[Dialn’air] Welcome to Brixton – Balade au cœur de la communauté afro-caribéenne londonienne

Dialna - Brixton

You said … Brixton ?

Des vacances à Londres ? Vous pensez certainement au prince Harry et à la merveilleuse Meghan Markle, à Westminster, au Brexit. On ne parle rarement, voire jamais, de Brixton. Pourtant c’est ici qu’ont vu le jour : le célèbre David Bowie, Paul Simonon – bassiste du groupe “The Clash” -, ou encore le politicien John Major. Et déjà ça, ce n’est pas rien ! Mais avant tout, c’est le quartier de la communauté afro-caribéenne de Londres. Alors, pourquoi la “Worcester sauce” ne prend-elle pas ? On est allé voir ce qui se trame vraiment à Brixton, histoire d’en avoir le cœur net.

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Le quartier a la réputation rebelle et sulfureuse et à l’air de bien s’en moquer ! Ici, au bout de la célèbre Electric Avenue.
© Val Desgardin

Welcome to Brixton

Situé dans le sud de Londres, Brixton est LE quartier de la culture afro-caribéenne de la capitale britannique. La gentrification désirée par les pouvoirs publics pour la capitale, encouragée par le développement de salle de concert dans ce quartier, prend assez mal ici. Il subsiste encore des stigmates de la violente histoire sociale et raciale du quartier. Bien que les émeutes des années 80 (racial riots) soient loin, leur ombre plane toujours sur le lieu, comme en témoigne le graffiti qui nous accueille ce matin.

A peine sorti.e.s du métro, en tournant la tête à droite sur Brixton road, on peut apercevoir, sur un pont aérien de chemin de fer, la phrase suivante: «← Clapham that way you 2D white flat tepid colonialist yuppy wanker». Le ton est donné. Il ne s’agit pas d’un message d’amour, loin de là.

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Message de bienvenue.
© Val Desgardin

En résumé, on vous indique la direction à suivre pour aller déguster vos cafés à la mode, loin de notre quartier : on ne veut pas de riches blancs colonialistes dans notre quartier, retournez à Clapham, on ne veut pas de vous ici. Allez, sans rancune et « Love from Brixton, XXX ».

Même la twittosphère du quartier ne sait pas depuis combien de temps ce message est présent sur ce pont … Mais si vous n’êtes que touriste ou de passage, rien ne vous empêche de vous arrêter ici. Nul doute que vous trouverez autant de charme à ce quartier qu’à celui de Clapham ! Et comme on ne s’en laisse pas conter comme ça, nous, on y va !

Et si on entrait ?

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L’entrée du Brixton Village, marché couvert du quartier
© Val Desgardin

Près de Pope street, au bout d’Electric Avenue, une entrée discrète sous le pont de la ligne de métro : l’accès au «Brixton village» , le marché couvert du quartier. Ce dédale, protégé par des toits de verres, abrite des boutiques témoignant du métissage culturel qui existe paisiblement dans le quartier. Face aux traditionnelles boutiques et restaurants Jamaïcains, on tombe sur un restaurant sud-américain ou une boutique d’articles de déco hyper “branchouille”. On y trouve également des maraîchers africains, des vêtements en wax, et même un poissonnier : c’est d’ailleurs l’odeur de son étal qui nous a accueillies !

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En poursuivant notre balade, nous trouvons un second marché couvert, plus petit celui-là : Market row. Il ressemble au Brixton village dans son architecture et à eux deux, ces marchés semblent représenter l’intégralité de l’offre mondiale de nourriture possible : tout le Commonwealth s’est donné rendez-vous à Brixton ! On a craqué pour un morceau de fruit à pain, on bien fait de venir !

Petit bonus de la balade, c’est qu’en continuant à fureter dans le coin, on découvre Reliance arcade (la dépendance du marché, comme une annexe). Ici, c’est de l’inédit pour nos yeux : les échoppes sont vraiment minuscules. Elle ne peuvent souvent contenir que la.e vendeuse.r et sa marchandise. Il faut rivaliser d’astuce pour entreposer les articles à vendre, les murs et la hauteur sont mis à contribution pour les cintres, les cartons et autres disques. Pas de place pour la fioriture ! On y trouve essentiellement des boutiques de musique, des coiffeur.se.s et, plus surprenant, un atelier de médecine chinoise traditionnelle en activité.

Rien que pour le dépaysement, les couleurs, les saveurs et les odeurs, n’hésitez plus à venir à Brixton : c’est faire un autre voyage dans le voyage.

Et si on restait un peu ?

Nos pas nous conduisent, au gré des façades de street art, vers notre prochaine rencontre, sur Coldharbour lane, au numéro 390 : la boutique “Diverse gifts” d’Anita Thorpe. Cachée derrière un échafaudage, la façade jaune soleil invite à entrer. Ici, dès que l’on passe la porte, on ressent une sensation de bien-être : la musique, l’ambiance, le sourire des personnes qui nous accueillent, tout est chaleureux. On a envie d’en savoir plus, de découvrir cette boutique cadeaux d’un genre différent.

