[Livre] Naomi Alderman : Le pouvoir

Dialna - Le pouvoir

Et si les femmes détenaient un pouvoir que les hommes n’ont pas ? Et si les femmes prenaient l’ascendant dans la société sur les hommes à cause ou grâce à ce pouvoir ? Et si les femmes avaient un droit de vie ou de mort sur les hommes ? Et si les femmes devenaient le sexe fort, et les hommes le sexe faible ? Ne cherchez pas plus loin, c’est exactement le propos du dernier livre de l’auteure britannique Naomi Alderman, Le pouvoir, aux éditions Calmann-Lévy.

A travers l’histoire de quatre personnages, Le pouvoir trace cette évolution mondiale liée à la découverte de ce nouveau pouvoir féminin. Aux quatre coins du monde, ce sont d’abord les petites filles qui découvrent ce dont elles sont maintenant capables : lancer une décharge électrique par la paume de leurs mains, et infliger d’horribles douleurs, voire même la mort. Logé dans l’épaule, ce muscle qui était endormi jusque là, leur donne une nouvelle force. Les petites filles sont celles qui peuvent « réveiller » ce pouvoir auprès des femmes plus âgées. Elles commencent alors à s’entraîner pour maitriser ce pouvoir, le renforcer, voire en abuser.

Dialna - Le pouvoir
Le pouvoir de Naomi Alderman
© Nadialna

Roxy, adolescente londonienne, fille de mafieux a soif de vengeance et veut retrouver les meurtriers de sa mère. Ailie prend la fuite et devient « Mère Eve », prophétesse d’une nouvelle religion. Margot a des velléités politiques dans sa ville et va utiliser ce pouvoir pour finaliser son ascension. Et enfin Tunde, jeune nigérian qui rêve de devenir grand reporter et qui verra son rêve se réaliser en publiant les premières vidéos de femmes utilisant leur pouvoir. Ces quatre personnages sont les piliers de ce roman dystopique qui questionne les rapports de genre et surtout les rapports de pouvoir.

« La peur doit changer de camps ». Dans une ère post #MeToo, cette phrase est devenue un crédo auquel de nombreuses femmes victimes d’agressions ou non se raccrochent, surtout après avoir dénoncé ces faits. Dans Le pouvoir, la situation est littéralement renversée, et ce qui crée un contexte inédit pour explorer les questions de genre, et de domination patriarcale. Cette formule pourrait d’ailleurs presque être le sous-titre de ce roman. Cette peur, c’est celle que les hommes font subir aux femmes pour des raisons physiques. Et cette fois, les hommes la découvrent, goutent à la peur d’être au mauvais endroit, entourés de femmes, d’avoir la parole de trop face à une femme énervée.
Dans Le Pouvoir, les femmes se retrouvent dotées d’un nouvel organe, un muscle capable de provoquer des décharges électriques plus ou moins puissantes. Par une simple pulsion, elles sont désormais capable d’infliger des blessures superficielles ou mortelles à n’importe qui, et donc aux hommes. Finie la peur de se promener seule le soir, finie la peur de la violence conjugale, finie la domination des hommes dans le monde du travail. Les femmes découvrent une position de force, dominante jamais vue. Que vont-elles en faire ? Vont-elles prendre ce pouvoir pour en faire un monde égalitaire, plus juste, ou tout simplement renverser la donne et prendre les privilèges autrefois uniquement masculins pour en abuser ?

Cette dystopie féministe de la britannique Naomi Alderman rappelle forcément celle évoquée dans La servante écarlate de Margaret Atwood (avec qui elle a collaboré en 2012). Mais ici, elle propose justement le contraire de cet univers où la femme n’a plus aucun droit. Dans La servante écarlate, un régime théocrate transforme les femmes en simple épouses, domestiques, ou esclaves sexuelles, devant toutes servir les hommes. Ici, les femmes accèdent surtout à une place dominante dans la société. Église, politique, armée, business, ce pouvoir physique sur les hommes donne aux femmes la confiance nécessaire et la supériorité pour accéder au pouvoir dans tous les domaines de la société, avec les dérives qui en découlent. Le roman commence d’ailleurs par un compte à rebours, dix ans avant un changement brutal, à découvrir…

Le roman est encadré par des échanges épistolaires entre Neil, auteur masculin, qui soumet humblement à une femme, vraisemblablement sa supérieure, Naomi Alderman son roman, le Pouvoir, dans une réalité alternative, où les femmes ont déjà le pouvoir. Il émet la possibilité qu’un jour, dans le passé, les hommes aient pu tenir ce rôle…

La première partie de ce roman est assez jouissive, je dois l’admettre. Comment ce pouvoir s’étend petit à petit sur toutes les générations de femmes, les voir gagner en confiance et en puissance fait sourire en tournant les pages. Voir les hommes avoir peur, baisser les yeux, ne plus oser dire ce qu’ils pensent, et même se faire humilier par des femmes apporte une certaine satisfaction coupable que l’on n’imaginait pas, comme une revanche longtemps attendue. Oui, on prend plaisir à lire ces passages. Mais ce changement, ce renversement dans les rapports de force ne constitue pas la révolution espérée. Après cette revanche, vient l’abus de ce pouvoir, et donc de la violence envers les hommes. L’humain reste capable des pires atrocités, quel que soit le genre.

Le pouvoir est-il un roman féministe ou tout simplement misanthrope ? Je vous laisse y répondre après la lecture. Malgré quelques facilités narratives, le roman de Naomi Alderman est tout de même une expérience littéraire passionnante à entreprendre, et permet de se poser des questions plus que pertinentes. Et si pendant la lecture, vous essayez d’appuyer sur la paume de vos mains, en espérant voir jaillir des étincelles, c’est (presque) normal. Enfin je crois…

 

Le Pouvoir de Naomi Alderman

sorti aux éditions Calmann Lévy

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