[Interview] Halima Guerroumi et ses « Figures algériennes »

Dialna - Halima Guerroumi

D’abord enseignante en arts appliqués, puis inspectrice de l’Éducation nationale, Halima Guerroumi a toujours eu le dessin ancré en elle. Et c’est justement par le dessin qu’elle décide de transmettre le patrimoine culturel et historique de son pays d’origine, l’Algérie à sa fille. En juin 2021, elle sort le livre illustré Figures algériennes chez Orients éditions, une forme d’héritage. Rencontre.

L’aventure de Figures algériennes commence en ligne, comme de nombreux projets. Son auteure, Halima Guerroumi ouvre alors un compte Instagram, Sghira & Kbira, que l’on peut traduire par « Petite et grande », dans lequel elle partage ses propres portraits de femmes algériennes marquantes. Le but ? Donner la possibilité à sa fille d’alors trois ans d’avoir un éventail de modèles lui ressemblant, ayant le même patrimoine culturel qu’elle. L’ancienne enseignante travaille à palier l’effacement des femmes dans l’histoire, la culture. Quelques mois plus tard, le projet prend de l’ampleur pour se retrouver dans nos bibliothèques et librairies, pour notre plus grand plaisir.

Dialna - Figures algériennes
Figures algériennes de Halima Guerroumi, sorti chez Orients Éditions

Dialna : Tu t’inscris dans une démarche de transmission vers ta fille, avec ce projet. Comment s’est passée la transmission de l’histoire familiale pour toi, enfant ?

Halima Guerroumi : J’ai eu beaucoup de chance. Ma mère me parlait beaucoup, répondait à mes questions. C’est en effet une chance quand l’histoire de nos familles nous est contée. C’est un privilège, même. Mes parents sont nés dans les années 40, 50. Mais ils n’avaient pas conscience de la richesse du patrimoine qu’ils ont quitté. Ils ont été déracinés et étaient dans le souci de travailler, d’élever leurs enfants, de survivre. Leur préoccupation, c’était notre intégration. L’intégration, c’est un mot que j’ai toujours entendu dans mon enfance. Ça me rappelle le roman de Faïza Guene, La discrétion, que j’ai fait lire à ma mère. C’est ce qu’on était, des discrets, c’est vrai. Peut-être trop discrets.

Je pense que nos parents ne se rendaient pas compte vraiment de cette richesse, et de ce besoin de la transmettre. C’est un questionnement que tout enfant d’immigrés a dû ressentir. Enfant, j’étais très curieuse. Je n’ai pas connu mes grands-parents maternels. J’avais donc très envie que ma mère me parle d’eux. J’ai commencé avec des questions simples : « Mais maman, comme tu as fait pour vivre en France et laisser ta mère ? » Enfant, c’était impensable pour moi. « Et comment tu as fait quand ta mère est morte ? » À force de lui poser des questions, elle en parlait.

Les parents ont aussi beaucoup de pudeur. Elle me racontait quand elle allait à l’école. Je ne réalisais pas tout de suite que c’était déjà une chance pour elle d’être scolarisée. Je me suis rendue compte par la suite qu’avoir une mère née en 1948, qui est allée à l’école, qui a travaillé en Algérie, qui a émigré en France toute seule, ce n’était pas si commun. Par rapport à mes amis, quand j’étais enfant, je voyais que ce n’était pas la même histoire. Il n’y a aucune hiérarchie dans mon propos, juste un constat dans les histoires racontées par les uns et les autres.

D : Tu as pris conscience qu’il existait des histoires d’immigration différentes ?

H. G. : Oui, on comprend qu’il y a une diversité qu’on ne nous montrait pas plus que ça. Ça sortait du schéma d’immigration habituel. On réalise qu’il y a plusieurs réalités possibles. Ces choses ont commencé pour moi, parce que mes parents se sont rencontrés en France, par exemple. Je me disais « Tiens, c’est marrant, mes parents ne sont pas venus ensemble d’Algérie. Pas comme mes copines à l’école ». En effet, ma mère est venue toute seule en 1974, avant de rencontrer mon père et de faire sa famille.

 

L’envie de garder mémoire et de conserver les histoires, ce n’était pas une question de femmes ou d’hommes, pour moi.
Halima Guerroumi, autrice de « Figures algériennes »

 

D : Tu questionnais ton père aussi ?

