[Portrait] La danse, célébration ultime d’une identité nord-africaine

Ari de B et Esraa Warda sont deux danseuses d’origine nord-africaine, algérienne plus particulièrement. Et bien que différentes l’une de l’autre, leurs danses célèbrent leur identité, entre l’intime et le public. Focus sur leur art si émouvant.

Voir Ari de B aka Habibitch et Esraa Warda danser ensemble, bougeant simultanément sur les rythmes d’Afrique du Nord est juste un enchantement. Le temps d’une danse entre elles deux, ces reines nord-africaines aident énormément à la reconstruction de notre estime de nous. Par la danse, elles nous incitent à résister face à l’oppresseur, à explorer nos identités et notre « matrimoine » culturel.

 

 

« Depuis que le monde est monde, les gens ont dansé pour un certain nombre de raisons. Ils ont dansé dans la prière ou pour l’arrivée de la pluie. Les gens ont dansé pour se libérer du mal. Dans tout les peuples du monde, les humains ont dansé pour renforcé un esprit communautaire. » Cette citation clamée par Kevin Bacon dans le film Footlose résonne d’autant plus dans nos cœurs. Ce film est loin d’être un chef d’oeuvre on est d’accord mais ce monologue décrit bien l’aspect chamanique de la danse, chamane comme ces deux artistes….

Présentation 

Esraa Warda est algérienne et vit à New York. Elles est experte en danse nord africaine. Son travail consiste vraiment à retrouver et célébrer toute une culture. Elle fracasse le cliché de la danse orientale qui voudrait qu’elle soit une énième version des danses du Moyen Orient. Elle est capable de danser sur les rythmes Kabyles, Chaoui ou Chaâbi et de vous raconter l’histoire de chacune de ces danses. Transmettre des pas que l’on ne doit pas oublier, Warda symbolise à elle seule la formule « Pour nous et par nous » qui nous est chère.

Dialna - danse
Esraa Warda ©Hassan Hajjaj (DR)

Franco-Algérienne, Ari de B pratique le voguing et le waacking pour défendre les personnes queer racisées. Elle fédère un esprit de joie et de solidarité auprès de cette communauté, maltraitée et ignorée pendant des années. Elle arrive sur le dancefloor avec toute sa flamboyance pour une explosion de gestes rapides, comme si elle boxait une société sclérosée qui ne veut pas évoluer. Ari de B est là pour péter les privilèges et ne ménager la susceptibilité de personne !

Ces deux artistes hors du commun vont marquer l’histoire de la danse, en cette période décoloniale et féministe que nous vivons actuellement. Bien plus que des danseuses, elles agissent  comme des chamanes auprès de toutes une communauté de femmes racisées.  Le mot chamane est fort, j’en suis consciente, et d’ailleurs quand on pose la question à Esraa Warda, elle répond : « Non le titre de chamane est très fort, c’est un.e leader spirituel.le. Pourquoi, toi, Nora, me considères tu comme chamane »? 

En vérité, il y a plusieurs raisons à cela. Les danseuses nous apportent tant de bienfaits.

Guerisseuses

Quand Warda et Ari de B dansent, on a l’impression qu’elles entament un processus de guérison. Elles sont habitées par les sons, leurs visages changent, elles sont investies par une mission de représenter les corps des femmes nord africaines. Ce corps qui a été mal traité par la colonisation, exploité et envahi comme les terres d’Afrique.

Wardaa voyage dans le temps quand elle danse sur les rythmes Kabyles, Chaoui ou Chleuh. Son corps fait corps avec les sons, il devient un cyclone, un tourbillon d’air qui se déplace rapidement sur scène. Elle se reconnecte à ses ancêtres, entame une réelle discussion avec le passé. Il se produit quelque chose qui dépasse la logique. Quand Warda danse, elle se réapproprie sa culture, elle défend les femmes nord africaines qui ont été, moquées pour leurs costumes, leurs langues et humiliées dans leur chair.

Ari de B est une « story-telleuse ».  Elle entame le processus de guerison en racontant des histoires, comme dans ses stories Insta, où notamment, elle raconte la guerre que sa grand mère a vécue en Algérie. Avec le waaking, et le voguing, elle écrit son histoire. Ari de B ne se contente pas de danser, elle vit son histoire, elle devient sa grand mère qui subit ce drame qu’est l’invasion française sur ses terres, on sent le napalm dans l’air, on vit la peur d’être envahi et la rage de perdre un enfant. Ari de B est une interprète hors pair et cette flamboyance queerness l’accompagne à chacun de ses pas.

Dialna - Danse
Ari de B (DR)

Toutes les deux nous encouragent à travers leurs danses, à nous accepter, à explorer notre monde, à casser cette haine de nous même que cette société patriarcal raciste et sexiste nous a imposée.

Dansez, reconnectez vous à vos ancêtres et votre corps. Célébrez la vie et la vie vous célébrera.

 

Initiation

Warda et Ari de B sont de réelles initiatrices, en plus d’être des expertes dans leur domaine. Elles connaissent  les bases, l’histoire, la culture de la danse ! Il y a beaucoup de profondeur dans leurs façon de l’aborder. Si on veut apprendre et comprendre leurs mouvements, Warda et Ari de B sont les personnes à aller voir sur scène.

Warda donne des worskshops partout dans le monde et danse dans les salles de spectacles, pour comprendre l’histoire et la géographie derrière chaque danse nord africaine.

Ari de B donne des conférences dansées, ainsi, elle utilise son art pour décoloniser les esprits.

La connexion à l’esprit

Quelque choses touche le sacré dans la danse. Celle de Wardaa  est terrienne, quand ses pieds tapent le sol c’est toute une vibration qui touche l’audience. On sent qu’elle puise toute son énergie dans la terre pour la diffuser autour d’elle.

Alors que Ari de B elle fait appel au ciel, ses bras ne cessent de bouger au dessus de sa tête, elle créée une aura électrique avec ses mouvements hypnotiques.

Warda et Ari de B dansent pour célébrer la vie et nous aident, par la même occasion, à nous réapproprier une culture, des corps et une joie de vivre, parties intégrantes de notre ADN. « Nachate », comme on dirait de l’autre côté de la Méditerranée. Ce mot est intraduisible, il pourrait exprimer l’extrême joie de vivre. Merci à vous deux d’impulser de la dignité et de la joie dans nos vies.

 

 

 

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