[Livre] Jesmyn Ward : Le chant des revenants

Dialna - Jesmyn Ward

Pour son troisième roman, publié en 2017, l’auteure américaine Jesmyn Ward nous embarque dans un récit douloureux, en plein coeur du Mississippi. Dans Le chant des revenants, elle raconte une famille métissée, en proie aux violences racistes de la société. Un ouvrage qui a valu à l’auteure son deuxième National Award Book, l’une des distinctions littéraires les plus prestigieuses des États-Unis.

À 13 ans seulement, Jojo porte sur ses frêles épaules d’enfant le poids des responsabilités incombant à un chef de famille. C’est lui qui prend soin de sa petite sœur, Kayla. À l’âge où les adolescents passent leur temps sur leur console, Joseph donne le biberon, change les couches, chante des berceuses. Ces deux-là s’aiment d’un amour féroce, de celui que l’on porte à l’être sans qui l’on n’est rien. Son grand-père maternel lui apprend à gérer une ferme, à nourrir les animaux, à soigner sa grand-mère, même si le souffle de la vie la quitte progressivement, inexorablement. Il lui apprend la vie, enfin…surtout la survie dans ses territoires désertés par la croissance et la richesse du pays. Son Papy est la seule figure paternelle de sa vie car Michael, son père, est en prison. Et la famille blanche de Michael n’a jamais accepté que ce dernier puisse aimer une Noire et encore moins lui faire des enfants. Ses grands-parents blancs n’ont jamais accepté de le voir, ni lui ni sa petite sœur. Ils nient leurs existences qui dépassent ce qu’ils auraient pu imaginer de pires dans leurs esprits de red-necks pur jus.
Dialna - Jesmyn Ward
Le chant des revenants de Jesmyn Ward

Dans le sud des États Unis, il ne fait toujours pas bon être Noir. Et encore moins un ou une Noir.e qui ne resterait pas à sa supposée place. Le jeune oncle de Jojo l’a payé de sa vie, lui qui était la star de son équipe de football. Mais il a suffit d’un moment d’inattention, d’une humiliation perçue comme telle par un co-équipier et sa vie s’est arrêtée, son sang s’est vidé.

Après la mort de son frère, Léonie a rencontré Michael et alors qu’elle n’avait que 17 ans, elle a accouché de Jojo. Elle s’est accroché à Michael et son amour de toute son âme, ne vit et ne respire que par lui.
Dépassée par son rôle de mère, elle s’évade grâce au crack.. Accro à la drogue comme à l’amour, Léonie n’est qu’une gamine perdue qui veut de l’amour tout en étant incapable d’en donner à la chair de sa chair. Alors quand Michael l’appelle pour lui dire qu’il va sortir de prison, elle fonce tête baissée dans un road trip plein de risques, à travers cette région américaine où le racisme le plus primaire est tellement présent que les injustices les plus atroces semblent presque banales. Où les comportements de survie sont intégrés dès la naissance du moment que l’on n’a pas la bonne couleur de peau. Où simplement trouver des toilettes pour se soulager ou un verre d’eau pour se désaltérer génère un stress immense.
Dans les premières pages du Chant des revenants, on a l’impression que l’histoire se déroule avant les Droits Civiques, dans les années où la ségrégation faisaient des Noirs des sous-citoyens. Ce racisme brutal et latent à la fois, ces meurtres déguisés en accidents parce que toutes les vies n’ont pas la même valeur… non c’était avant n’est-ce pas ?
Non, ça se passe aujourd’hui, aux Etats-Unis. La plus grande démocratie auto-proclamée du monde.
Dialna - Jesmyn Ward
Jesmyn Ward
(© wikipedia)
L’auteure, Jesmyn Ward, est née en 1977, et a grandi dans ce Mississippi qu’elle raconte dans ses romans. C’est la première de sa fratrie nombreuse a bénéficier d’une bourse pour faire ses études. « J’ai été élevée dans le Mississippi, dans une famille et un milieu qui s’identifiaient comme noirs et j’ai les histoires et le vécu correspondants », explique-t-elle à la presse. Pourtant, en faisant un test ADN, elle découvre que 40% de son héritage génétique est européen, blanc, et qu’elle a des origines amérindiennes. Le vécu de famille afro-américaine dont parle Jesmyn Ward, c’est notamment la mort tragique de son frère, lors d’un accident de voiture. Le conducteur reponsable était ivre, et blanc. « Il n’a même pas été inculpé pour sa mère », confie-t-elle. Son histoire familiale, personnelle est un terreau pour ses romans, dans laquelle elle puise son inspiration.
Son premier roman, Ligne de fracture, sorti en 2008, a été salué par la critique, mais c’est avec Bois Sauvage, sorti en 2011, qu’elle va connaitre un succès international, en remportant son premier National Book Award. Avec Le chant des revenants, elle devient la première femme deux fois lauréate de ce prix.
Le chant des revenants par Jesmyn Ward
Éditions Belfond
Soad

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