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C’est Betiel Mehari qui nous a accompagné dans notre shopping. © Val Desgardin

C’est Betiel Mehari, la vendeuse qui nous a accompagné dans notre shopping, qui nous raconte d’où proviennent les articles et comment le magasin fonctionne “Ici, c’est comme une collection d’objets faits par des artistes que nous proposons au public. Une partie de ceux-ci viennent d’Afrique : du Kenya et d’Ouganda. Mais pour leur majorité, ils sont fabriqués ici, par des artistes locaux de Brixton.” Pour illustrer l’aspect local de la production, elle nous montre le présentoir de savon artisanaux qui est au fond de l’échoppe : c’est dans l’arrière-boutique qu’il y a le laboratoire de saponification de Cherlyn, la créatrice de la marque de produits cosmétiques “puregoodness” vendue sur place. Malheureusement absente ce jour-là, nous n’avons pas pu la rencontrer. Une fois saponifié, les savons sèchent sur des étagères en hauteur avant d’être proposés à la vente sur les présentoirs du bas. Un produit sans empreinte carbone !

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L’intérieur chaleureux de Diverse Gift
© Val Desgardin

Les cadeaux à offrir que l’on trouve ici sont “diverse”, c’est-à-dire originaux, que vous ne trouverez pas ailleurs. Non seulement on retrouve des livres, des vêtements et des accessoires créés avec des tissus africains mais également des jouets et des cartes d’anniversaire à destination des enfants noir.e.s. “C’est important que les enfants aient des jouets et des héros auxquels s’identifier quand ils grandissent” explique Betiel. Mais elle nous précise également que la diversité n’est pas uniquement réservée aux personnes noires/métisses, elle concerne aussi la communauté LGBT : tout le monde est accepté (exemples en photos sur leur compte Instagram). Pour elle, ce travail est comme un “engagement politique, c’est important de montrer des minorités qui devraient l’être et qui ne le sont pas ou que trop rarement”. La boutique d’Anita est donc comme une galerie d’art, une réunion de talents d’origines diverses et variées et qui trouvent en ce lieu le moyen de se faire connaître et apprécier. C’est aussi un formidable lieu d’économie sociale et solidaire, secteur dans lequel croit Anita depuis longtemps.

On en parle ?

Sur les conseils de Betiel, nous nous dirigeons vers un autre lieu d’importance dans le quartier de Brixton : les Archives de la culture noire (Black cultural Archives). Situées derrière le Windrush square, parc ouvert en hommage au Windrush – navire sur lequel les migrants des Antilles anglaises sont arrivés à Londres en 1948 -, elles centralisent et mettent en valeur l’histoire/les histoires des peuples africains et caribéens dans l’histoire de la Grande-Bretagne. Comprendre, explorer, écouter les petites histoires familiales pour raconter la grande histoire du pays et du siècle, c’est ce que propose ce lieu unique, qui fait vivre la culture noire africaine et contribue à l’identité forte de ce quartier. De nombreux artistes de la diaspora africaine, de nombreuses expositions sont proposés à la découverte tout au long de l’année. Actuellement, c’est une exposition sur Neil Kenlock qui est à l’affiche. Cet artiste est considéré comme un précurseur dans l’implantation des médias noirs dans les années 70 à 90 en Angleterre. Membre actif des “Black panthers”, il a pris des photos de l’activisme du groupe pour améliorer les droits de la communauté britannique noire et susciter une vague de fierté noire.

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© Chris Steele-Perkins : habitants de Brixton

On note aussi que la star internationale Idris Elba est un des mécènes des Archives de la culture noire à Londres.

C’est au-dessus de l’échoppe d’un barbier de Brixton qu’en 1956, une autre figure de la culture noire britannique, Claudia Jones, fonda un des premiers journaux noirs de l’île : “the West Indian Gazette”. Après sa déportation des Etats-Unis vers l’Angleterre pour fait de communisme, elle prit une part très active dans la défense des droits des populations noires de Grande-Bretagne. Pour Claudia Jones, ceux qui n’avaient pas de voix étaient “comme des agneaux qu’on mène au massacre”. Mais elle est aujourd’hui essentiellement connue pour la création du carnaval de Notting Hill en 1959, suite aux violences qu’il y a eu dans ce quartier.

On en apprend énormément sur la vague d’immigration post seconde guerre mondiale en Angleterre grâce à ce lieu. L’histoire est aussi racontée à travers les histoires familiales individuelles, ce qui la rend concrète, humaine. Définitivement, un incontournable lors d’une visite à Londres !

So ? Let’s go to Brixton ?

Que de découvertes, rencontres et belles images prises pendant ces quelques heures à Brixton. Un quartier riche d’une identité forte et qui mérite largement le détour. Il est plus que temps de parler de la richesse culturelle de cet endroit. On est à moins de 20 minutes de King’s Cross station sur Victoria line !

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Façade de street art dans les rues de Brixton “il y a un endroit à nul autre pareil sur terre, un pays plein de merveilles, de mystères et de dangers, on dit que pour y survivre, tu dois être aussi fou que le chapelier – le dog star – aboiement fou”. © Val Desgardin

Et, si mes arguments ne vous ont pas rendu curieux de ce quartier, vous y viendrez peut-être pour la scène musicale, underground, parfois branchée, internationale… Bref, il y aura toujours une bonne raison de venir à Brixton!

 

Texte et photos © Val Desgardin

 

PS :  Vous pouvez aussi retrouver Val sur Soundcloud avec La petite note vocale de Val. Le premier épisode est en rapport avec Brixton et l’article. Bonne écoute !

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1 commentaire

  1. […] version reggae du tube des Clash pour notre petite escapade à Brixton allait de soi. Ce morceau mythique fonctionne toujours quelle que soit la version choisie. Que la […]

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