H.G. : Oui, mais c’était une autre histoire. Mon père est venu en France à 11 ans. Mon grand-père l’a amené, seul. Pour lui, sa venue en France, c’est avant tout un déchirement familial. Plus jeune, je ne comprenais pas l’adoration qu’il avait pour ma grand-mère. Je ne comprenais pas pourquoi quand il était avec elle, il était comme un enfant. Au fur et à mesure, il m’a un peu raconté. J’ai donc appris des choses sur lui, mais sur le tard.

J’ai baigné dans sa culture kabyle, enfant. Ma mère elle, est de Mostaganem. D’une certaine manière, j’ai eu une triple culture : française, algérienne, et kabyle. En Algérie, je naviguais dans deux mondes différents, deux régions, deux langues, deux traditions. Malheureusement, mon père ne nous a pas transmis la langue. Mon grand-père paternel, lui, était francophone, et nous racontait sa vie en France, quand il travaillait sur les chantiers de construction.

On peut dire qu’il existait une certaine transmission orale, mais avec beaucoup de silences aussi. Il y a eu des scissions dans la famille de ma mère à cause de la guerre d’Algérie. Il y a des fractures qui nous dépassent. Mais je pense qu’en tant que fille, la seule fille de la fratrie, je sais plus de choses que mes frères par exemple.

 

Dialna - Halima Guerroumi
Halima Guerroumi
© Nadia Bouchenni

D : Au delà des histoires personnelles et familiales, est ce que ta mère te parlait de ces figures féminines algériennes importantes? Qu’elles soient issues de l’histoire de la guerre d’indépendance ou du monde de la culture, par exemple ? 

H.G. : Oui, elle me parlait de femmes très différentes. Venant de Mostaganem, Cheikha Rimitti par exemple, c’était une femme dont on entendait parler depuis toujours. Je ne l’ai pas connue en France, mais en Algérie. Là-bas, on te parle de ses chansons, de son histoire. Les femmes t’en parlent. Elle fait partie de l’art populaire, et comme tout art populaire, il n’y a pas la question de sa préservation, de sa transmission. C’est maintenant que ça n’existe plus qu’on se rend compte des savoir-faire et des patrimoines qu’on a perdus. Cela faisait partie de l’éducation, sans que cela ne devienne pour autant une sacralisation particulière.

D : Avant de devenir mère t’es-tu posé la question de ce qui disparaissait avec la mort de certaines de ces femmes ?

H.G. : L’envie de garder mémoire et de conserver les histoires, ce n’était pas une question de femmes ou d’hommes, pour moi. J’ai fait des études de design et donc j’avais une approche pragmatique quand j’allais en Algérie. Il fallait que je connaisse mon patrimoine culturel algérien, tout comme on m’avait enseigné le patrimoine hollandais ou suédois. Donc quand j’y allais, je m’intéressais à l’architecture, au design, à l’artisanat, etc .. Je réalisais que ces choses se perdaient, notamment à cause de la mondialisation, comme partout. Je comparais avec la France, où l’on grandit avec une certaine éducation à la conservation, au patrimoine.

Vers 20 ans (1999/2000), j’ai réalisé qu’il y avait des choses à faire dans ce domaine côté algérien. Par exemple, quand Rimitti est décédée, j’ai eu un déclic. Je l’avais connue. Et la médiatisation de sa disparition en France m’a fait prendre conscience de ces figures appartenant à mon intime, à ma vision de l’Algérie pouvaient être perçues différemment ici. Cheikha Rimitti était presque perçue comme une punk ici ! Elle n’a pas eu les honneurs qu’elle méritait dans le pays qui l’a vue grandir, qui a vu naître sa musique.

À ce moment je me suis posé la question « Qu’est ce qui fait partie de notre patrimoine ? »  Et quand on fait des recherches dans le patrimoine algérien, on a très peu de femmes qui ressortent, à part, bien sûr, les moudjahidates.

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Cheikha Rimitti © Halima Guerroumi (Extrait de « Figures algériennes »)

D : Comment as-tu pensé ce projet de transmission vers ta fille ? Comment as-tu voulu lui parler de ces femmes ?

H.G. : Ce qui m’intéresse, c’est surtout « Comment on transmet ? » C’est vrai que mon passif d’enseignante m’avait déjà portée sur cette question. Faire baigner mon enfant dans une langue qu’elle ne côtoie pas au quotidien, mais que j’ai côtoyé plus jeune, c’était important pour commencer. Et puis, comment lui parler ? Comment lui transmettre cette langue de l’intime ?

D : D’où le nom du compte Instagram, « Sghira & Kbira » ? 

