[Portrait] Charaf Tajer : Made in Casablanca

Dialna - Charaf Tajer

À 34 ans, le styliste Charaf Tajer est en passe de devenir l’une des icônes de la mode actuelle. Sa maison « Casablanca » casse tous les codes, et permet au franco-marocain de s’imposer dans ce domaine.

Qui est Charaf Tajer ?  Un self made man, né à Paris, fils d’ouvriers marocains. Ses parents se sont connus dans un atelier de couture à Casablanca. Charaf se souvient avoir trainé dans ces ateliers, à chaque fois qu’il allait au Maroc, et de ces bouts de tissus qui tombaient au sol. La nostalgie c’est le fil rouge des créations de Charaf Tajer.

Latifa et Mohamed, les parents de Charaf viennent travailler en France comme beaucoup de nord africains. Charaf va être à l’intersection de plusieurs mondes, Casablanca, Belleville, le 16 ème arrondissement, les États-Unis et le bassin méditerranéen.

La mère de Charaf Tajer faisait du ménage dans les riches appartements du 16 ème arrondissement et il l’accompagnait parfois dans ces demeures chics haussmaniennes. Loin de son univers bellevillois il découvre un monde feutré hors du temps. Les carrés de soie Hermès, les colliers de perles, l’odeur de la laque des mises en plis des coiffures de ces dames, le choc culturel auquel il fait face va l’impacter dans ses futures créations artistiques, dans sa vision du luxe et d’une vie meilleure.

Dialna - Charaf Tajer
Charaf Tajer © Photo: Alessandro Viero

Charaf Tajer est un créateur compulsif, difficile de tracer son parcours entre sa formation en architecture et son investissement dans la boite de nuit le Pompon… Cet hyperactif sait où il va et en se lançant dans le business de la nuit ce sont de grands projets dans le monde du luxe qui s’ouvrent à lui.

Avec le Pompon, Charaf a créé un endroit  qui lui ressemble, en soignant les moindres détails, de la forme des verres à la couleur des lumières des lieux. Le Pompon devient un endroit phare de la capitale et un certain Virgil Abloh vient mixer sur place…Rien que ça !

Petit échauffement avant de se lancer dans l’univers de la mode, il co-fonde la griffe parisienne Pigalle aux côtés de son ami designer Stéphane Ashpool, dès 2008. En 2018, Charaf Tajer se lance dans une carrière en solo, et crée sa propre marque, « Casablanca »,  en hommage à la ville, au film et à ses parents, à mi-chemin entre le street-wear et le luxe absolu. En 2020, il se fait remarquer par le groupe LVMH, et est ainsi nominé parmi un petit groupe de lauréats pour un concours. Le vainqueur qui succédera ainsi à Thebe Magugu (lauréat du Prix 2019) devait remporter un soutien de 300 000 euros et bénéficier d’un mentorat d’un an de la part d’une équipe d’LVMH. Cependant, le groupe a annoncé dans un communiqué de presse qu’en raison de la pandémie de Covid-19, « la finale du prestigieux concours a été annulée. La dotation du Prix LVMH sera cette année répartie à parts égales entre les huit finalistes ».

« On vit dans un monde de beauté et de magie, on a tendance à l’oublier. C’est important pour moi d’aller chercher cette beauté et de la remettre au centre d’une mode où tout est un peu noir et gris, un peu dépressif, où on a l’impression que pour être profond il faut être triste. Je ne suis pas d’accord avec ça. » Charaf  Tajer

Sa collection de vêtement Automne/hiver 2020 est lancée sur les podiums pendant la Fashion Week à Paris. Et nous allons observer d’un peu plus près cette collection, truffée d’énigmes, de clins d’oeil et de symboles.

La coupe des vestes, tout d’abord, rend hommage à un maitre de l’architecture, Pierre Jeanneret, qui a travaillé avec Lecorbusier. Il avait un style vestimentaire bien à lui dans les années 20/30. Charaf Tajer vient aussi de l’architecture, et se fait un petit clin d’oeil rien que pour lui dans sa collection. En effet, les cols de ses vestes sont à l’identiques de celles de Pierre Jeanneret.

Dialna - Charaf Tajer
(DR)

Non seulement Charaf Tajer casse les stéréotypes de genre en faisant porter des accessoires comme des perles et des foulards à des jeunes hommes, mais il « gâte » le petit garçon qu’il était. Celui qui regardait cet autre monde du 16 ème arrondissement avec fascination, créé aujourd’hui ses propres carrés de soie, qu’il confectionne auprès d’une manufacture de Lyon et porte à son tour des colliers de perles autour du cou.

Mare Nostrum :  la ville de Casablanca n’est pas présente sur les imprimés du créateur, en revanche, le bassin méditerranéen oui ! L’effigie d’Onassis et son dalmatien sont dessinés sur ses pyjamas, les oranges sont omniprésentes sur ses t-shirt et foulards ! D’ailleurs, concernant cet agrume est-ce un clin d’oeil à son pays d’origine le Maroc ou au film le Parrain de Francis Ford Coppola ? La couleur des lacs et bords de mer pastels donnent une douceur romantique à l’ensemble de la collection.

Dialna -Charaf Tajer
Collection Casablanca (DR)

La qualité des tissus est incroyable, comme le jacquard, la soie, le coton, le cachemire toutes ces matières nobles font la force de sa collection, ces étoffes sont prêtes à être imbibés de parfum  couteux avant d’être portées. Ces tissus se marient à merveille avec l’ambiance tapissé de l’hôtel Intercontinental de Paris ou il a présenté sa collection automne-Hiver 2020, superbe écrin chargé de dorures, de moulures et de cristaux pour créer une atmosphère qui n’appartient qu’à Charaf Tajer c’est a dire entre les rues de Belleville, les pays du sud et le 16 ème arrondissement de Paris.

Les modèles masculins sont très jeunes mais viennent tous d’horizons différents. Ils sont tatoués, cheveux plaqués, plutôt minces, noirs, blancs, métisses et nonchalants. Avec un tel casting Charaf Tajer casse cette masculinité toxique et hégémonique souvent présent sur les podiums. Un des models qualifie le style de la marque Casablanca de « Grand mère gangsta », c’est exactement cela !  Charaf Tajer fait les choses très sérieusement mais ne se prend pas lui même au sérieux ! Son univers est coloré, joyeux, doux tout en étant structuré et super clinquant.

Après ce défilé hommes, le monde entier va regarder les créations de Charaf Tajer, qui a définitivement marqué son entrée avec brio dans l’univers impitoyable du luxe. Suite à la crise du COVID 19, la marque à du présenter sa collection printemps-été en ligne, avec toujours des perles et de la soie au programme, mais cette fois-ci sur fond de Havana.

Son site Internet compte près de cent points de vente à l’international. Il habille les plus grand.es de ce monde. Rien n’arrête ce jeune homme de 34 ans qui a décidé de vivre ses rêves. Le prochain chapitre va être la collection féminine, et on a hâte de voir dans quel univers il va puiser, pour habiller les femmes. Le styliste va travailler d’arrache-pied pour que la marque devienne tout aussi importante que Chanel ou Balmain ! C’est tout le mal qu’on souhaite à ce Bellevilois-Bidaoui.

 « C’est que le début, on a encore beaucoup de choses à faire. Mais on peut dire que ça commence bien. » Charaf Tajer 

Dialna -Charaf Tajer
Charaf Tajer (DR)

 

Liberian Girl by Michael Jackson
« La chanson parfaite pour commencer la journée. Imaginez la vue sur l’océan et un lever de soleil radieux apportant la lumière du matin. » Charaf Tajer.

 

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