépasser l’imitation. C’est aussi à cette période qu’elle travaille aux côtés de nombreux artistes et commence à développer son abstraction en produisant des dessins géométriques à petite échelle.

Mohamedi connaissait et communiquait avec les artistes les plus en vue en Inde notamment dans les années 1960-1970. Elle a été notamment très proche de Gaitonde, grande artiste abstraite indienne du XXème siècle, mais aussi de Tyeb Mehta, peintre très apprécié et membre du groupe d’artistes de Bombay. Ces deux grands artistes vont même être

L’artiste s’est très vite séparée de ses pairs et de la pratique traditionnelle de la peinture figurative dans l’Inde post-indépendance. Elle met l’accent sur les gestes linéaires minimaux pour créer des structures imaginaires qui illustrent son désir. Elle l’explique elle même dans ses journaux : « [je voulais] briser le cycle de la vision pour que la magie et la reconnaissance arrivent. » Par ailleurs elle s’inspire énormément du Bouddhisme et du Soufisme avec comme idée : « avoir le maximum du minimum. »

Son travail se nourrit de références variées, allant des mathématiques, mystiques avec des médiums simples, ou métaphysiques, à la musique classique indienne ou à l’art islamique, mais aussi de ses expériences du quotidien. Sa rigueur et son autodiscipline la mènent à rechercher une approche subjective et immatérielle.

Beaucoup de critiques d’arts la comparent à des artistes américaines comme Agnes Martin ou encore Carl Andre, mais le travail de Mohamedi est unique par sa simplicité mais surtout par le fruit de sa personnalité, son processus de création et ses valeurs esthétiques distinctives. L’artiste contribue grandement au modernisme qui élargit les frontières de l’histoire de l’art occidental et offre l’occasion de repenser le sens de l’art abstrait.

Nasreen Mohamedi est une révolution féminine dans l’art indien, grâce à sa recherche de modernité et de simplicité. Elle a continué à s’inspirer de ses origines donnant une nouvelle perceptive à l’art indien. Elle a été exposée au musée Tate de Londres, au MET de New-York, ou encore à l’Institut of Arab and Islamic Art à New-York.

Elle décède à 53 ans de la maladie de Huntington. Ses proches racontent que jusqu’à son dernier souffle, elle continua son art malgré les tremblements que lui causait ses tumeurs.

 

Julie Tezkratt

 

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