H.G. : Exactement ! Comme tout parent, on se demande ce qu’on apporte comme culture à son enfant. On essaye bien sûr d’aller vers une culture bienveillante, inclusive. Ma fille a déjà ses habitudes de lecture. En tant que femme, avec une conscience de femme j’avais envie de lui lire aussi des destins de femmes intéressants. Mais à un moment, j’ai dit stop. Je les adore, mais j’ai réalisé que ma fille allait plus connaître l’histoire de Marie Curie, de Joséphine Baker et de Frida Kahlo, que de femmes algériennes. Il allait lui manquer son truc à elle, son identité.

Donner des repères est très important. Et, je ne voulais pas qu’elle perde de temps. Je veux que déjà ce soit ancré en elle, avec justement cette pluralité de visions et de cultures. Il était hors de question que je mette cela de côté. De plus, j’élève ma fille toute seule, elle évolue dans un milieu féminin. Rentrer par le spectre du féminin me semblait important. On m’a demandé un jour si les choses auraient été différentes si j’avais eu un garçon… Je ne pense pas !

D : C’est aussi important que les garçons aient des référents féminins !

H.G. : Je pense que c’est même le plus important.

D : Les référents masculins sont bien présents dans la société, ils sont faciles à avoir…

H.G. : Et je pense aussi qu’on peut avoir d’énormes stéréotypes sur les femmes nord-africaines et que c’est facile pour un homme de rentrer dans ces stéréotypes-là parce que de toutes façons, ils sont basés sur une structure patriarcale. Leur rappeler la présence de femmes guerrières, par exemple, différentes de ces stéréotypes leur permet aussi d’apprendre la tolérance.

 

Je ne peux pas me positionner uniquement par rapport à des modèles 100% algériens, parce que j’ai aussi grandi avec des modèles français d’origine maghrébine.
Halima Guerroumi

 

D : La sélection des femmes que tu as faite est intéressante. On y voit des femmes d’autres époques, notamment avant l’arabisation et l’islamisation de la région, avant la colonisation française, ou encore pendant la guerre d’Algérie. On y trouve aussi des femmes plus actuelles, artistes ou militantes. Et tu as également choisi des femmes comme nous, héritières de cette immigration, comme les soeurs Khelfa, et tu les inclues dans ces figures algériennes. On y trouve aussi des femmes Juives, Imazighen… Finalement, c’est une vraie diversité de l’identité algérienne ? 

H. G. : C’est la réalité. Au delà de la diversité, il y a aussi une réalité géographique à prendre en compte. Il s’agit de montrer aussi les différences de profils, comme entre un Corse et un Breton en France ! Il y a des différences culturelles majeures. Je suis Algérienne, et je suis Française aussi. Je ne peux pas me positionner uniquement par rapport à des modèles 100% algériens, parce que j’ai aussi grandi avec des modèles français d’origine maghrébine. Tu parlais des sœurs Khelfa, ce sont des modèles que j’ai eu. Peut-être que de l’autre côté, on ne les a pas vues mais elles font partie de ma perception.

Ce qui est intéressant aussi, c’est la question judaïque. Pour moi, elle était incontournable. De toute façon, ça fait partie de l’histoire de l’Algérie. L’histoire judaïque date d’avant les Français. Et il y a des Algériennes qui sont chrétiennes aussi, comme Taos Amrouche. Il ne s’agit pas d’une entrée religieuse, mais de savoir comment ces femmes ont travaillé leur identité algérienne, le patrimoine algérien pour en faire totalement partie. À partir de là, on peut casser des préjugés ou mieux faire connaître aussi ces identités. C’était une réalité qu’il fallait prendre en compte. Elle fait partie de l’histoire.

D : Tu connaissais déjà toutes ces figures féminines ou en as-tu découvert pendant l’écriture de ce livre ? 

H.G. : J’en connaissais pas mal. Mais j’en ai découvert beaucoup, en effet. Pour certaines, j’ai même eu du mal à trouver des ressources. Dès le départ, je ne voulais pas me cantonner aux femmes inscrites dans l’histoire. Pour moi, une figure algérienne, c’était aussi les artistes, par exemple. Je voulais que les musiciennes soient présentes par exemple, parce que cela montre comment ces femmes ont pu à un moment donné se faire une place dans la société par leur métier. On ne les y attendait pas, que ce soit en France ou en Algérie. Il fallait que le l’éventail des domaines soit large.

