[Portrait] Hassan Jarfi

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“ Le matin du 21 avril, je me trouve dans le salon quand le téléphone sonne. C’est Ihsane. “Allo Ba ça va ? Maman est là ? Tu peux me la passer ?” Il lui souhaite un bon anniversaire. » Le 1er mai 2012, le corps sans vie d’Ihsane Jarfi est retrouvé dans un champs. Ce Liégeois de 32 ans a été tabassé à mort parce qu’il était gay.“   extrait d’Ihsane Jarfi: le couloir du deuil Format
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J’ai eu la chance de rencontrer l’auteur de ce livre Hassan Jarfi, père de feu Ihsane Jarfi. Quel homme, quel bonté, quel résilience… Perdre son enfant est la pire chose qui puissent arriver à un être humain. Et pourtant, cet homme a décidé de transformer le négatif en positif, en créant une fondation au nom de son fils contre l’homophobie. C’est la bagarre quotidienne de ce papa blessé, il rassemble de l’argent et le distribue aux associations LGBT de Belgique.

Je lui pose la question : « à votre avis pourquoi, les gens sont homophobes ? » Il me répond directement et fermement : « Parce qu’ils sont misogynes, tout ce qui est féminin est vue comme faible et donc on veut écraser cette « faiblesse », tout vient de là ! Un garçon qui a une voix, des gestes, ou une démarche féminines sera rabaissé par cette société patriarcale ! On veut éliminer le féminin qui est en chaque homme . »

Je souligne d’ailleurs que le prénom Ihsane est plutôt porté par les femmes, en me souriant, il m’explique pourquoi ce choix : « Je voulais l’appeler Ismaël mais c’était un sacrifié, ensuite Ihsane m’est apparu comme une évidence puisque cela veut dire la perfection en Arabe. Pour les musulmans le prénom, est une adresse psychologique, son prénom Ihsane c’était sa destiné, il y avait du féminin chez mon fils et il incarnait la perfection par sa beauté et sa bonté. D’ailleurs le genre ne veut rien dire, on peut être dans un corps de femme et avoir l’esprit d’un homme et vice/versa, je serais pour que l’on retire le sexe dans les passeports et pièces d’identité »

Ce sage Hassane Jarfi est né au Maroc, de parents Berbère (on a d’ailleurs les mêmes gout musicaux : Haj M’bark Aissar). Il est venu en Europe dans les années 70 pour étudier, et il a aussi obtenu en France un DEA en Sciences Islamiques.

Il fonde sa famille avec son épouse belge et devient un homme de religion ultra respecté dans la ville de Liège, son discours sur le respect de l’être humain est très écouté, il a une véritable influence sur la communauté musulmane locale. Père et grand père d’une famille belgo/marocaine, il coule des jours tranquilles dans le royaume belge, jusqu’au jour du 21 avril 2012, où son fils Ishane Jarfi se fait kidnapper et tabasser à mort à la sortie d’une boite de nuit, par 4 personnes homophobes… Comme ça, sans raison, une violence gratuite, innommable, dégueulasse…

Je ne vous cache pas que j’ai eu du mal à contrôler mes larmes lors de cet entretien, mais Hassan Jarfi est au dessus de la violence, au dessus de la bêtise, au dessus de la haine… Il pardonne aux agresseurs, car c’est nécessaire pour avancer dans la vie. Il doit rassembler de l’argent pour aider les associations LGBT avec le directeur général Pascal Cavelier de la fondation Ihsane Jarfi, qui fait un travail remarquable au quotidien. Leurs champs d’actions sont variés :

  • La Culture comme vecteur de lutte contre l’intolérance
  • L’Interculturalité comme mise en dialogue des univers de représentation
  • La Jeunesse comme espoir dans l’avenir
  • Le Monde du travail comme lieu sans discriminations

Je lui pose la question délicate : « Dans la communauté musulmane l’homosexualité est vu comme un tabou non ?  » Avec calme il me souligne que le jour des obsèques de son fils plus 700 musulmans sont venus prier avec lui à la mosquée et le soutenir, dans ces moments de tristesses et d’incompréhensions, il n’y a plus de tabou, juste des larmes et du recueillement… Nous prenons un café et il me regarde fixement dans les yeux : « Je vais prendre soin de moi, je vais vivre longtemps et je vous promets qu’avant la fin de ma vie, je pourrais dire 0 homophobie ! »  Cette détermination c’est son moteur au quotidien, il encourage aujourd’hui les gens à être eux même et ne pas se mentir.

Notre entretien se termine avec des sourires timides, il se moque gentiment de mon accent darija et il nous fait comprendre qu’il doit rentrer .

Dialna-hassan jarfiEn mettant sa veste avec l’écharpe de son fils, il me dit en souriant :

« Vous savez, je suis amoureux de mon lit ! quand je m’endors j’ai rendez-vous avec mon fils, il est avec moi »

Autant vous dire que là clairement je n’ai pas pu contenir mes larmes. Merci Hassan pour ce moment de grâce, d’humanité et de sensibilité. On y arrivera un jour, à un monde avec 0 islamophobie, 0 antisémitisme, 0 misogynie, 0 homophobie ! Inchallah !

Vous pouvez faire un don à la fondation : http://www.fondation-ihsane-jarfi.be/la-fondation/

Je dédie cet article à Térésa Iglésias.

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2 commentaire

  1. Bravo pour l’article, très, très touchant. Quelle rencontre extraordinaire.
    Continuez sur votre lancée Dialna!!
    Bisous,

    1. Merci pour cette super rencontre Térésa <3

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