D : Comment as-tu travaillé ces recherches ? J’imagine que pour certaines, leur vie est tellement riche d’informations qu’il faut bien condenser cela, d’abord sur un post Insta, puis dans un livre. Tu as fait un travail d’historienne, voire d’archiviste ? 

H.G. : Je ne suis pas historienne et je ne m’invente pas une spécialité de la femme algérienne. J’avais plutôt l’idée de conter des histoires, assez courtes, pour que ce petit livre soit une entrée possible avec des références multiples, qu’elles soient littéraires, cinématographiques, historiques. Cela permet d’aller un peu plus loin par la suite, comme aller regarder un film d’Assia Djebar, d’en lire un livre, ou écouter autrement une chanson de Rimitti, ou tout simplement s’intéresser à une œuvre d’art en particulier.

 

Moi, j’arrive à parler avec des dessins. C’est plus facile pour moi de dessiner que d’écrire.
Halima Guerroumi

 

D : Tu as aussi inclus des personnages fictifs. Cela peut paraître surprenant au début, mais cela prend vite sens. Quelle a été ta réflexion à ce sujet ?

H.G. : Oui, il y en a deux dans le livre. Ma réflexion est partie de l’image très orientaliste des Ouled Naïl (tribu d’Algérie). J’ai souvent vu ces images avec ces femmes, étant jeune. Je voulais que cette esthétique soit montrée puisqu’elle existe. Par contre, la démarche d’Etienne Dinet avec le personnage de Khadra était associée à l’écriture d’un livre. Cela me permettait d’avoir une distance qui ne soit pas juste une parenthèse orientaliste. Nos imaginaires, que soit ici ou là-bas, sont construits aussi à partir de ces images.

Pour Nedjma (roman de Kateb Yacine, ndlr), c’était incontournable. Et cela me permettait de mettre des hommes aussi qui parlaient de femmes. il y a des hommes qui ont très bien parlé aussi de la femme et cette figure de Nedjma était très importante. C’est un grand classique de la littérature algérienne !

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Nedjma © Halima Guerroumi (Extrait de « Figures algériennes »)

D :  Comment tu as procédé pour le dessin, qui est ton métier premier ? As-tu pensé un type de dessin en particulier pour ce projet ou cela ressemble à ce que tu faisais déjà ? 

H.G. : Chacun a son médium de prédilection. Moi, j’arrive à parler avec des dessins. C’est plus facile pour moi de dessiner que d’écrire. Mais c’est vrai que ce projet ne ressemblait pas du tout à ce que je pouvais déjà faire. Je l’ai pensé comme quelque chose de joyeux. Il fallait que ce soit très ludique, puisque c’était pensé pour ma fille. Il fallait qu’il y ait de la couleur, des motifs et une simplification qui lui permette aussi, d’identifier rapidement les personnes.

Ce trait naïf me donnait aussi l’autorisation de prendre de la distance avec ces femmes et c’est important. Je m’en suis surtout rendue compte quand j’ai commencé à travailler sur des portraits de femmes qui ont particulièrement souffert. Inclure leur visage dans quelque chose de plus joyeux me permettait aussi de prendre de la distance sur ces histoires terribles.

D : T’es-tu inspirée de photos, de tableaux quand ils existaient ?

H.G. : Oui, j’ai essayé de rechercher des photos, des tableaux, des mises en situations. Tout est sourcé dans le livre, donc ça permet au lecteur d’aller retrouver les images originales. Pour les femmes plus anciennes, il y a aussi des tableaux la plupart du temps. J’ai parfois réinterprété l’image de ces femmes, en faisant mes recherches, en m’inspirant de scènes de films.

 

Nous sommes nombreux, nous, les Algériens de France, nous faisons partie d’une des plus grandes diasporas, sur le territoire français, et peu de choses sont faites par nous. On en a marre d’entendre parler de nous par d’autres personnes.
Halima Guerroumi

 

D : Comment te sentais-tu pendant l’élaboration de ce projet ? 

H.G. : J’ai eu très peur. On se demande toujours si on a la légitimité. D’autant plus quand on travaille sur un sujet comme l’Algérie. Mais au final, on verra bien. Je ne sais pas où est ma meilleure place, si je suis légitime. En revanche, c’est drôle de voir la construction d’un projet comme celui-ci.

Il y avait des gens que je ne connaissais pas, qui m’envoyaient des messages via les réseaux sociaux pour me remercier. Et je ne voyais pas de quoi ils me remerciaient. Mais je pense que ça leur faisait plaisir de découvrir quelqu’un qui a un intérêt pour cette culture, pour ces questions. Ce qui me touchait le plus, c’était les messages qui venaient notamment d’Algérie ou de la diaspora ailleurs qui étaient contents de voir cela.

D : Cela exprime aussi le manque qui existe. Même s’il y a des ressources sur certaines de ces femmes, voir quelque chose de très accessible sur les réseaux est très inspirant. En avais-tu conscience ? 

H.G. : Oui, complètement. On a aussi ce recul dans le temps. Il y a quelques années j’avais organisé un événement, « Arabe ? Mode d’emploi », pour discuter des arts, de la représentation cinématographique, de la musique. Ce qui m’interpelle maintenant, comme beaucoup, c’est comment se réapproprier ces choses là. Non pas comme un combat, mais en réalisant que cela aurait dû être fait depuis longtemps.

Nous sommes nombreux, nous, les Algériens de France, nous faisons partie d’une des plus grandes diasporas, sur le territoire français, et peu de choses sont faites par nous. On en a marre d’entendre parler de nous par d’autres personnes. Chacun a à sa manière, nous faisons fait des livres, de la musique, des films, toujours avec cette attention qui est d’être au plus juste de ce qu’on connaît. Sans être des porte-paroles, mais pour montrer notre patrimoine, et palier l’ignorance de notre histoire.

Dialna - Halima Guerroumi
Halima Guerroumi
© Nadia Bouchenni

D : Des projets comme ton livre peuvent combler les trous dans la transmission avec son pays d’origine, notamment pour les plus jeunes ?

H.G. : Exactement ! Cela permet aussi de faire sens autour de tout ça. Ce n’est pas qu’une vision esthétique. On me demande souvent si j’ai découvert, ou redécouvert mon pays avec ce projet. Mais je ne l’ai jamais perdu ! Je n’ai jamais été en rupture avec mon pays d’origine. C’est une prolongation de ce que je vivais.

En revanche, la question qui me taraude, c’est « Pourquoi je ne l’ai pas fait avant ? » ou « Pourquoi d’autres ne l’ont pas fait avant ? » Peut-être parce qu’on avait d’autres préoccupations, d’autres combats à mener. Peut être que quand on est plus apaisé, on n’a plus besoin de prouver la place qu’on a gagné. Quelque chose s’apaise en soi, on porte un regard plus calme et serein. On choisit mieux de quoi on va parler.

D : Quand tu as commencé ce projet sur les réseaux sociaux, avais-tu déjà dans un coin de ta tête l’idée d’en faire un livre ? 

H.G. : Ah non, pas du tout. À la rigueur, je voulais faire un livre pour moi, avoir un objet à la maison, comme on fait des albums photo. En me voyant dessiner, ma mère m’en demandait un exemplaire, mais c’est tout !

D : C’est intéressant, parce que certaines personnes se disent tout de suite que c’est possible de se lancer dans l’écriture d’un livre …

H.G. : Je n’avais pas ces codes, je ne viens pas de ce monde. Pour d’autres, c’est une évidence en effet. D’habitude, je ne montre pas forcément mes dessins. Là, c’était un projet personnel, j’ai donc tout mis sur Instagram. Et puis, une personne très bienveillante travaillant dans l’édition m’a contactée et conseiller d’en faire quelque chose. Elle m’a aidée pour faire une note d’intention, je ne savais même pas ce que c’était. Puis elle m’a accompagnée pour contacter des maisons d’édition.

Et c’est Orients Éditions qui a répondu favorablement. C’est vrai, c’est particulier comme thématique. Cela peut faire peur. J’ai déjà reçu la réponse « Cela ne concerne que très peu de gens… ». Je ne suis pas sûre que certaines publications universitaires ou de spécialistes concernent le plus grand nombre, et pourtant on les publie.

Est ce que tel ou tel public est plus réceptif à la lecture ? Je n’en suis pas certaine. Mais c’est vrai que je n’avais pas cette démarche au début. On me disait « Arrête, ton concept va être repris ». Moi, je me disais que ce n’était pas grave (rires) ! Mais c’est vrai que le travail de chacun doit être reconnu, comme celui de ces femmes !

Dialna - Figures algériennes
Le livre « Figures algériennes » de Halima Guerroumi est paru chez Orients Éditions
© Nadia Bouchenni

Figures algériennes de Halima Guerroumi

Paru chez Orients Éditions

20€

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